D’après un mél de Ludovic Penet
Séance des questions d’actualité
Mardi 28 novembre 2006
M. A. Montebourg, député de Saône et Loire :
Cette question est destinée
à Monsieur Sarkozy. Un sénateur de votre parti politique, l’UMP, qui
préside la Commission Nationale Informatique et Liberté (la CNIL),
chargée de protéger les citoyens contre les abus de pouvoir en matière
de fichage, vient de déclarer la chose suivante : « Ce qui se passe dans
notre pays depuis 2 ans est particulièrement grave, je constate une
dérive du fichage que je considère comme très dangereuse ». 100 millions
de fiches de police et de gendarmerie viennent d’être recensées en
France, soit presque 2 fiches par habitant. La CNIL constate, de son
côté, une explosion des recours des particuliers mis en cause à tort
dans des fichiers dont vous avez la responsabilité. Un rapport de
l’Observatoire National de la Délinquance remis la semaine dernière fait
état de graves dysfonctionnements dans la gestion des fichiers, et
révèle que ceux-ci contiennent jusqu’à 30 % de noms fichés par erreur,
portant une atteinte grave à l’honneur de citoyens intègres.
Plus grave,
la CNIL vient de se déclarer publiquement en cessation de paiement,
étranglée financièrement par votre gouvernement qui, d’un côté multiplie
les fichiers, et de l’autre, affaiblit volontairement l’autorité chargée
d’en empêcher les dérives.
Pendant vos 5 années de pouvoir, Monsieur le
ministre, vous avez fait croire aux Français qu’il leur faudrait
renoncer à une part de leurs libertés fondamentales pour renforcer leur
sécurité. Vous avez systématiquement attaqué tous les contrepouvoirs :
les magistrats indépendants, les journalistes qui vous déplaisent, les
autorités indépendantes qui vous résistent, les députés de l’opposition,
et même certains de vos amis qui s’inquiètent légitimement de vos excès.
Aujourd’hui, la vérité est beaucoup plus cruelle. Vous avez mis en
danger les libertés au quotidien de nos concitoyens. Mais ceux-ci ne
vivent pas davantage en sécurité, car vous êtes responsable d’une hausse
continue de la délinquance depuis 2002. Qu’avez-vous à répondre à ce
bilan aussi désastreux qu’inquiétant ?
M. JL Debré, Président de l’Assemblée : Merci. Monsieur Sarkozy.
M. Sarkozy, ministre de l’Intérieur
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député, vous me permettrez de ne pas répondre sur le même
ton, vous êtes connu pour vos excès, je vous les laisse. Ce sont des
affaires sérieuses, Monsieur Montebourg, qu’on doit traiter
sérieusement.
La police moderne est une police qui doit passer de la
culture de l’aveu à la culture de la preuve. L’aveu, c’était la police
d’avant, la preuve, ce doit être la police de demain et même
d’aujourd’hui. Quel est le moyen pour passer de la police de l’aveu à la
police de la preuve ? C’est de donner des moyens à la police
scientifique et à la police technique. Quel est le vecteur qui permet de
donner des moyens à la police technique et scientifique : ce sont les
fichiers.
Prenons un exemple, Monsieur Montebourg, le fichier national
des empreintes génétiques. Quand je suis devenu ministre, il y avait
4000 empreintes. Aujourd’hui, il y en a près de 400.000. Si vous vous
étiez préoccupés de l’évolution du fichier national des empreintes
génétiques, un violeur en série comme Thierry Georges n’aurait pas fait
le massacre qu’il a fait en violant et en tuant 12 jeunes filles. Je
n’accuse personne. Je décris une situation qui est une situation qui
devrait vous amener à la plus grande discrétion. Alors, Monsieur
Montebourg, nous avons effectivement deux désaccords.
Le premier
désaccord, c’est la conception que vous avez des victimes. Pour vous les
victimes ce sont les délinquants, pour moi ce sont les français qui
chaque jour se demandent pourquoi sur le territoire de la République ont
donne la primauté à ceux qui empoisonnent la vie des autres sans
récompenser ceux qui travaillent dur pour faire vivre leur famille.
Et
la deuxième différence, c’est la conception que nous avons de la
liberté. Pour moi, la liberté, ce n’est pas de laisser un violeur en
série ou un tueur en série en liberté parce que ça fait peur à une
organisation gauchiste qu’on mette des empreintes génétique dans un
fichier que connaissent toutes les démocraties dans le monde. Moi je
veux une police efficace, c’est cela la police d’aujourd’hui, Monsieur
Montebourg.