Reprise d’un article publié par Internet actu
Dans Débats, Economie et marchés, internet des objets, web sémantique, par Hubert Guillaud
(magazine en ligne sous licence Creative Commons)
Pour entériner cette intuition, il évoque deux histoires récentes. La première, évoquée par le New York Times, est assez classique de l’informatique omniprésente. C’est celle d’une nouvelle génération d’écrans électroniques publics, équipés de caméra, qui observent qui les regarde pour adapter leurs contenus à leur public, comme le propose la société française Quividi. La seconde évoque la publicité contextuelle mise en place par Like.com dans Facebook : selon les images qui sont présentes sur votre page de profil, Like.com propose des publicités adaptées, proposant des lunettes par exemple, proche de celles que vous portez sur votre photo. Like.com se sert ainsi des images présentes dans Facebook comme de “capteurs” à partir desquels il extrait des informations exploitables par son application.
“La plupart des ruptures que propose le web 2.0 sont venues des nouvelles manières de faire émerger du sens de données qui existent, la plupart du temps à travers de nouvelles méthodes statistiques ou de nouveaux algorithmes et pas vraiment en apportant de nouvelles données ou en ajoutant de nouvelles métadonnées aux données existantes”, explique avec justesse Tim O’Reilly. Les images et les contenus sont en passe de devenir le substrat de nouveaux capteurs, comme les logiciels de reconnaissance de formes capables de comprendre le contexte pour interpréter des images ou ceux capables d’identifier un monument dans des banques d’images pour géolocaliser celles-ci. Pour Tim O’Reilly, l’UbiComp ne se résume pas seulement à l’internet des objets, mais utilise toutes les productions humaines comme des capteurs, que ce soit les traces de nos déplacements ou celles des contenus qu’on livre au web.
Il y a une hiérarchie dans l’architecture de la participation, rappelle Tim O’Reilly (cf. les différentes échelles de la participation que nous avons pu évoquer). Mais les participations les plus puissantes, ne sont peut-être pas celles où l’on intervient le plus (comme le fait de commenter ou de coproduire un texte), mais au contraire celles où notre participation est la plus simple, la plus automatique (comme de poster des images, de laisser tracer nos déplacements…), explique-t-il.
Selon lui, il est essentiel d’inclure la puissance d’interprétation de nos contenus dans la catégorie des capteurs. Photosynth est un bon exemple d’application qui extrait du sens des photos des utilisateurs, en permettant par leur accumulation d’analyser la configuration d’un lieu, suggère-t-il. Wesabe en est un autre exemple. Wesabe est l’une des start-up de la finance 2.0 dont le principe consiste à échanger son décompte bancaire afin de se mettre en relation avec des gens qui ont un profil de consommation proche du sien pour échanger des recommandations personnalisées.! “Wesabe transforme ainsi votre carte de crédit en capteur intelligent de masse”.
Reste qu’il faudrait tout de même se demander si le fait d’analyser nos photos tient encore de la participation ? Quand on trace nos déplacements à partir des données recueillies par les opérateurs mobiles ou quand on fouille nos données à partir de transactions bancaires que nous réalisons, est-ce que cela tient encore de notre participation ? Or, si nous participons, cela suppose que nous en soyons conscients, mais est-ce toujours le cas ? On a souvent tendance à appeler coopérations des formes qui n’en sont pas vraiment.
Pour Tim O’Reilly il est alors important de :
- Penser l’informatique omniprésente pas seulement comme un glissement de l’ordinateur aux objets mobiles, mais comme le fait que nos objets, nos contenus, vont devenir les capteurs pour le nuage d’application qui va exploiter l’intelligence collective.
- Se souvenir que les bases de données et les applications en réseau prennent leur sens par leur exploitation statistique et qu’elles vont continuer à être la clé des avantages compétitifs dans une ère où tout va être en réseau.
Cette informatique ambiante, qui trouve sa source dans le concept de trouvabilité ambiante cher à Peter Morville, c’est-à-dire, la capacité de rendre les choses visibles, devrait être la prochaine étape du web, s’enthousiame O’Reilly.
Il ne dit pas autre chose quand il affirme que la prochaine étape du web c’est de changer le monde, comme il l’annonçait en introduction de la dernière Web 2.0 Expo en avril. Son message principal consistait à dire qu’il ne fallait ! pas suivre les applications chaudes du moment, mais s’attaquer aux “vrais gros problèmes”. Selon lui, les opportunités auxquelles nous devons nous confronter sont :
- le web 2.0 en entreprise pour révéler les sens cachés dans les données des entreprises ;
- le web programmable, dont l’ouverture est la clé ;
- et l’informatique mobile ambiante car le “web 2.0 n’est pas quelque chose avec lequel nous interagissons depuis un ordinateur, mais quelque chose qui est partout autour de nous”.
Comme le disait encore O’Reilly, changer le monde, c’est changer notre rapport à l’environnement, à la santé ou aux structures de gouvernement. Et c’est à cela qu’on va pouvoir s’attaquer grâce à cette nouvelle informatique des capteurs.
Pour Richard MacManus du ReadWriteWeb, “dans cette nouvelle ère du web, le succès viendra de start-ups qui apporteront des innovations qui résoudront les problèmes de millions de personnes dans le monde réel. (…) C’est là que les revenus seront”.
Faut-il y lire une fuite en avant d’une industrie qui peine à trouver des modèles économiques viables ? Faut-il y lire un refus des perspectives de récession économiques qui s’annoncent et qui pourraient contracter le marché de l’immatériel ? Ou une ouverture à des applications qui dépassent le web pour s’attaquer, via les nouvelles technologies, aux problèmes du monde réel ? Assurément, la Silicon Valley se pose des questions alors qu’aujourd’hui, l’investissement se concentre dans le développement d’innovations incrémentales, c’est-à-dire, dans l’amélioration des innovations existantes, plutôt que dans le développement de nouvelles innovations, de nouveaux marchés, comme le dénonce l’investisseur Jeff Nolan.