MP3, 10 ans déjà : une histoire de compromis

Si le format de compression « mp3 » a incarné une valeur de progrès il y a une dizaine d’années, nous devons avoir l’audace de le remettre en question pour vérifier s’il continue à remplir pleinement sa mission.

Un article repris du nouveau blog "betapolitique"

un article publié par Xavier Filliol le
jeudi 14 décembre 2006

Les recherches sur le MP3 ont démarré dès 1987 au Fraunhofer Institut Integrierte Schaltungen en tant que projet EUREKA EU147 dans le cadre de développement du DAB (“Digital Audio Broadcasting”) et chez la société française Thomson Multimédia. Le MP3 est devenu depuis symbole de liberté pour les uns, l’aubaine d’une orgie digitale pour les autres, ces trois caractères magiques résumant à eux-seuls toute une génération d’internautes. Au-delà de l’aspect culte du MP3 pour quelques fétichistes de l’immatériel, force est de constater qu’il a permis la création de modèles alternatifs à la diffusion / distribution classique de la musique, par les réseaux.


Les codecs perceptifs : un compromis dépassé ?

Dans cette ivresse de bits, on a toutefois perdu le sens du compromis initial qui a prévalue à l’émergence de ces formats numériques : les fichiers musicaux subissent une compression avec perte de certaines fréquences plus ou moins « perceptibles », par souci d’encombrement minimal pour une diffusion maximale sur les réseaux. Face au public d’alors équipé de modems 56 Ko avec des capacités de stockage de quelques centaines de Mo, le mp3 s’est rapidement imposé ; Format ouvert et interopérable, il continue de triompher aujourd’hui sur le parc informatique des terminaux mobiles aux baladeurs numériques en passant par les PC. Les formats dits « protégés » (Windows media, AAC d’Apple…) ont également suivi cette même logique de compression mais sans véritablement parvenir à s’imposer. On peut se demander si cette compression qui altère le signal sonore se justifie encore de nos jours ?

Vers un meilleur codec ?

Les débits ont été multipliés par 100, la capacité de stockage par 1000… des films aux fichiers 200 fois plus gros que ceux de la musique circulent sans encombre. Des formats de compression sans perte (qualité CD) existent : le FLAC (Free Lossless Audio Codec) par exemple est un format libre qui compresse x2 et garantit une liberté d’usage pour tous (Licence GPL). La plupart sont portables sur l’ensemble du parc mobile et fixe, et intègre les formats multicanaux (5.1, 6.1, 7.1…) en proposant de riches librairies de métadonnées.

Les gagnants de cette évolution ?

  • Le public ! Aujourd’hui, les internautes se sont constitués de vastes bases de données musicales, achetée ou non, mais qui n’ont aucune valeur : c’est un peu comme posséder une bibliothèque dont il manquerait des pages aux ouvrages, sous prétexte qu’on ne les lit pas en entier… Il serait dommage de ne pas profiter pleinement des œuvres que l’on acquiert, que l’on garde, voire que l’on désire transmettre. Le respect du public dans son plaisir d’écoute multi terminal reste à n’en point douter l’un des meilleurs indices de valeur de la musique. De même, la richesse des métadonnées permettant une meilleure appropriation de la musique en indexant soi-même ses titres répond également à ses attentes.
  • les ayants droit. Au-delà d’un dogmatisme technophobe parfois excessif, leur réticence à l’égard d’un marché qu’ils ne maîtrisent pas totalement – à cause de la diversité des exploitants et leurs arcanes technologiques – et dont les œuvres s’en trouvent détériorées ralentit le processus de coopération, essentiel à une pleine et paisible exploitation. Des artistes comme Metallica, Phish, King Krimson ou Autechre ont déjà adopté ces nouveaux formats comme le FLAC, garant d’une meilleure qualité, en reconnaissance de leur travail.
  • les opérateurs-éditeurs en ligne : à part un coût marginal supplémentaire de stockage et de bande-passante, nul doute que la qualité sera l’enjeu majeur du très haut débit. Cela devrait s’amplifier avec le phénomène de la Haute Définition dont l’investissement marketing sur plusieurs années laisse peu de place aux doutes quant au sens de l’Histoire. Il n’est d’ailleurs pas impossible que la guerre des formats physiques (Blu-Ray vs HD DVD) profite d‘abord aux offres en ligne, de la TV HD à la VOD.
  • Les constructeurs : une segmentation trop importante des marchés des équipements hifi et informatique peut se révéler à terme contre-productif pour ces industriels dans leurs efforts de convergence, notamment sur le marché de la domotique (les media-centers) ; c’est également un frein pour le déploiement de la Haute Définition dont une génération d’internautes n’a comme unique référent que les formats compressés avec perte.

Il semble que l’intérêt général en matière de qualité et le respect de chacun notamment du public soit un défi majeur à relever pour l’année 2007, afin de redonner de la valeur à la musique pour le plaisir de tous. Et si nous en redéfinissions ensemble les spécificités ?

“Information is not knowledge, Knowledge is not wisdom, Wisdom is not truth, Truth is not beauty, Beauty is not love, Love is not music, Music is THE BEST". Frank Zappa

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Posté le 15 décembre 2006 par Michel Briand

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