"à propos de la riposte graduée et de la coupure de l’accès à internet"

Téléchargement illégal : L’appel de SVM contre la future loi Hadopi

La revue science et vie micro lance une pétition

Malgré le vote du parlement euroépen qui a demandé d’éviter "l’adoption de mesures allant à l’encontre des droits de l’homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d’efficacité et d’effet dissuasif, telles que l’interruption de l’accès à Internet , la loi Hadopi issue de la mission Olivennes instituerait une police privée de l’internet surveillant et fermant l’accés à internet en dehors de toute décision de justice.

La pétition lancée par le magazine Sciences et vie micro a recueili en quelques jours 10 000 signatures.

Introduction du dossier publié par le numéro de juin de SVM

Loi contre le téléchargement : là où ça coince

Surnommé loi Hadopi, parce qu’il va instituer une Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l’Internet, le projet issu du rapport Olivennes est en passe de devenir un parcours d’obstacles pour l’industrie culturelle qui veut l’imposer. La première estocade a été portée par le Parlement européen. Lors de l’élaboration d’une résolution jointe au rapport sur les industries culturelles en Europe, mené par le député Guy Bono, un amendement a fait son apparition.

Rédigé par Guy Bono, Michel Rocard et Francis Wurtz, entre autres, celui-ci engage les États membres, en parlant de l’Internet, à “éviter l’adoption de mesures allant à l’encontre des droits de l’homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d’efficacité et d’effet dissuasif, telles que l’interruption de l’accès à Internet”. Non seulement les députés ont voté à 314 voix contre 297 en faveur de cet amendement, mais par la suite, c’est l’ensemble du rapport Bono qui a été voté, et très confortablement, à 586 voix contre 36. Un accroc de taille dans l’argumentaire policé des majors, puisque les députés européens signifiaient ainsi leur opposition à la principale sanction du rapport Olivennes : la coupure de l’accès.

D’où la colère d’Hervé Rony, délégué général du syndicat des producteurs de disques (Snep) le jour même, qui parle d’un texte “invraisemblable” et d’une “manoeuvre très choquante”. Et un vote qui, même s’il ne lie pas le législateur français, a écorné le texte avant son passage devant l’Assemblée, s’inquiète le Snep, fin avril. Si on peut hésiter à suivre le Parlement européen quant à l’assimilation de la connexion Internet à un droit de l’homme, la question de la proportionnalité de la peine reste, elle, valablement posée (voir notre éclairage ci-dessus).

Le coup bas suivant est venu des grands noms de l’Internet français, réunis dans l’Association des services Internet communautaires (Asic). Yahoo, Google et Microsoft France, Dailymotion, Price- Minister en font partie. Dans une lettre au président de la République, au Premier ministre, à Éric Besson et aux ministères de la Justice et de l’Industrie, ils attaquent sur tous les fronts, et appellent “à ne pas minimiser la portée de cette sanction [la coupure de l’accès]. Bannir, même temporairement, des internautes de la société de l’information, ce n’est pas seulement les empêcher de télécharger des contenus illicites, c’est aussi et surtout leur interdire toute utilisation d’un vecteur de communication et d’expression devenu indispensable, qui offre l’accès à une pluralité d’information, à une diversité de contenus, ou à une multitude de services publics”.

On retrouve, presque à l’identique, les mots du Parlement européen. Pour l’Asic, la sanction doit rester “strictement proportionnée au but à atteindre”. L’association rappelle aussi que la suspension de l’accès peut atteindre les entreprises et se révéler économiquement traumatisante. Et l’Asic continue de plus belle : notion de graduation à la libre appréciation de la Haute autorité, ignorance des droits de la défense, double peine possible, soupçon de collusion d’intérêt envers les membres de la Haute autorité nommés par le ministère de la Culture, interrogations face à des sanctions prises par une autorité administrative sans passer par un juge...

Enfin, au niveau européen, des signes ont montré l’inquiétude des démocraties face à des mesures de surveillances trop systématiques. En Suède, un des pays les plus connectés d’Europe selon GfK, avec 73% d’internautes, les ministres de la Justice et de la Culture, face à une proposition du même acabit que le projet Olivennes, ont pu dire : “la coupure d’un abonnement à Internet est une sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l’accès à Internet est un droit impératif pour l’inclusion sociale. Le gouvernement a donc décidé de ne pas suivre cette proposition [...] les lois sur le copyright ne doivent pas être utilisées pour défendre de vieux modèles commerciaux”.

Et en Allemagne, où les données de connexion sont conservées six mois, la Cour constitutionnelle a limité leur consultation aux infractions les plus graves : homicides, abus sexuel, terrorisme... En France, le projet Hadopi propose que la Haute autorité puisse les conserver jusqu’à un an, pour un simple téléchargement.

Le texte de la pétition

http://www.svmlemag.fr/petition_rip...

Mesdames et messieurs
les députés

Vous allez débattre d’un texte de loi qui voudrait résoudre le problème de l’échange illicite d’œuvres culturelles sur Internet par la répression.

Ce texte est issu du rapport Olivennes, dont les propositions ne sont, en l’état, pas satisfaisantes. Pire, nous considérons que ces mesures aggraveraient la situation.

Premièrement, elles ne montrent de l’ensemble des internautes qu’une image caricaturale de pillards.
Il existe déjà des lois pour punir la contrefaçon. Cette nouvelle loi ne va pas punir des pirates, elle va punir le public. La “riposte graduée” va traquer les petits utilisateurs, ceux qui aiment la culture, achètent des disques, paient la redevance pour copie privée de leur matériel, et assistent en masse aux concerts.

Deuxièmement, la surveillance sans pareille des activités des internautes que ces mesures impliquent n’est pas digne d’une société dans laquelle nous aimerions vivre. Nous nous inquiétons que cette surveillance soit confiée à des organismes de droit privé.
En outre, elle favorisera mécaniquement la création de réseaux toujours plus clandestins.

Troisièmement, les propositions vont instaurer une infraction à laquelle correspondra une sanction administrative, automatique et aveugle, sans possibilité de défense réelle devant un juge. De plus, on ignore sur quelle base sera estimée la gravité de l’acte.

Nous disons que la surveillance des réseaux est inefficace et indigne d’une économie moderne.

Nous disons que la coupure de l’accès à Internet et la tenue d’un fichier des internautes sanctionnés est une mesure disproportionnée, qui prive tout un foyer d’une connexion essentielle à la vie sociale.

Nous invitons les producteurs et ayants droit à s’adapter aux nouvelles façons de consommer plutôt que d’espérer en vain les juguler.

Nous exigeons aussi que soit toujours respecté le principe de neutralité des réseaux et des protocoles.

Nous appelons à une nouvelle réflexion, qui prendra cette fois en compte la voix des artistes et consommateurs, premiers concernés.

Les artistes et leur public forment un couple inséparable. Loin de dresser les uns contre les autres, cette nouvelle réflexion devra renforcer ce lien, pour le bien de tous.

Signer la pérition : http://www.svmlemag.fr/petition_rip...

Posté le 25 mai 2008

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