Contribution sur le très haut débit d’associations de collectivités locales

une prise de position commune de l’AVICCA, et des associations de maires (AMF), de départements (ADF), et régions (ARF)

Réponse à la consultation publique lancée par le ministère délégué à l’Industrie sur le rapport d’étude
sur le développement du très haut débit en France

Le haut débit via l’ADSL a connu un développement très rapide en France, dont il faut se féliciter.
Cependant ce succès commence à rencontrer ses limites techniques ; les demandes de débit ne
cessent d’augmenter et la longueur de la plupart des lignes en cuivre installées ne permettra bientôt
plus d’y répondre.

En vue du lancement d’un plan d’action sur le déploiement de réseau à très haut débit, le Ministère de
l’Industrie, a confié à l’Idate la réalisation d’une étude sur le très haut débit en France. Celui-ci est
défini comme la possibilité d’assurer à l’usager un débit descendant supérieur à 20 Mégabit/s
(pouvant recevoir par exemple la télévision haute définition), mais aussi un débit remontant de
plusieurs Mégabit/s (échanges de fichiers, photo et vidéo numériques…), et de garantir des minima de
débits.

Cette évolution est engagée dans plusieurs pays. En France, le passage du bas au haut débit n’est
pas terminé et il ne faut pas sous-estimer les difficultés du passage au très haut débit.
Cette étude avance plusieurs hypothèses et recommandations et à ce titre, elles appellent de la part
des associations d’élus un certain nombre de remarques.

SYNTHESE DES OBSERVATIONS

  • 1 – Mobiliser clairement les énergies

Si le très haut débit , comme il est probable, est un enjeu important il faut avoir un discours volontaire
et en planifier la réalisation dès aujourd’hui.

  • 2 – Ne pas limiter l’intervention publique aux zones de faible densité

Les collectivités agissent pour que les réseaux soient ouverts à l’ensemble des opérateurs et qu’ils
permettent la diversité de choix pour les consommateurs. Ce type d’intervention concerne aussi bien
les zones denses que les zones peu denses.

3 – Organiser la péréquation nationale

L’intervention publique ne doit pas reposer sur les seules collectivités territoriales, l’Etat doit
s ‘engager à leurs côtés pour répondre à cette ambition de dimension nationale

4 – Connaître les réseaux pour agir durablement

Il faut une décision volontaire des opérateurs ou une mesure réglementaire pour que les
caractéristiques des principaux réseaux d’accès installés et les points de desserte correspondants
soient rendus publics.

5 – Mieux évaluer le potentiel du génie civil existant

Une évaluation du potentiel du génie civil existant pouvant être réutilisé pour le très haut débit
permettrait de mieux mobiliser les acteurs et d’envisager, le cas échéant, les mesures réglementaires
qui pourraient s’avérer nécessaire afin de l’utiliser au mieux.

6 – Intervenir sur les sites et zones d’activités économiques

Le déploiement du très haut débit sur les sites d’activités économiques est une des grandes priorités,
du fait des enjeux de compétitivité des entreprises pour les territoires concernés.

7 – Articuler la politique audiovisuelle et la politique sur les réseaux de communications
électroniques

Au moment des choix à effectuer, en 2006, pour l’utilisation de la ressource radioélectrique, il faut des
arbitrages d’ensemble. La place accordée à la haute définition sur la TNT impactera l’économie des
réseaux très haut débit, donc leur déploiement.

Remarque liminaire :

Les associations de collectivités tiennent à remercier le Ministère de l’Industrie de les avoir associées
dès le départ, à la démarche et au suivi de l’étude et d’avoir lancé le débat grâce à cette première
consultation publique sur le très haut débit
.

Les conclusions de l’étude poussent à un développement du très haut débit « en tâches de léopard »
et sans ouverture des réseaux à la diversité des opérateurs.

Ce modèle ne peut satisfaire les
collectivités, qui souhaitent aller vers une égalité d’accès et une liberté de choix sur leurs territoires, et
ne veulent pas voir se créer de nouvelles fractures numériques.

Pour le très haut débit, il conviendrait de prolonger le modèle et le succès du haut débit via l’ADSL. Le
dégroupage a permis l’ouverture du réseau de l’opérateur historique ; sur ce réseau ouvert les divers
opérateurs ont pu installer leurs équipements et offrir des services innovants à des prix compétitifs.

1 - Mobiliser clairement les énergies

L’étude affirme que la France n’est pas en retard « en ne faisant pas état aujourd’hui d’un déploiement
significatif de réseaux THD », mais montre en même temps que les réseaux actuels ne pourront
supporter les débits nécessaires d’ici quelques années. D’un côté, « inéluctablement les débits
d’accès sont appelés d’ici la fin de la décennie à dépasser les 20 Mbps », et de l’autre, il est constaté
que la moitié des lignes téléphoniques ne pourront pas offrir plus de 10 Mbps (Mégabits).

Si, en 2010, la moitié des habitants et professionnels n’ont pas les débits utiles, la France est déjà très
en retard pour construire les réseaux d’accès nécessaires.
Engager des travaux d’une ampleur aussi considérable nécessite de les étaler dans le temps pour des
raisons financières comme techniques, ainsi que l’ont rappelé les représentants des industriels
associés à l’étude.

