Internet, outils de démocratie locale ? atelier du festival du blog de Romans

un article repris du blog d’Hubert Guillaud "Le Romanais" et qui rend compte d’un atelier auquel Fréderic Bergot participait pour relater les initiatives Brestoises durant le festival du blog de Romans

Plutôt que d’être à Grenoble à écouter Ségolène, j’étais hier soir à la conférence organisée par la Ville de Romans sur, “Internet, outils de démocratie locale ?”.

Une trentaine de personne pour une table-ronde qui a été un peu longue. Véronique Kleck, chargée de la démocratie participative et des nouvelles technologies au cabinet de Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes a exposé les grands principes, sur une modalité un peu générale expliquant que ces nouvelles modalités de production et de diffusion, de participation allaient conduire à un nouveau rapport au pouvoir : “l’internet est une révolution politique avant d’être une révolution technologique”. J’aimerais bien avoir cet optimisme.

Frédéric Bergot, responsable du service Démocratie Locale, Citoyenneté et Nouvelles Technologies à la Ville de Brest nous a ramené un peu les pieds sur terre. Le service de 6 personnes dont il est responsable à Brest (une ville de 150 000 habitants) travaille à développer l’appropriation sociale des outils internet et la participation des habitants. Comme il l’a bien expliqué, le relatif succès vient du fait que la collectivité - sous l’impulsion de Michel Briand, élu Vert à Brest qui est le fer de lance de cette initiative - est en soutien pour donner les moyens et accompagner le réseau des acteurs locaux. Frédéric a insisté là-dessus : le facteur de réussite déterminant de cette politique d’accompagnement aux usages du web a été de mener une politique qui s’appuie sur les acteurs locaux.

Parmi les nombreuses initiatives, Frédéric a rappelé l’importance de l’Appel à projet usages des TIC (qui sélectionne chaque année une trentaine de projet pour les soutenir financièrement). Aujourd’hui, Brest compte une multitude de journaux de quartiers, dont la coproduction est assurée par les habitants eux-mêmes et un nombre impressionnant de projets de copublication comme l’excellent Wiki-Brest. Le but : valoriser les habitants, créer du lien, redonner de l’estime de soi (par la formation et la publication). Aujourd’hui, le but n’est plus seulement d’écrire des textes, mais de publier des photos, des vidéos… Tout cela avec des outils libres. Bien sûr, il le reconnaît lui-même avec une belle modestie, tout cela donne des usages encore bien limités. L’expérimentation est une voie semée d’embûches. On apprend en marchant. Un propos très très régénérant en tout cas, qui montre même qu’une grande ville comme Brest peu avoir parfois aussi peu de participant à une formation qu’une association isolée à Romans. ;-)

Henri Bertholet, maire de Romans, a fait une assez courte intervention, très critique envers la démocratie participative. Critiquant l’idée des budgets participatifs par exemple : selon lui la structure des ressources et des dépenses d’une collectivité ne sont pas vraiment discutables, hormis dans les marges. Et rappelant que la discussion des actions publiques nécessite beaucoup de connaissance - à croire que seuls des experts devraient être élus ;-) . Dans les débats, il est fréquent que ce soit toujours les mêmes qui confisquent la parole - il ne parlait pas des élus ;-) . Si pour lui, il faut tendre vers une démocratie participative, c’est en en voyant bien les limites, les conflits, les tensions… Seul élément positif, noté par notre récent blogueur… : l’échange. Son blog lui a permis, en discutant avec des gens qu’il n’aurait pas croisé autrement, de revoir ou modérer son opinion sur certains sujets. C’est apparemment, la seule vertu qu’il prête au Net.

Démocratie Participative, le débat, Christophe Grébert au micro, Jean-David Abel à droiteChristophe Grébert, après avoir remercié tout ces élus modèles (hum, hum) est revenu sur son histoire en montrant comment aujourd’hui les institutions accaparent l’information et comment un citoyen aujourd’hui peut aider à diffuser l’information, à lui donner une mémoire, une profondeur. Il est longuement revenu sur un exemple simple, celui de la vidéo du conseil municipal de sa ville, qu’il filme désormais régulièrement, après tout de même quelques algarades, et qu’il diffuse sur le net (en prenant soin d’étiqueter cette vidéo, d’en faire un sommaire, un index, très utile pour l’archivage et qui permet de retrouver par exemple les moments où il y a eu des décisions relatives par exemple au crèches ou à la voirie). Un archivage qui devrait lui permettre, prochainement, de monter des dossiers sur un sujet, en compilant les données recueillies et en permettant aux citoyens d’y accéder pour se faire un avis et des propositions. Alors qu’il n’y a qu’une vingtaine de personnes présentes au Conseil municipal, ses vidéos arrivent en moyenne à quelques 500 visiteurs. “La démocratie, c’est le débat, l’alternance, la différence”, concluait le Putéolien qui sait comme nul autre donner beaucoup de vie à son expérience.

