La coopération technique inter–africaine :

avantages et possibilités de l’intégration régionale

La situation de la recherche dans les pays en développement en général, et en Afrique en particulier, est réellement préoccupante. En effet, la dépendance économique, scientifique et technologique que connaît l’Afrique entrave énormément son essor. Les pays africains sont encore essentiellement des consommateurs en matière de sciences et de techniques. Pour faire face à cette réalité, il est impératif d’encourager la coopération technique inter africaine pour accélérer le développement technologique de la région et de faciliter son intégration à la mondialisation. Pourtant cela exige le renforcement des capacités scientifiques et technologiques dans chacun des pays africains.

1) L’état des lieux de la recherche scientifique africaine :

Seulement moins de dix des pays africains approchent de l’objectif, formé par I’ONU, de 230 chercheurs par million d’habitants. Dans la plupart des cas, les effectifs des équipes de recherche sont constitués jusqu’à 60% d’étrangers (de l’assistance technique).

Ainsi, après plus de quatre décennies d’indépendance, aucun Etat africain n’a-t-il véritablement atteint la base minimale en matière de science et de technologie susceptible de provoquer la nécessaire percée économique et le progrès social. Pendant ce temps, dans les pays industrialisés se développent des disciplines nouvelles : génie génétique, robotique, micro-informatique, laser, etc... Dans tous ces domaines et dans bien d’autres dont l’énumération serait fastidieuse, les pays industrialisés conservent une position dominante. 95% de toute la R- D se trouve concentrée dans ces pays à l’aide, du personnel qualifié du Sud. Selon les statistiques du rapport du PNUD sur le développement humain, près d’un tiers du personnel qualifié africain était parti pour l’Europe en 1987. Entre 1985 et 1990, le nombre de cadres moyens et supérieurs que l’Afrique avait perdu avait atteint 60.000. On cite l’exemple du Ghana où près de 60% des médecins formés au début des années 1980 sont actuellement à l’étranger.

Outre la stagnation dans laquelle la recherche se trouve confinée dans la plupart des pays africains, l’hémorragie de compétences et de savoir – faire a engendré le déclin des capacités scientifiques et technologiques qui a freiné le développement de ces derniers. C’est pourquoi on se pose la question sur le rôle de la coopération scientifique et technologique régionale et inter africaine sur l’allégement de cette situation ?

2) Le rôle de la coopération technique inter africaine dans le développement
technologique de la région :

La régionalisation est un atout majeur pour la recherche scientifique pour les pays du Sud. Pour cela elle interpelle l’implication des organisations interafricaines dans le soutien de la politique de régionalisation. L’institution de réseaux Sud - Sud est une approche de solution efficace. L’AUPELF-UREF par ses multiples réalisations, maîtrise parfaitement ce domaine.

Cette coopération peut assurer la survie à l’Afrique au sein de la nouvelle économie mondiale. Plus que toute autre région, l’Afrique a besoin d’intégrer les marchés sous-régionaux, de promouvoir le développement durable et de mettre en place les capacités et la compétitivité requises pour participer au nouveau système commercial multilatéral.

Or l’Afrique a besoin du multilatéralisme et du régionalisme pour relever efficacement les défis du développement durable. Par conséquence, il est nécessaire d’encourager la coopération scientifique et technique régionale pour qu’elle puisse s’intégrer à la mondialisation. Les pays africains sont appelés également à prendre une part active au processus de l’OMC, pour bénéficier de l’accès aux marchés et se prémunir contre les mesures protectionnistes injustes. Cependant, il est d’abord important de maîtriser le système commercial multilatéral de cette organisation ce qui exige qu’il y ait la coopération technique en ce domaine.

Dans cette perspective, la coopération technique régionale aidera l’Afrique à dépasser le simple cadre des questions liées au commerce et au bien-être au niveau mondial et adopter des mesures destinées à promouvoir l’investissement étranger, le capital humain, le développement technologique, l’amélioration des infrastructures technologiques, la mise en valeur efficace des ressources naturelles et humaines et les réponses appropriées aux défis environnementaux. Elle contribuera aussi à la création des blocs économiques et politiques plus grands et capables de négocier plus efficacement au sein des forums internationaux, au renforcement de la compétitivité sur les marchés nationaux et à l’amélioration de la qualité et la fabrication des produits plus compétitifs sur les marchés mondiaux.

