Valérie Pécresse souhaite internet dans chaque foyer

Un point de vue de la ministre publié par Le jourbnal Les échos

Un texte repris du journal "Les échos"

en attendant des mesures concrètes voici un déclaration qui prend en compte l’importance d’internet dans la vie d’aujourd’hui

VALÉRIE PÉCRESSE : Internet dans chaque foyer
[ 02/10/07 ]

Le monde compte plus d’un milliard d’internautes. Nous sommes donc bien loin du temps où les premiers utilisateurs du réseau se sentaient à l’avant-garde. Car Internet fait désormais partie de nos vies, et l’utiliser chaque jour relève de l’évidence. Comment s’étonner dès lors que 25 % de la croissance européenne et 40 % des gains de productivité réalisés dans l’Union trouvent leur origine dans les nouvelles technologies ?

Pourtant, nous ne mesurons pas encore la profondeur des changements qui accompagnent la naissance de la société de l’information. Celle-ci n’en est encore qu’à ses balbutiements : demain, nous verrons grandir l’Internet mobile et apparaître de nouveaux réseaux qui connecteront entre eux les objets du quotidien. Avec cet « Internet des objets », ce sont de nouvelles possibilités qui s’offriront aux utilisateurs, et de nouvelles opportunités pour les entreprises du secteur. Quant à la télévision, elle utilisera pleinement les possibilités d’Internet pour devenir plus interactive et plus personnalisée.

Qu’il s’agisse des Etats, des économies ou des individus, nul ne pourra donc rester à l’écart de ces évolutions sans se condamner à une marginalisation croissante. La mission des pouvoirs publics, dont l’action en ce domaine est désormais coordonnée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est donc simple : faire de la société de l’information une chance pour tous et non un privilège pour quelques-uns.

Pour cela, chaque foyer français doit pouvoir accéder aux nouvelles technologies. Avec 95 % des foyers connectés qui le sont en haut débit, notre pays est certes déjà un exemple pour bien des nations. Mais nous devons aller plus loin : à mesure que le haut débit se banalise, il devient de plus en plus insupportable que certains territoires et certaines familles en soient privés.

Nous aurons besoin de nouvelles technologies. L’ADSL et le câble permettent certes de desservir parfaitement les villes, mais ils sont beaucoup plus difficiles à déployer dans des zones moins peuplées. L’une des solutions serait donc de recourir à des connexions sans fil déployées à grande échelle. En libérant des fréquences, la fin de la télévision analogique et la mise en oeuvre de la télévision numérique terrestre pourraient nous offrir l’occasion de couvrir à moindre coût les zones rurales et assurer une meilleure diffusion dans les zones urbaines. Même s’il faut encore en débattre, ce serait sans doute une excellente manière de faire bénéficier tous les Français de ce « dividende numérique ».

Reste alors la question, beaucoup moins satisfaisante, de l’équipement informatique des familles françaises : avec 60 % des foyers seulement disposant d’un ordinateur, la France prend ainsi du retard sur ses voisins européens. De là naissent bien des inégalités, car un enfant familier dès son plus jeune âge des nouvelles technologies n’aura pas les mêmes chances qu’un autre, qui n’a jamais utilisé un ordinateur qu’à l’école. C’est aussi un handicap pour nos entreprises innovantes, qui ne peuvent pas compter sur la même demande et sur les mêmes marchés que leurs concurrents étrangers.

L’informatique doit donc pouvoir prendre place dans tous les foyers dont elle est aujourd’hui absente. Pour certains, c’est le coût des équipements qui est rédhibitoire : aidons-les ! Nous pourrions envisager de faciliter les achats groupés ou les dons d’ordinateurs amortis par les entreprises à leurs salariés et développer les programmes « un ordinateur pour un euro par jour », qui ont permis l’équipement de la moitié des étudiants. Pour d’autres, c’est la familiarité qui fait défaut, notamment du fait de l’âge : ceux-là ont besoin d’un nouveau type d’ordinateur aussi simple à utiliser et facile à installer que l’est par exemple une télévision.

C’est essentiel, car avec Internet naissent de nouveaux services particulièrement utiles aux personnes âgées, notamment lorsqu’elles vivent isolées et ne peuvent plus conduire. De même, des jeux bien conçus peuvent permettre à ceux qui les pratiquent d’entretenir leurs capacités cognitives. Loin de la futilité qu’on leur prête parfois, les nouvelles technologies nous rendront donc d’immenses services, que ce soit dans le cadre du plan Alzheimer ou en transformant profondément la manière dont nos enfants apprennent.

Or, pour nos enfants et même nos étudiants, l’ordinateur est synonyme de divertissement et non d’apprentissage. Ils font pourtant erreur : les jeux vidéo peuvent aussi être éducatifs et les connaissances dispersées sur le réseau sont une mine inépuisable pour qui sait les exploiter.

Les nouvelles technologies ont donc toute leur place dans l’université. Du point de vue des équipements, notre enseignement supérieur se situe déjà dans le peloton de tête européen : plus de 50 % des étudiants sont désormais équipés d’un ordinateur portable avec une connexion sans fil qui couvre 78 % des campus. Nous devons aller plus loin encore et offrir une telle connexion dans tous les établissements dès la fin 2008. Mais, pour en tirer pleinement parti, il faut aussi engager une réflexion sur les contenus numériques proposés par les universités et sur les outils pédagogiques qui les accompagneront. C’est pourquoi j’ai confié à Henri Isaac une mission sur l’ensemble de ces sujets, afin d’identifier toutes les conditions nécessaires au développement numérique de notre enseignement supérieur.

C’est aussi dans les universités que naissent les services et les technologies de demain : le Web lui-même, mais aussi Google ou Facebook ne sont-ils pas les produits de recherches universitaires ? Pourtant, de tels succès sont encore trop rares en France.

Tout un écosystème favorable à l’innovation reste donc à construire, d’abord en aidant les PME qui développent des contenus et des services nouveaux sur Internet en leur permettant de bénéficier de la commande publique, mais aussi en créant un statut de « jeune entreprise universitaire » qui ouvrira droit aux mêmes aides que le statut de jeune entreprise innovante.

La révolution numérique transforme déjà en profondeur notre société. Mais pour que nul n’en soit exclu, d’ici à 2012, un seul objectif : Internet dans chaque foyer.

VALÉRIE PÉCRESSE est ministre de l’Enseignement supérieur et
de la Recherche.

Posté le 6 octobre 2007

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