Santé 2.0 : le Web comme source d’informations et lieu d’échange entre patients

Depuis quelques mois sur Internet, de nombreux sites sur la santé ont vu le jour. Dans l’esprit du Web collaboratif (ou 2.0), ces sites offrent à leurs visiteurs de l’information tout en leur permettant de contribuer au contenu. Les internautes peuvent non seulement y poser des questions, mais ils ont aussi la possibilité de partager leurs connaissances avec leurs pairs virtuels à propos de sujets touchant la santé.
Démocratisation de l’information sur la santé ou menace pour la santé publique ? Quoi qu’il en soit, ces sites gagnent de plus en plus d’adeptes et il importe, dès lors, de s’y intéresser de près.

Repris d’un article publié par le Cefrio dans son bulletin Sistech

Un phénomène d’importance

Une récente enquête intitulée Online Health Search 2006 et réalisée par Pew Internet & American Life Project montre la place majeure qu’occupent les sites Internet sur la santé auprès des internautes :

Principalement, l’enquête révèle que :

  • 8 internautes américains sur 10 utilisent Internet pour s’informer sur des questions de santé ;
  • 58 % des utilisateurs de sites sur la santé affirment que l’information qu’ils y trouvent a un impact sur leur décision de traitement ;
  • 55 % déclarent que le fait de consulter des sites Internet portant sur la santé a complètement changé leur façon gérer leur santé ou leur façon de conseiller quelqu’un d’autres sur des questions de santé ;
  • 54 % des informations présentées en ligne orientent les questions posées aux praticiens ou influencent le fait d’aller chercher un second avis médical ;
  • Aussi, pour 39 % des répondants, l’information en ligne a transformé leur manière de surmonter des problèmes chroniques ou la douleur liée à une maladie ;
  • 35 % affirment que l’information trouvée en ligne influence le fait de consulter un médecin ou non.

Ces données s’avèrent révélatrices de l’impact des sites Internet sur la prise de décision des individus quant aux questions de santé.

Examen des sites sur la santé 2.0

L’apparition des sites Web relatifs à la santé n’est certes pas nouvelle et date des débuts d’Internet. Par contre, leur modèle a grandement évolué et la mouture actuelle propose un éventail de services et d’informations qui risquent fort bien de révolutionner la relation entre un patient et son médecin. Voici deux exemples de sites américains qui illustrent le potentiel actuel du Web et qui adoptent une approche tout à fait innovatrice.

D’abord, le site américain Revolutionhealth offre aux individus des moyens d’améliorer leur santé. Ce site repose sur une communauté d’internautes qui contribuent à son contenu. Pour ce faire, une panoplie d’outils favorisent l’intervention des internautes : ils peuvent coter l’information et la modifier ; laisser un commentaire ; participer à des discussions ; partager des expériences ; rencontrer des gens ayant les mêmes problèmes de santé qu’eux, etc. De plus, l’internaute peut créer sa page personnalisée à l’intérieur du site. Enfin, les visiteurs disposent d’outils pour gérer leur dossier de santé, d’un répertoire de services de santé et d’outils pour diagnostiquer leurs symptômes.

Le second site intègre moins en profondeur les notions du Web communautaire, laissant un espace limité à la participation des internautes à l’élaboration de son contenu. Son modèle demeure tout même très intéressant. Plus qu’un simple site informationnel, Web MD présente en ligne des outils de santé (health tools) permettant à l’internaute de se créer un dossier de santé personnalisé, ainsi que de consulter un répertoire de praticiens, un guide de premiers soins et d’urgence et un outil d’aide au diagnostic à partir de ses symptômes. On y retrouve aussi des blogues et de nombreuses vidéos d’information portant sur des techniques d’intervention ou l’identification visuelle de symptômes.

Le pour et le contre

Doit-on s’inquiéter de l’apparition de ces nouveaux sites sur la santé ?

De toute évidence, le volet éducatif de ces ressources informationnelles ne peut être décrié. Ces sites fournissent aux individus des outils leur permettant de se responsabiliser face à leur propre santé. La popularité des sites de santé axés sur la participation des internautes montre bien que ce type de site répond à un besoin de partager des expériences vécues et d’obtenir plus amples informations sur certaines maladies. Grâce à ces sites nouveau genre, des sujets plus délicats, voire gênants, peuvent être abordés sous le couvert de l’anonymat à travers des forums, des commentaires ou des questions posées à la communauté. S’ils peuvent permettre au grand public de mieux comprendre une maladie et de briser son isolement en partageant avec d’autres malades, l’internaute doit demeurer vigilant devant leurs contenus bien souvent non approuvés par des professionnels de la santé.

En effet, les sites de ce type soulèvent des inquiétudes quant à la validité des informations qu’ils véhiculent et qui pourraient être mal interprétées par le lecteur. Les risques entourant l’autodiagnostic amènent également des interrogations. Bien sûr, les outils de diagnostic ne remplaceront jamais une visite chez le médecin. La communauté d’internautes, malgré sa bienveillance, ne possède pas les connaissances médicales requises pour donner des conseils sur la santé. De plus, que dire de la qualité et de la neutralité de l’information mise à la disposition des internautes, par exemple sur le choix des médicaments ? À ce propos, toujours selon les résultats de l’enquête Online Health Search 2006, les trois quarts des internautes américains qui consultent des sites Internet sur la santé vérifient quelques fois, presque jamais ou jamais la source et la date d’émission des informations qu’ils consultent.

Un modèle à suivre ?

De toute évidence, l’intérêt pour l’utilisation d’Internet et le recours à des communautés d’internautes pour échanger sur la santé semblent en forte croissance. L’une des façons de rendre fiable et efficace ce type de sites est sans aucun doute de les officialiser en les rattachant au système de santé. Les instances publiques, dont les compétences en matière de santé publique sont reconnues, gagneraient sûrement à mettre en place ce type de site plutôt que de risquer que des citoyens soient désinformés et qu’ils encourent des risques pour leur santé. D’ici là, les professionnels de la santé auront à mettre en garde leurs patients sur les informations trouvées sur Internet et de les aiguiller dans le choix des sites à consulter à cet égard, En guise d’outil pour ce faire, notons que le Réseau canadien de la santé a récemment publié un document visant à guider l’internaute dans le choix des sites sur la santé en ligne. Le Réseau invite notamment l’internaute à poser un regard critique sur les informations trouvées en ligne, plus particulièrement celles qui concernent la santé. On y retrouve aussi une liste de critères pour accompagner l’internaute dans l’évaluation des sites.

Autres exemples de sites sur la santé :

Rédaction : Sophie Poudrier, analyste-conseil, Direction des enquêtes et de la veille stratégique, CEFRIO

Sources :

Phillip, Lisa. Pharmaceuticals Stay Healthy Online, eMarketer, 24 mai 2007.

Runyon, Barry. 2006 survey of Web portal uses and trends in U.S. care delivery organizations, Gartner, 16 février 2007, 26 pages.

Le Réseau canadien de la santé, Agence de la santé publique du Canada. Comment trouver de l’information-santé la plus fiable sur Internet.

Pew Internet & American life project, Online Health Search 2006, 29 octobre 2006, 22 pages.

Site Internet Revolutionhealth : http://www.revolutionhealth.com/

Site Internet Web MD : http://www.webmd.com/default.htm

Posté le 27 mai 2007

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