Du sommet mondial des villes à celui des états

Lettre d’Hervé Le Crosnier entre deux sommets

Vendredi 5 décembre s’est achevé le "Sommet Mondial des Villes
et des Pouvoirs Locaux dans la société de l’information" qui
s’est tenu à Lyon et mercredi 12 décembre s’ouvrira le "Sommet
mondial sur la Société de l’Information" à Genève.

A Genève, les 191 Etats des Nations-Unies montreront leur
difficulté à imaginer un monde en réseau qui ouvre une place
nouvelle aux citoyen(ne)s, qui soit centré sur leur vie réelle
et qui accentue leur pouvoir coopératif pour résoudre les crises
écologiques, économiques et guerrières qui menancent le 21ème
siècle ; leur incapacité à penser un réseau d’information,
d’expression et de connaissance qui définisse vraiment un outil
commun pour mieux accéder aux "Objectifs du millenaire". Les
tractations de couloir qui se déroulent encore devraient
permettre aux représentants des gouvernements de signer une
"Déclaration commune". Mais nul ne se trompe plus sur son
caractère creux, vague, gonflé de phrases aux stéroïdes pour
mieux masquer la vacuité du projet.

Nul n’imagine que les mots ronflants seront suivis
d’applications concrètes. Le souffle est dispersé.

Oh qu’il est facile d’écrire : "article 21 : La capacité de chacun d’accéder à l’information, aux idées et au savoir et d’y
contribuer est essentielle dans une société de l’information
inclusive." quand dans le même temps on interdit aux pays qui
n’ont pas les moyens de se payer les brevets pharmaceutiques
d’utiliser le savoir commun pour fabriquer des médicaments
génériques. Hypocrisie, faux-semblants, et intérêts commerciaux
bien-compris : le SMSI par l’inconsistence même de ses
déclarations de replâtrage laisse filer la recomposition des
pouvoirs à l’oeuvre autour des "industries de l’information" et
de la "propriété intellectuelle". Au profit des trusts du Nord,
et à l’encontre des populations du monde entier.

La société civile a d’ores et déjà su tirer ce constat, et
refuse de se plier à endosser un "plus petit dénominateur
commun" qui saboterait les espoirs que l’on peut mettre dans une
autre répartition de l’information, de l’éducation, de la
connaissance et de la culture. Elle met actuellement la
dernière main à une déclaration indépendante, qui sera comme un
programme mondial des acteurs de la société civile pour ne pas
laisser tomber les espoirs mis dans le processus tri-partite, et
pour agir, ensemble, vers des buts communs centrés sur les
intérêts des peuples et des individus.

C’est dans ce cadre que le Sommet de Lyon prend toute son
importance.

Devant la faillite des Etats, minés de contradictions
géopolitiques, les Villes et les Pouvoirs locaux s’appuient sur
les relations de proximité que tissent les élus locaux avec
leurs populations pour proposer une mise en réseau citoyenne.

Bien sûr tout n’est pas rose. Les villes ne pèsent pas encore
assez dans le monde pour organiser une force de paix et de
coopération. Bien sûr les élections locales sont aussi parfois
l’occasion de l’émergence de potentats locaux. Bien sûr les
décisions des villes restent soumises aux décisions législatives
nationales. Bien sûr les brahmanes des multinationales savent
aussi convaincre les villes des bienfaits de leur technologies
et récupérer ainsi l’argent public au profit de leurs empires
économiques.

Mais les villes doivent aussi et toujours faire avec les
associations, les institutions de base (les écoles primaires,
les bibliothèques) et pour cela leurs décisions se font en
partenariat avec la mobilisation des acteurs directement
concernés. Alors cela permet de construire des réseaux mondiaux.
Réseaux de villes, réseaux des institutions à partir de
l’échelle locale et réseaux des associations civiques de ces
villes.

C’est cette dynamique qui existe dans la "Déclaration de Lyon"
qui a été adoptée vendredi dernier. Une dynamique qui propose un
objectifs à portée de main : utiliser les TIC pour faire
reconnaître les réseaux de villes sur la scène mondiale, pour
tisser des liens de coopération décentralisée, et enfin pour
irriguer à partir des villes les régions rurales avoisinantes.

Le réseau est alors pris dans sa capacité à garder l’informel
des relations tout en renforçant son impact global. A partir
d’actions concrètes d’échange et de contact, à plusieurs
niveaux.

Le gros milliers d’élus locaux du monde qui étaient présents
à Lyon ont indiqué qu’une "société de l’information en réseau"
se construira à partir des opérations conjointes à la base, à
partir de la démocratie de proximité et de son extension.

Un indice d’espoir avant la douche froide que risque d’être
le Sommet de Genève.

Hervé Le Crosnier

Notes du rédacteur :

  • La ville de Brest était présente au sommet des villes de Lyon par l’élu en charge des TIC qui intervenait au forum 7 : logiciels libres, médias locaux et intelligence collective
  • l’article suivant sur Genève et la déclaration des organisations de la société civile est en ligne sur Brest-Ouvert.net
  • En marge du déroulement du SMSI, se tient ce 11 décembre, à Genève, le Forum mondial sur les droits de la communication, organisé par différentes associations dont World Association of Community Radio Broadcasters - AMARC ,World Association for Christian Communication - WACC, Caucus de la société civile sur les droits de l’homme dans la société de l’information représentée par l’association IRIS qui coordonne, l’une des sessions de ce forum, sur le thème "Communication et Droits de l’Homme"

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Posté le 8 décembre 2003

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