Il apparaît que la coopération scientifique et technologique régionale peut contribuer non seulement au développement technologique de l’Afrique mais aussi à son développement économique. Autrement dit, la stagnation technologique et la non maîtrise des technologies importées ont contribué au déclin économique de cette région. En contrepartie, la croissance rapide enregistrée dans les nouveaux pays industrialisés est due principalement à l’augmentation de la productivité, grâce au progrès technique.

A cet égard, la coopération scientifique et technique régionale, peut aider l’Afrique à résoudre un certain nombre de problèmes. Tout d’abord, les pays africains pourront, grâce aux effets bénéfiques de cette coopération, notamment une main d’œuvre hautement qualifiée, bénéficier des avantages liés aux économies d’échelle et à des investissements nationaux et étrangers plus importants. Cela permettra ainsi l’amélioration de la productivité et la diversification de la production et des exportations. Ensuite, la coopération lors des négociations internationales qui visent l’intégration régionale, présente un intérêt certain pour un grand nombre de pays en raison de leur petite taille car elle peut renforcer leur pouvoir de négociation et améliorer leur image.

Par ailleurs, la coopération régionale sera un atout, compte tenu des similitudes et des différences entre ces pays. Plusieurs d’entre eux se partagent les mêmes ressources, les cours d’eau par exemple – et ont les mêmes problèmes, comme la faible productivité agricole. Mais ils présentent aussi de grandes différences, surtout au niveau des richesses. Même si, en général, leurs ressources sont limitées, certains disposent d’une main-d’œuvre très qualifiée, de riches gisements pétroliers, de ressources en eau permettant la production hydroélectrique, d’excellents établissements d’enseignement supérieur, ainsi que les capacités requises pour renforcer la Recherche – Développement. Grâce à la mise en commun de leurs ressources naturelles et humaines et à l’exploitation de leurs avantages comparatifs, les pays intégrés sont en mesure de trouver des solutions communes et de faire un usage plus approprié de leurs ressources afin d’obtenir des résultats plus probants.

Pourtant, la coopération scientifique et technique inter africaine exige la mise en œuvre des réformes plus profondes et plus durables non seulement au niveau de l’enseignement supérieur et de la R- D, mais aussi au niveau économique, social, administratif et même sur le plan politique.

3) Le rôle de la coopération technique inter africaine dans l’intégration à la mondialisation :

Le renforcement de la coopération technique régionale permettra à l’Afrique de devenir partie intégrante de l’économie mondiale et d’échapper à une plus grande marginalisation. L’autre avantage est de renforcer la capacité de ces pays afin de les rendre compétitifs au niveau du système commercial multilatéral. L’élargissement de l’OMC, particulièrement après l’admission de la Chine, ne fera que renforcer la concurrence à laquelle doivent faire face les produits africains sur les marchés mondiaux. Pour rester compétitifs, les pays africains devraient veiller à ce que leurs programmes de coopération saisissent les opportunités offertes par la mondialisation, en encourageant les liens transfrontaliers entre unités de recherche, pour se préparer à prendre part aux processus de production au niveau mondial.
La coopération technique régionale peut contribuer à la croissance des exportations africaines par la promotion de celle qui offrent les meilleures perspectives. Malgré la perte des accords préférentiels due à la libéralisation des échanges, les pays africains devraient s’efforcer de maintenir leurs parts d’exportation des produits agricoles traditionnels, spécialement de sucre et de boissons tropicales, en améliorant leurs techniques de production. Ils devraient aussi accroître les exportations de produits agro-alimentaires et de matières premières en favorisant les investissements destinés à améliorer la production en faisant face à l’insuffisance des infrastructures et en développant les mécanismes de commercialisation existant qui restent peu satisfaisants.
Dans ce sens, il existe une coopération réelle en ce qui concerne les systèmes d’alerte rapide, la recherche agricole et le renforcement des capacités. La région de la SADC bénéficie des services du Centre d’Afrique Australe pour la coopération en matière de recherche agronomique et la formation et ceux des institutions internationales, en l’occurrence, l’Institut International d’Agriculture Tropicale et l’Institut International de Gestion des Ressources en Eau, qui contribuent à l’intégration africaine grâce à l’échange d’informations sur les bonnes pratiques entre communautés économiques régionales.
Dans le même sillage, L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UEMOA est associée à une activité menée par la CEA, sur les questions énergétiques aux côtés de l’Union Africaine.

