Pour un web adapté aux médias

Ian Rogers, directeur des applications vidéos et médias chez Yahoo !, vient de publier sur son blog un billet très intéressant issu d’une conférence qu’il a donnée devant l’industrie musicale en décembre. Après des propos déjà remarqués contre les DRM , en octobre lors du Digital Music Forum, il propose ici une vision plus constructive autour d’un “média web ouvert”, c’est-à-dire un web qui soit mieux adapté aux contenus audio et vidéo.

DaReprise d’un article publié par Internet actu
Dans : Débats, Médias, Normes et standards, eBusiness, par Hubert Guillaud, le 16/01/2008.

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

Dans un premier temps, le propos de Ian Rogers est de montrer que les jeunes, en particulier, ne répondent plus autant qu’avant aux démarches marketing classiques. Il prend comme exemple le clip Lazy Sunday créé pour l’émission Saturday Night Live, une vidéo de rap parodique sur comment perdre son temps un dimanche matin en Amérique. Quand Rogers demande à des étudiants s’ils l’ont vu, tous lèvent le doigt, mais aucun ne l’a vu à la télé. Puis il demande qui a vu la version récente du film Superman, dont le bombardement marketing s’est récemment abattu sur les adolescents américains : seulement 10 à 15 % de doigts se lèvent. D’un côté, le marketing n’a rien co&u ! circ ;té (au contraire, NBC, la chaîne du Saturday Night Live, a plutôt tenté son possible pour supprimer le clip des plateformes de diffusion vidéo comme le rapportait à l’époque le New York Times) et a donné naissance à un vrai phénomène viral de parodies, de l’autre, on dépense des millions de dollars pour vendre un film, avec un retour sur investissement médiatique significativement inférieur.

“Aujourd’hui les utilisateurs créent de la valeur et pour la plupart, nous les ignorons. Ils écrivent des blogs sur nos artistes, rédigent leurs biographies sur Wikipédia, témoignent de leurs derniers concerts sur FlickR et sur des sites de partage de vidéos, nous montrent quelles chansons sont les plus populaires sur Last.fm… Et comment l’industrie musicale a-t-elle réagi à cela ? Quels outils avez-vous créés afin de le leur permettre, voire de les encourager ?”

Selon lui la réponse consiste à créer un “mediaweb”. Aujourd’hui, le monde des médias numérique ressemble encore à celui d’il y a 15 ans, explique-t-il : alors que le texte et les images sont faciles à ajouter à une page web, chaque fois que vous voulez ajouter un autre média, vous devez affronter des technologies propriétaires (Real, QuickTime, Windows Media…). “Nous avons besoin de la même force que celle qui a créé le web pour créer un mediaweb. Sur quoi reposait cette force ? Des standards ouverts capables de résoudre les besoins universels des utilisateurs et de nous permettre de développer de nouvelles plateformes d’éditions.” Dit autrement, il y a une balise pour les images dans le langage HTML, il n’y en a pas pou ! r les vidéos ou l’audio.

Et de lister les formats dont l’industrie du divertissement a besoin :

  • 1. Nous avons besoin que les médias soient une première classe d’objets en HTML [NDLR : c’est-à-dire qu’ils aient des attributs propres dans le langage HTML. Et de suggérer par exemple un microformat adapté aux médias, comme hAudio, qui est un format adapté pour embarquer de l’information concernant les enregistrements audio et extraire des informations sémantiques d’un lien vers un fichier média].
  • 2. Nous avons besoin de pouvoir décrire des collections d’objets médias (les playlists) [NDLR : Et d’évoquer le peu connu format XSPF, qui sert justement à décrire et partager des playlists].
  • 3. Nous avons besoin de trouver un moyen pour que les gens puissent créer des “contextes” à leurs contenus, c’est-à-dire des objets qui remplaceront, dans le monde numérique, la pochette d’albums par exemple, comme y travaillent les gens du Project Opus.
  • 4. Nous avons besoin de standards pour partager les données des utilisateurs. Comment puis-je importer facilement mes morceaux de iTunes à Yahoo ! ou Rhapsody ? Comment puis-je récupérer mes dernières données de Last.fm et les injecter dans Pandora ? Nous avons besoin de décrire et donner une portabilité à nos préférences musicales.
  • 5. Nous avons besoin de définir des services tels que la recherche, la résolution de contenus entre services, l’achat ou le provisionnement (c’est-à-dire de pouvoir décider sur quels service ou application je veux pouvoir récupérer un fichier média).

Cette liste est bien sûr ouverte à discussion précise Ian. “Je sais, nous sommes à une conférence de l’industrie de la musique, pas à une conférence technologique, et cette énumération de standard sans sens est un peu difficile à apprécier. Mais faudrait plutôt réserver cela à des professeurs d’informatique ? Je ne le crois pas. Il faut réduire le fossé entre les informaticiens du web et ceux qui, comme vous, font, distribuent, et commercialisent les contenus, car c’est la clé de notre succès. Mon but est de vous donner une vision qui vous permettra d’évaluer de nouvelles opportunités.”

Rogers illustre ses propos par un exemple concret, qu’il baptise “le packaging numérique”. Comme beaucoup de fans de musique, il regrette la disparition des pochettes d’album avec le numérique. Mais le packaging reviendra, prédit-il. Il ressemblera plus à un site web qu’à un dépliant. Beaucoup de gens travaillent indépendamment à ce problème, mais il reste que la forme que prendra la solution demeure incertaine. “En tant qu’industrie, nous avons le choix de savoir si nous allons encore patauger avec des solutions propriétaires ou si nous allons nous mettre ensemble pour promouvoir une solution proche de l’HTML et créer une opportunité pour notre industrie.” En particulier, le packaging de demain doit s’ouvrir pleinement aux utilisateurs, car cela d ! onnera plus de valeurs et nécessitera moins d’investissements.

Un propos qui rejoint en partie celui que tenait David Byrne dans Wired, qui présentait 6 modèles de distribution de la musique, variant selon l’implication des artistes.

Via Read/Write Web.

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Posté le 18 janvier 2008

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