n° de novembre-décembre 2007 de la revue Annales des Télécommunications

La sécurité dans un monde numérique

coordonné par Emmanuel Kessous (FT R&D) et Serge Proulx (UQAM).

On trouvera en ligne le sommaire, avec accès au texte de l’éditorial et aux résumés des articles

Sommaire

  • Editorial : E. KESSOUS, S. PROULX
  • Quand les objets deviennent communicants. La mise en confiance
    des acteurs humains et la question des traces numériques

    E. KESSOUS
  • Identity control, activity control : from trust to suspicion
    M. MARZOUKI
  • De l’utilité d’une carte d’identité électronique pour sécuriser le
    monde numérique

    F. MATTATIA
  • L’identification par radiofréquence (RFID), une technologie en mal
    de régulation juridique

    S. LACOUR
  • Enfants, sécurité et nouveaux médias : une revue des travaux
    anglo-saxons

    B. LELONG, C. METTON
  • Security : always too much and never enough. Anthropology of a
    non-starter market

    D. BOULLIER, P. JOLLIVET, F. AUDREN
  • Des vigiles invisibles : les administrateurs-réseaux et la sécurité
    informatique

    F. CHATEAURAYNAUD, P. TRABAL
  • The professionalisation paths of hackers in IT security : the
    sociology of a divided identity

    N. AURAY, D. KAMINSKY

Première page de l’Editorial

La sécurité dans un monde numérique

La thématique de la sécurité devient centrale pour le développement
de l’économie numérique, elle concerne principalement l’Internet pour
lequel le développement du haut débit conduit à de nouveaux risques pour
l’utilisateur (trojan, spams, phishing,..), mais s’étend depuis à d’autres
sphères de la société de l’information, elles aussi concernées par la numérisation
 : les téléphones mobiles, la voix sur IP et plus récemment les dispositifs
d’identification ou de contrôle (carte RFID, biométrie…). Cette
thématique fait souvent l’objet de regards experts mesurant l’innocuité des
ondes électromagnétiques, la fiabilité des protocoles et du code informatique
ou des méthodes d’authentification biométrique. Sans la délaisser
totalement, les sociologues et les économistes investissent peu cette question.
Pourtant la sécurité renvoie également à une dimension plus personnelle,
mais également plus politique, portant sur le respect de la vie privée
et la constitution d’une identité numérique.

L’une des raisons de cette désaffection sur ce sujet central tient à ce
que « la sécurité » en tant que telle n’est pas une catégorie facile à manier
en sciences sociales. On parle plus aisément de « sentiment de sécurité »,
de confiance, de « société de la surveillance » ou de risques. Autant de
catégories qui permettent de circonscrire notre objet par des facettes
d’analyse bien différentes. La sécurité dans l’économie du numérique est
souvent évoquée pour valoriser l’efficacité d’une technologie (comme
l’open source) ou pour expliquer les freins psychologiques à l’émergence
de nouveaux marchés (comme le commerce électronique dans les années
2000).
Souvent exogène aux modèles économiques, la notion de confiance
n’est pas mieux lotie. Combien de fois avons-nous entendu l’incantation ?
Il faut « rétablir la confiance », élément manquant, mais au combien indispensable,
lorsque tous les paramètres objectifs de sécurité sont réunis. La
confiance est parfois considérée comme le seul choix possible – le choix
rationnel – en situation de risque. De telle sorte que certains auteurs ont pu
affirmer que l’on n’avait pas besoin de la notion et qu’il fallait la réserver
aux relations intimes (Williamson, 1993).

Pourtant un des moyens d’établir la confiance est d’établir des règles,
claires et reconnues organisant la transparence des marchés. Mais ces
règles peuvent elles-mêmes faire l’objet de polémique – être l’objet d’une
affaire pour reprendre les termes de Chateauraynaud et Thorny (1999) –
aboutissant à une crise cumulative de confiance. En sociologie, la notion
de confiance a fait l’objet d’une littérature abondante. On la trouve historiquement
chez des auteurs comme Simmel, Weber ou Luhmann. La
confiance est une entité sociale, un mode de coordination en soi, un des
auteurs des Économies
de la grandeur
(Boltanski et Thevenot, 1991). Sans être toujours
bien définie par les auteurs qui la mobilisent, la confiance sert de catégories
d’analyse à des phénomènes très variés : histoire des sciences, marchés
financiers, institutions politiques, monnaie, éducation, etc. Si on peut
considérer qu’en économie la confiance n’est nulle part, en sociologie elle
semble se dissimuler partout. Ce partage des rôles est symptomatique de la
manière dont les deux sciences sociales perçoivent l’étanchéité de leurs
disciplines réciproques, sans aucune hybridation et mutualisation possible
(Orléan, 2000).

La notion de risque semble avoir un destin mieux partagé dans les
sciences sociales. Pourtant, encore une fois, les disciplines y mettent des
contenus fort différents. Élément constitutif de la naissance de l’État providence
et du droit social contre le droit civil (Ewald, 1989), la notion de
risque permet d’intégrer dans les outils de l’économiste les différents états
de nature envisageables. La théorie de l’utilité espérée a néanmoins un statut
ambigu car elle permet à la fois d’évaluer la perception par rapport au
risque et le revenu marginal de l’agent. (Allais, 1953). Le risque en sociologie
est, au contraire, un moyen de mesurer les comportements déviants à
la norme (la « prise de risque ») tant aux niveaux individuel que collectif,
notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer les politiques publiques (Perreti-
Watel, 2000).

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Posté le 14 janvier 2008

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