François Elie de l’Addulact a lui souhaiter tirer une sonnette d’alarme sur le web 2.0, le danger de laisser notre démocratie accaparée par des outils dont nous ne maîtrisons rien : “les armes de la critique passent par la critique des armes” a-t-il rappelé. Il se défie, non sans raison, des interfaces techniques qui sont aussi des interfaces de pouvoir.

Le débat a ensuite tourné autour d’interrogations assez classiques qui construisent la défiance autour de ces outils : le danger de l’anonymat, la crainte d’être saturé d’information, l’emballement et la fracture numérique qui risque de laisser des citoyens hors de l’espace technique et démocratique. Des questions récurrentes, c’est vrai, mais auxquels on ne peut répondre que par l’accompagnement je crois. Aujourd’hui, pour combattre l’anonymat, la solution est déjà de montrer le bon exemple, comme l’expliquait Christophe Grébert, en utilisant, partout où il laissait un commentaire, utilisait un outil, son nom. “C’est notre responsabilité de citoyen qui est en jeu”. Un combat que je partage totalement : un prénom, un nom, voir un lien vers le site qui nous définit (celui d’une institution pour un élu, un blog pour un citoyen, une association pour l’un de ses responsables), dans chaque commentaire est une éthique que je partage pleinement. On peut même construire une identité autour d’un pseudonyme.

Démocratie Participative, le débat, Jean-David Abel et Henri BertholetMaintenant, ne nous leurrons pas, cette pratique est rare. Mais les lecteurs ne sont jamais dupes. Tout un chacun prêtera toujours moins d’attention à un propos même juste d’un anonyme, qu’à celui, même humain, de quelqu’un qui l’assume. Pour rendre l’internet crédible, c’est notre devoir à tous d’y être responsable. Comme toujours, il a fallut rappeler que la première régulation du réseau c’est la loi, et qu’elle s’y applique autant qu’ailleurs. Que nul n’est jamais anonyme, et que plutôt que de mettre des barrières partout, il faut essayer, avancer… Que l’autorégulation du réseau marche tout de même assez bien. Oui, on trouve de tout sur le net, mais si on exerce son esprit critique, comme le font tous les gens, alors on trouve vite ce qu’il y a d’intéressant et on se détourne de ce qui ne l’est pas. Cela rejoint la crainte d’être saturé d’information. Encore une fois, c’est aussi vrai sur l’internet qu’ailleurs, mais là encore, des outils existent qui nous permettent, aussi imparfaitement que ceux qu’on utilise dans la vraie vie, d’essayer d’y voir clair, sans y passer du temps. Je suis toujours surpris par cette question de l’emballement. Je crois profondément que les choses s’emballent souvent parce que les gens n’y répondent pas ou parce qu’ils n’ont pas été informé en temps ou en heure. L’emballement sur les réseaux est souvent la conséquence de quelque chose qui manque, mais je n’ai encore jamais vu personne exiger une réponse totale de qui que ce soit. Très souvent, marquer l’arrêt, répondre. Montrer sa présence, suffit à stopper l’emballement. Ca veut juste dire que cet emballement est souvent la marque d’une absence de participation.

Enfin, sur la fracture, je pense qu’aujourd’hui on a des outils qui permettent justement de lever beaucoup d’obstacles : la photo, la vidéo, pratiquée et accessible par tous, sont certainement des outils qu’on n’utilise pas assez et qui permettront à de nouveaux publics d’accéder au web.

Une autre question a tenté d’évoquer quelles solutions techniques à mettre en place, demain, pour apporter ces outils sur le terrain… mais elle est resté un peu sans réponse. Face aux expérimentations de chacun, tout le monde reste bien souvent dépourvu de réponse toutes faites. Jean-David Abel a juste souligné que la Ville y travaillait. On peut encore une fois regretter que ce soit seule dans son coin, sans demander ou prendre la mesure de ce que les gens souhaiteraient ou auraient besoin. C’est peut-être un bon exemple des limites de la démocratie participative sur le net ;-)

Le mot de la fin, je le laisserais à Frédéric Bergot : “la démocratie participative est encore très loin” Je le rejoint tout à fait. Aujourd’hui, partout, les gens testent, essayent, observent… Et ce n’est que comme cela qu’on comprendra et qu’on avancera et qu’on pourra apprendre de notre expérience.

Posté le 2 février 2007

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