Licence globale : le retour du refoulé

Repris de l’article publié par Homonuméricus
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L’industrie musicale change d’avis. Après s’être lancée il y a quelques années à corps perdu dans la lutte contre le piratage afin de préserver son modèle économique traditionnel (la vente de cd), elle semble prendre conscience aujourd’hui que la bataille est en voie d’être perdue.

Les campagnes de poursuites extrêmement répressives qui ont été déclenchés, aux Etats-Unis surtout, contre des dizaines de milliers d’internautes n’ont pas entraîné l’effet escompté. Les ventes de disques ont continué à chuter. Par ailleurs, ces campagnes ont eu un impact très négatif sur l’image des société qui les ont suscitées. Par conséquent, un nombre croissant d’artistes, ne pouvant se permettre de s’aliéner leurs fans, ont pris leurs distances à l’égard d’éditeurs de plus en plus agressifs contre leur public.

Après avoir été dédaigneusement rejetée, la licence globale revient aujourd’hui en force. Par licence globale, on entend généralement un mode de paiement forfaitaire payé par l’internaute, par exemple avec son abonnement à Internet, pour pouvoir écouter sans limite un catalogue de titres, et même l’échanger via des réseaux peer to peer qui sont du coup légalisés. Le point faible de la licence légale, c’est le mode de répartition des revenus entre tous les ayant-droits. Il n’y a plus dans ce cas de figure, de vente à la pièce pour mesurer les usages sur la base desquels distribuer les revenus. Il faut donc imaginer d’autres systèmes de mesure, qui peuvent être biaisés.

Malgré ces préventions, plusieurs acteurs importants du secteur montrent aujourd’hui de réels signes d’intérêts pour ce type de solution. Cet été, c’est l’opérateur Neuf Cegetel qui a pu passer un accord avec Universal Music pour proposer à ses abonnés un accès illimité à une partie du catalogue. Selon le magazine en ligne Numerama, le groupe Warner Music songerait à proposer un système d’abonnement à tout son catalogue, faisant suite à des informations similaires en provenance de Sony BMG. Il y a quelques jours, le Financial Times révélait que la firme Apple réfléchissait à une offre de même type couplée à la vente des ipods et iphones. Au Canada, nous apprend Temps Réel, c’est l’équivalent de la SACEM qui vient de publier un rapport préconisant une solution ressemblant fort à la licence globale. Au même moment, Wired révèle qu’un consultant spécialisé sur les modèles économiques des nouvelles technologies vient de déclencher une polémique sans précédent sur le même sujet.

L’histoire est particulièrement ironique pour le législateur français, qui a voté il n’y a pas si longtemps une loi rejetant sans ambiguité toute solution similaire. On se souvient des débats qui avaient enflammé l’Assemblée Nationale à l’occasion de l’adoption de la loi DADVSI et du refus par le ministre de la culture d’alors, Renaud Donnedieu de Vabres, d’un amendement ouvrant la voie de la licence globale. Ce simple amendement avait provoqué la mobilisation des éditeurs musicaux et d’un certain nombre d’artistes rejetant ce mode de rémunération. Les uns et les autres n’ont pas vu à l’époque qu’ils n’avaient guère le choix, non pas entre la licence légale et la rémunération au pourcentage sur les ventes de disques, mais bien entre deux formes de licence globale. Ils auront donc écarté la mise en place d’un système de mesure et de répartition des revenus par les pouvoirs publics au profit d’un système similaire, mais entièrement contrôlé par les maisons de disque. On verra bien s’il sera aussi favorable aux artistes qu’ils pouvaient l’espérer. Il semble en tout cas qu’il le sera moins pour le consommateur puisque celui-ci, plutôt que de pouvoir s’abonner en une seule fois à l’ensemble des catalogues, devra multiplier les abonnements (aux alentours de 5dollars dans la plupart des cas) pour pouvoir écouter les artistes qu’il aime, pour peu que ceux-ci ne soient pas sous contrat au sein des mêmes groupes.

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Posté le 13 avril 2008

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