Wikimedia France s’inquiète du projet de loi sur la diffusion d’images sur internet

Voici le courrier que Wikimédia France a adressé aux membres de la Commission mixte paritaire, à des présidents de groupes parlementaires, ainsi qu’à d’autres députés :

Mesdames, Messieurs les députés,

Notre association, Wikimédia France, s’inquiète au sujet de la rédaction de certaines dispositions introduites dans le texte relatif à la prévention de la délinquance.

Notre association assure en France, notamment, la promotion de l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Je vous rappelle qu’il s’agit d’un site Internet à très fort trafic ; les enquêtes Médiamétrie le classent, suivant les mois, à la 12ème ou à la 13ème place des sites les plus fréquenté, avec environ 7 millions d’utilisateurs uniques.

Ce site est alimenté par des contributions des internautes, y compris pour son iconographie. Il fait donc partie de ce que l’on appelle parfois le "Web 2.0" ou "Web collaboratif". Nous sommes donc très sensibles à tout ce qui pourrait gêner l’information sur les sites collaboratifs.

Le texte qui vous est soumis contient notamment des dispositions censées réprimer le happy slapping, à savoir le fait d’agresser une personne, de filmer la scène et de diffuser le film, à des buts d’humiliation publique.

Nous avons peur que la rédaction de ces dispositions de permettent d’interdire d’autres activités que le happy slapping.

http://www.assemblee-nationale.fr/1...

Pour mémoire, le texte de l’Assemblée est rédigé ainsi :

Article 26 bis A

I à V. – Non modifiés ……………………………………...

V bis. – Après l’article 222-43-1 du même code, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :

« Section 4 bis

« Dispositions générales

« Art. 222-43-2. – Est constitutif d’un acte de complicité des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31 et est puni des peines prévues par ces articles le fait d’enregistrer sciemment par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions.

« Le fait de diffuser l’enregistrement de telles images est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

« Le présent article n’est pas applicable lorsque l’enregistrement ou la diffusion résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice. »

VI à VIII. – Non modifiés …………………………………...

Ces clauses ont malheureusement une portée bien plus large que la simple répression du "happy slapping". Le simple citoyen qui filmerait des évènements violents (manifestations qui dégénère, par exemple) et voudrait informer ses concitoyens par une diffusion en ligne, pourrait être poursuivi. Il en est de même, par exemple, pour celui qui voudrait enrichir l’article Wikipédia sur ces évènements par des images ou une vidéo.

Il nous semble cependant important que tout citoyen, qu’il soit au non professionnel de l’information, puisse participer au débat démocratique et à l’information de ses concitoyens, y compris en leur diffusant des documents audiovisuels sur des évènements violents. C’est un problème tant de liberté d’expression que d’égalité des citoyens devant la loi.

Nous pensons donc qu’il serait préférable que cette mention "résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public" soit remplacé par "est fait dans le but d’informer le public" ou toute autre formulation qui n’excluerait pas les simples citoyens.

Nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, les députés, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

David Monniaux
membre du conseil d’administration de Wikimédia France
http://www.wikimedia.fr

Posté le 20 février 2007

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