Synthèse du séminaire "Logiciel libre" au Forum social européen, St-Denis 12-14 novembre 2003

Les logiciels libres sont une alternative originale en termes de processus de production et de propriété intellectuelle.

Dans des économies et des sociétés où la connaissance occupe une place sans cesse croissante, ils peuvent préfigurer des évolutions du mode de création et d’appropriation de la richesse immatérielle.

Garantissant l’accès à la connaissance pour tous, fondés sur la coopération, la mutualisation et l’échange, point d’appui pour le service public et contre la marchandisation du savoir, la question est pertinente de savoir s’ils annoncent et autorisent un dépassement de la production capitaliste.

Les logiciels libres contribuent à poser les questions de modèles économiques et de propriété intellectuelle à venir.

Ils doivent être défendus et popularisés.

Ce séminaire du Forum Social Européen avait pour objectif de faire découvrir le Libre et ses enjeux, d’en démystifier la complexité, de faire converger les idées et les actes pour une Europe de la connaissance pour tous et du partage des savoirs.

Il s’est organisé en deux débats :

1. Les logiciels libres, leur approche. Un modèle mais aussi des réalisations concrètes dans les entreprises et les collectivités locales.

2. Propriété et économie de l’information : brevets, Ogm, industrie pharmaceutique et médicaments génériques, ressources éducatives, publications scientifiques ouvertes. Des problématiques communes qui convergent.

Dans la décennie quatre-vingts, le monde a connu à la fois une révolution conservatrice au plan politique et, dans le domaine économique, les débuts de la révolution « informationnelle ».

On compte aujourd’hui environ 900 millions d’internautes.

Jamais un média ne s’était diffusé à la vitesse d’Internet.

Et, depuis quelques années, les logiciels libres font une percée significative et remarquée. Un séminaire leur a été consacré au FSE. Pour plusieurs raisons. D’abord, ils sont une réponse efficace pour la réalisation de logiciels de qualité, l’exemple le plus célèbre étant celui du système d’exploitation Linux.

Cela tient à leur mode de fonctionnement qui est celui de la recherche scientifique. Leurs libertés (publication du code source, possibilités de modifier, copier et diffuser) favorisent le pluralisme technologique en s’opposant, avec les standards ouverts, au verrouillage du marché par des formats de données et des protocoles de communication propriétaires.

Les logiciels libres contribuent à réguler l’industrie informatique, stimulent l’innovation et remettent en cause les situations de rentes de l’informatique grand public. La GPL (licence logiciels libres la plus répandue), réponse originale en terme de droit d’auteur, permet une diffusion à tous de la connaissance, sans risque d’appropriation privée.

Le succès des logiciels libres suscite leur plongée dans le monde marchand, à base d’ activités de service.

Des comportements opportunistes peuvent voir le jour.
Le remède réside dans une juste rémunération des auteurs et dans l’action du service public. Pas sous la forme d’une agence publique de développeurs en libre, mais par l’adoption de la démarche du libre par les administrations, par une bonne utilisation de l’argent public, qui évite de payer plusieurs fois pour le privé. Ce qui est le cas lorsque qu’un même logiciel pour « l’autonomie des personnes âgées » donne lieu à 99 commandes différentes !

Des entreprises s’appliquent à elles-mêmes les principes du libre : transparence, circulation de l’information, partage de la connaissance.

Plus généralement, on constate un certain degré de transférabilité de l’approche des logiciels libres à d’autres secteurs de la production immatérielle. Ainsi les ressources éducatives, de nombreux enseignants mettant gratuitement et librement sur le web leurs documents pédagogiques.

Se dessine une espèce de « Napster éducatif d’auteurs », générateur de partenariats regroupant enseignants, leurs associations, éditeurs publics et privés, collectivités territoriales. Une situation de monopole s’est installée pour les publications scientifiques, avec pour corrollaire un renchérissement considérable des coûts.

Mais la « contre-offensive » est en route. Les médicaments partagent avec les logiciels la particularité d’avoir des coûts fixes importants et des coûts marginaux négligeables. Générique rime avec libre. L’approche du Libre est transférable à toutes les ressources informationnelles, dans le domaine de l’édition scolaire ou celui de la publication scientifique. Elle présente également des convergences avec la logique des médicaments génériques et la non brevetabilité du vivant.

Les logiciels libres sont également une réponse aux tentatives d’interdire la copie privée des cd, de contrôler tous les contenus, d’imposer des réponses en termes de privatisation et de concurrence... Le législateur, et notamment européen, doit agir pour favoriser le développement du Logiciel Libre par la commande publique.

Des agences décentralisées de développement des ressources libres, dans le domaine du logiciel comme dans d’autres (éducation, médicament, etc...) favoriseraient la distribution des richesses sous licences libres, par exemple par un orientation selective du crédit et de la fiscalité. La libre disponibilité des ressources imposent une réflexion citoyenne renouvelée sur les droits d’auteurs et les copyrights, car l’échange volontaire des richesses immatérielles n’impliquent pas pour autant la gratuité des contenus. Un revenu social minimum doit être assuré pour ceux qui les produisent.

Enfin, la présence des logiciels libres au FSE a fortement à voir avec la problématique suivante.

Les logiciels libres sont une réponse économique et juridique de production de biens immatériels particuliers, les logiciels. Or, la connaissance occupe une place sans cesse grandissante dans les processus de création de la richesse et dans les richesses produites.

Il est alors naturel de se demander si les logiciels libres préfigurent ou non des évolutions significatives du mode de production. Statu quo, mutation, dépassement ?

Le système de la propriété intellectuelle traverse une crise profonde (voir les offensives pour la brevetabilité des logiciels).

Crise interne ou reflet des blocages qui prennent naissance quand on veut introduire massivement barrières, concurrence et privatisation dans le monde de la connaissance, alors que cette dernière a intinsèquement besoin pour se développer d’ouverture, de coopération et d’accès de tous ?

La GPL a permis la constitution d’un bien public mondial. Il y a d’évidence dans le paradigme des logiciels libres des points d’appui pour le mouvement altermondialiste, pour des revendications visant notamment à l’élargissement du domaine public.

Oui, les logiciels libres avaient toute leur place au FSE.

Posté le 25 décembre 2003

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