Un édito de la lettre "Zinc" de juin d’Emmanuel Vergès
Pourtant, les lieux d’accès public continuent à recevoir toujours autant de public. Ils continuent à avoir tout leur sens. Pourquoi ? Prenons l’exemple, partiel mais significatif, des archives de l’INA, l’Institut National de l’Audiovisuel.
L’INA a récemment mis en ligne une très grande partie de ses archives en ligne. Lors d’une émission de radio, le président de ce noble institut est interpellé par un auditeur qui n’a pas Internet chez lui, il répond qu’il lui faut effectivement se déplacer à la Très Grande Bibliothèque à Paris pour les consulter. Et personne dans le studio de la radio pour lui indiquer qu’il existe probablement un lieu d’accès public à Internet, au même titre qu’une bibliothèque, à côté de chez lui, pour voir ces archives.
Un exemple néanmoins parmi tant d’autre qui nous montre, premièrement, que ces lieux, malgré leur dizaine d’année d’existence, sont peu repérés – pas par les publics, mais par les institutions ! Et deuxièmement, qu’au sein même des institutions, on ne se pose toujours pas la question de l’accès aux contenus que l’on produit. L’engorgement du serveur de l’IGN à la fin du mois de juin conforte cette analyse.
Les technologies se diffusent depuis 10 ans, à la fois par une injonction et un appui de l’Etat et des institutions et par les innovations des industries de l’informatique. Mais une tendance actuelle privilégie la question de l’offre de services et de contenus, voire la question de l’accès individuel, pour développer la consommation solitaire du réseau. Cela ne paraît pas être une perspective innovante.
Aujourd’hui, si l’on cherche ce qui est « nouveau » dans ce réseau et ces technologies, il faut rechercher dans les usages et les pratique qui se jouent collectivement, au-delà des frontières et dans de nouvelles formes de coopération. Quelques soient les statistiques sur les marchés émergents, l’innovation culturelle, comme celle de l’INA ou de l’IGN ne peut se penser qu’en prenant en compte de « nouvelles pratiques », et non des possibilités technologiques. Parce que soudain, le patrimoine, la mémoire circulent, se distribuent largement et « s’utilisent » beaucoup plus simplement. Une mémoire qui « représente » et « se représente » dans de nouvelles sphères, et qui peut conduire, parce que disponible partout mais pas forcement « à tous », à se questionner sur ce que l’on fait ensemble de cette mémoire. En particulier, une culture à continuer à construire.
Les EPN sont des lieux dans lesquels cela peut se faire. Un peu partout en France. A la ville comme à la campagne, à Paris comme en « province ».
A noter que dans cette même logique de « culture commune » et de patrimoine commun, les initiatives d’encyclopédie libre en ligne comme Wikipédia, ou les archives sonores, vidéos et Internet d’Archive.org.
Voir les archives de l’INA « archives pour tous » sur http://www.ina.fr/archivespourtous/...
Des textes de références et de réflexion sur l’accès
- Accès public à Internet par Subbiah Arunachalam dans « Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l’information », livre, coordonné par Alain Ambrosi, Valérie Peugeot et Daniel Pimienta a été publié le 5 novembre 2005 par C & F Éditions
- Accès de Pierre Mounier et Dardo de Vecchi dans « le glossaire critique de la Société de l’Information », édition La Documentation Française