Steve Jobs, le nouveau héraut du combat anti-DRM ?

Un communiqué StopDRM, 08 Février 2007, Paris

Au travers d’une longue lettre ouverte publiée ce mardi [1], le président-directeur général d’Apple s’exprime sur les restrictions numériques imposées aux fichiers musicaux numériques par les DRM d’iTunes et rejette la faute sur les quatre majors de l’industrie musicale.

Les membres du collectif citoyen StopDRM ne peuvent que se féliciter de pouvoir ajouter la voix de Steve Jobs à celle de nombreux analystes quand il affirme que "les DRM ne marchent pas, et ne marcheront peut-être jamais pour arrêter le piratage de musique".

Il faut cependant faire attention à bien replacer la situation d’Apple dans son contexte en se remémorant plusieurs faits. Tout d’abord, il faut rappeler que la maison à la pomme est tout de même avec son iPod et sa plateforme iTunes le premier fournisseur mondial de DRM, côte-à-côte avec Microsoft. Il serait difficile également de faire abstraction des propos pourtant très récents du même Steve Jobs sur l’interopérabilité :

il y a à peine quatre mois, l’intéressé la refusait en affirmant que "personne ne l’a jamais demandée" [2]. C’est d’ailleurs sous ce même argument qu’Apple a toujours refusé de libérer sur iTunes les 30% de morceaux de musique issus des labels independants, qui contrairement aux majors n’exigent pas de DRM et rencontrent d’ailleurs un franc succès sur les nombreuses autres plateformes vendant ces millions de morceaux sans restriction [3].

Plus grave encore, fut l’ingérence d’Apple dans la rédaction de la législation française : alors que les députés de tous bords votaient en mars dernier à l’Assemblée Nationale des dispositions permettant l’interopérabilité des DRM, c’est Apple, et non pas les "Big Four", qui est intervenu pour dénoncer un "piratage parrainé par l’État" et qui a fait exercer ses pressions par l’intermédiaire du secrétaire au Commerce du gouvernement américain, Carlos Gutierrez, pour voir ces dispositions annihilées lors du passage du texte au Sénat et en commission mixte paritaire [4].

Par ailleurs, quand il affirme dans sa lettre ouverte qu’"aucun DRM n’a jamais été développé pour le CD", Steve Jobs semble oublier que bien au contraire des "CD" de type Copy-Control ont bien été développés et vendus pendant une longue période comme l’illustrent les tristes affaires du rootkit de Sony ou des CD paralyseurs d’ordinateurs à Madagascar [5]. C’est seulement grâce au boycott international de ces albums que ces restrictions ont finalement été abandonnées il y a à peine un mois par leur dernier usager, EMI [6].

Enfin, Steve Jobs conseille aux anti-DRM européens de chasser sur leur terres en s’attaquant plutôt aux majors qui sont européennes pour trois d’entre elles ; les membres du Collectif StopDRM souhaitent rappeler que cela a toujours fait partie de notre combat, comme l’illustre par exemple l’action réalisée en avril dernier au Carroussel du Louvre à l’occasion de l’Assemblee Générale de la major française Vivendi [7].

Les membres du collectif StopDRM réalisent donc bien que Steve Jobs a senti le vent tourner en ces temps de MIDEM [8] et qu’il cherche désormais à se poser en opposant contraint aux DRM, malgré un lourd passif vu le rôle joué par Apple au cours de l’année écoulée. C’est malgré tout avec plaisir que nous accueillons la voix médiatique de Steve Jobs, pour y jouer non pas le rôle de héros, mais celui de héraut de l’abandon par les majors des DRM, et de leur disparition probable sinon programmée [9].

« Les DRM, tels que nous les connaissons, c’est fini. Il y aura peut-être des successeurs aux DRM mais c’est un autre sujet. Aujourd’hui même, ils sont morts, les majors se tournent vers un nouveau modèle. » Paul Birch, membre du comité exécutif et du conseil de l’International Federation of Phonographic Industry (IFPI) [10]

[1] 06/02/2007 - Thoughts on Music (Steve Jobs)

[2] 16/10/2006 - Tout le monde sait qu’iTunes n’est pas interopérable (Ratiatum)

[3] 29/08/2006 - Revue des plateformes de téléchargement sans DRM : bientôt la fin du tunnel ? (StopDRM)
11/01/2007 - Télécharger sans DRM : le tour des plateformes (Clubic)

[4] 22/03/2006 - Projet Dadvsi : Apple démolit les mesures relatives à l’interopérabilité (ZDNet)
24/03/2006 - Les USA soutiennent Apple contre la loi DADVSI (PCInpact)

[5] 02/11/2005 - Sony, les rootkits et la gestion des DRM (PCInpact)
14/04/2006 - DRM : mesure radicale à Madagascar (Generation NT)

[6] 11/01/2007 - EMI retire les protections anticopie de ses CD (ZDNet)

[7] 20/04/2006 - Compte-rendu de la flashmob à l’assemblée générale de Vivendi Universal (StopDRM)

[8] 22/01/2007 - Interview eMusic : vers l’abandon général des DRM ? (Clubic)

[9] 07/02/2007 – Les déclarations anti-DRM de Steve Jobs font sourire (01Net)

[10] 27/11/2006 – "Les DRM ont fait leur temps" (Ecrans.fr)

A propos de StopDRM :

StopDRM.info est un collectif citoyen d’information et d’action contre les DRM ("Digital Rights Management" ou MTP pour "Mesures Techniques de Protection"), véritables armes de verrouillage de la culture numérique et de l’information.

Ses membres défendent la copie privée et l’interopérabilité (liberté de choix du matériel et du logiciel de lecture des oeuvres en version numérique) qu’ils considèrent comme des droits essentiels devant être protégés par la loi.

http://stopdrm.info

Posté le 8 février 2007

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