4) Le renforcement des capacités technologiques dans chaque pays :

Le renforcement des capacités technologiques dans chaque pays constitue un préalable à tout développement économique dans le cadre de l’intégration régionale. Cela exige la définition d’une stratégie à long terme, à travers l’articulation d’une politique scientifique et technique dans chaque secteur d’intervention de développement économique et social.

Pour cela plusieurs mesures ont été proposées à savoir le renforcement du bilinguisme dans les systèmes d’éducation, la mise en place d’une structure de coordination supranationale dans le domaine de la science et de la technologie, la création d’un réseau de technopoles et l’amélioration de la condition féminine dans les institutions de recherche et d’enseignement supérieur. Dans la même optique s’inscrit la mise sur pied d’une commission régionale africaine dans le domaine de l’enseignement supérieur pour gérer les différents aspects de l’intégration des universités, l’encouragement de l’échange d’enseignants, d’étudiants et de stagiaires et le renforcement des organisations régionales à caractère scientifique ou technologique.
Aussi pour favoriser la dimension régionale de la coopération, le programme de travail 2006-2007 de la CEA a été conçu de manière à renforcer la capacité de pays africains à produire des données socioéconomiques. A cet égard, il est proposé de lancer un certain nombre de projets visant à renforcer les capacités nationales ; en l’occurrence, le projet opérationnel qui vise à renforcer les capacités nationales aux fins de la mise en œuvre du Système de comptabilité nationale de 1993. Il sera mis en œuvre avec la collaboration d’organisations régionales et sous-régionales telle que la Banque Africaine de Développement BAD, avec le Programme de Comparaison Internationale pour l’Afrique (PCI-Afrique), et l’Observatoire Economique et Statistique d’Afrique Subsaharienne (AFRISTAT), avec son Programme Statistique Minimum Commun (PROSMIC). Il s’agira de fournir des services consultatifs et des formations de groupe, d’élaborer et de diffuser des directives méthodologiques, des manuels et des logiciels et d’entreprendre des activités de recherche.

En effet plusieurs enseignements pourraient s’appliquer aux pays africains, d’après les Pour tirer parti des avantages liés à la coopération scientifique et technologique régionale, les pays membres sont appelés à faire preuve d’un engagement ferme et soutenu et à s’efforcer de rendre cette coopération très efficace pour leur développement durable.

Dans ce sens, les pays africains sont incité à développer des relations de coopération avec les autres pays en développement, notamment, les pays islamiques et ceux de Sud – Est Asiatique ainsi qu’avec les pays développés, les organisations internationales et les firmes multinationales, principalement, par l’encouragement de la création des joint -ventures.


Bibliographie :

  • Agence francophone pour l’enseignement supérieur et la recherche (I’AUPELF-UREF) : « Assises francophone de la recherche » Organisées avec la collaboration des Universités du CAMES, de la CPU et de la CREPUQ ; pour les Organismes de Recherche du CIRAD, du CNRS, du FNRS, de I’INRA, de I’INSERM et de I’ORSTOM 1 et 2 décembre 1993 Abidjan.
  • Commission économique pour l’Afrique : « Comment l’intégration régionale peut-elle aider l’Afrique ? », 2004 Addis-Abeba.
  • Union Economique et Monétaire Ouest Africaine : « Le fonctionnement et l’évolution de l’Union », Rapport annuel de la Commission présenté à la 9ème réunion de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA 2004.
  • Nations Unies, Conseil Economique et Social, Commission Economique pour l’Afrique : « Rapport sur les activités statistiques de la CEA pendant la période 2003-2005 et programme de travail pour l’exercice biennal 2006-2007 » Quatrième réunion du Comité de l’information pour le développement (CODI IV) Addis-Abeba 23-28 avril 2005.
Posté le 30 août 2007 par ROUMATE Fatima

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