Repris de l’article publié par Homonuméricus
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L’Académie des Sciences Morales et Politiques a attribué cette année le prix Marcelle Blum à une chercheuse en sciences de l’éducation, Isabelle Collet, pour son ouvrageL’informatique a-t-elle un sexe ? Hacker mythes et réalités.
L’auteure y fait le constat et tente d’expliquer un grave déséquilibre entre les sexes dans les filières professionnelles de l’informatique en France. Contrairement aux idées reçues, affirme-t-elle, ces professions n’ont pas toujours été aussi masculines qu’elles le sont actuellement. Une analyse de la répartition garçons-filles dans les écoles d’ingénieurs spécialisées sur ces métiers montre en effet qu’après un début de rééquilibrage dans les années 80, avec près de 20% de filles dans les promotions de ces années, la proportion est aujourd’hui retombée à un peu plus de 10%, au niveau où il était dans les années 70.
C’est la théorie explicative de ce déséquilibre qui est surtout intéressante dans cet ouvrage. Isabelle Collet s’attache en effet à comprendre le poids des représentations stéréotypées - des mythes -, dans les mécanismes psychologiques qui président à l’orientation professionnelle. Elle montre que les représentations des métiers de l’informatique chez les jeunes adultes est dominée depuis le début des années 80, par le mythe du hacker, bidouilleur de génie au comportement anti-social. L’efficacité de ce mythe correspond à une réalité sociale, celle du développement au cours de la même période de l’informatique personnelle, permettant à toute une génération de garçons de pratiquer une activité intense de loisirs autour de la programmation informatique.
Le phénomène le plus intéressant semble être le décalage entre ces représentations mythifiées qui jouent dans l’orientation professionnelle, et la réalité des métiers de l’informatique. Tandis que le mythe du hacker valorise le développement informatique, c’est-à-dire l’écriture du code, cette activité est loin d’être prédominante dans le quotidien de ces métiers. Ainsi peut-on constater un renforcement entre des représentations sociales générales qui attribuent la gestion des relations sociales au filles et les activités techniques aux garçons, et le mythe du hacker qui vient actualiser et rendre efficaces ces représentations pour une profession particulière.
Le prix Marcelle Blum est attribué par l’ASMP pour distinguer et envourager des recherches en psychologie féminine.
On peut retrouver une partie de l’argumentation de cet ouvrage dans un article publié en juin dernier dans Le Monde Diplomatique. D’autres publications et références peuvent être trouvées surle site de l’auteure.