Par ailleurs l’étude préconise fort justement d’abaisser les « barrières à l’entrée » à travers diverses
mesures qui nécessitent d’impliquer une large palette d’acteurs : toutes les collectivités pouvant créer
ou récupérer du génie civil, les propriétaires d’immeubles et investisseurs pour les colonnes
montantes et le câblage des appartements etc. Ainsi chaque opération d’enfouissement de lignes,
chaque rénovation de réseau, chaque opération d’urbanisme devrait dès maintenant donner lieu à la
pose de capacités supplémentaires.
L’étude se focalise beaucoup sur les besoins d’aujourd’hui alors qu’il serait nécessaire d’avoir un
discours plus volontariste afin de convaincre tous les acteurs d’engager des coûts supplémentaires et
de mettre en oeuvre des procédures nouvelles dès aujourd’hui.

2 - Ne pas limiter l’intervention publique aux zones de faible densité

L’étude limite implicitement l’intervention des collectivités aux zones de relative faible densité, sousentendues
non-rentables ou non concurrentielles. Les collectivités n’agissent en général pas de cette
manière.

D’une part, le déploiement « en taches de léopard » des réseaux de communications électroniques
signifie que ces zones non concurrentielles sont émiettées sur une grande partie du territoire. Un
réseau qui relierait ces zones passerait donc nécessairement par des zones rentables qu’il serait
absurde de ne pas desservir.

D’autre part, l’intervention des collectivités s’effectue préférentiellement sous forme de délégation de
service public qui suppose un modèle de rentabilité au moins en exploitation. Les collectivités ne
souhaitent en effet pas rentrer dans un système de subvention publique exclusive. La limitation aux
zones de faible densité rendrait par construction tout équilibre économique impossible et interdirait
donc tout partenariat de type public-privé sur le long terme.
Qui plus est, comme on a pu le constater avec l’ADSL, cette notion de rentabilité est hautement
évolutive. On voit donc mal comment les collectivités pourraient investir à long terme dans de telles
conditions.

Les réseaux d’initiatives publiques créés par les collectivités dans le cadre de l’article L.1425-1 du
CGCT répondent aujourd’hui quasiment tous à cette logique d’intervention mixte, sur des zones
rentables comme non-rentables.
La cohérence des réseaux d’initiative publique sera également un point important pour la transition
vers le très haut débit.

3 – Organiser la péréquation nationale

Comme le souligne le rapport, le passage du haut débit au très haut débit suppose de très lourds
investissements. C’est un nouveau réseau qu’il faut construire avec un surcoût qui sera certainement
très important pour les zones de faible densité.

Si l’étude envisage une intervention publique, elle l’a restreint à celle des collectivités territoriales. Or,
celles ci n’ont pas toute les mêmes moyens ni les mêmes atouts.

Cet effort public ne devant pas reposer sur les seules collectivités situées dans les zones les moins
rentables du territoire, les associations d’élus souhaitent que, dans ses recommandations, l’Etat
s’engage à leur côtés.

Cette intervention publique doit figurer dans le volet "compétitivité et attractivité des territoires" et
dans les possibilités de tirage sur les fonds européens (négociation locale entre les collectivités
territoriales et le préfet de région).

4 - Connaître les réseaux pour agir durablement

Les collectivités doivent agir très en amont, sur les infrastructures. Elles doivent établir des priorités,
proportionner leurs actions et agir pour le long terme.

Or, elles n’ont pas accès aujourd’hui aux données de base. Où sont les zones blanches du « haut »
débit actuel ? Comment vont-elles évoluer lorsque les débits indispensables seront de 2, 10, 20 Mbit/s
et, de surcroît, lorsqu’il faudra pouvoir assurer des débits garantis et symétriques ?

Pour le savoir il
faudrait connaître les caractéristiques des réseaux installés. Si ces données restent secrètes, les
collectivités ne peuvent pas agir aussi efficacement qu’il est nécessaire. La connaissance des réseaux
figurait dans le rapport dit « Poulit » de 2003 mais n’a pas encore été mise en oeuvre.

5 - Mieux évaluer le potentiel du génie civil existant

L’étude montre le poids considérable du génie civil nécessaire au déploiement des nouveaux réseaux
d’accès (environ de 30 à 45 % du coût du réseau).

Les simulations effectuées dans l’étude ont porté sur un coût de construction à neuf.
Afin de favoriser, voire d’envisager un accompagnement réglementaire permettant de mieux utiliser
les infrastructures existantes, il serait utile que des études de terrain, sur un échantillon représentatif,
montrent les capacités effectives à réutiliser du génie civil existant, par sous-fourreautage ou par
récupération de fourreaux vides par exemple :

  • sur les réseaux d’accès de France Telecom
  • sur les réseaux d’accès des cablo-opérateurs (sachant que pour deux tiers environ, le génie civil
    appartient à France Telecom)
  • sur les autres réseaux pénétrant dans les immeubles (assainissement etc.)
  • sur les réseaux de distribution aérien

Pour contribuer à abaisser le coût des travaux, il serait également indispensable de faire aboutir les
travaux de normalisation du génie civil « allégé », en cours d’élaboration depuis plusieurs années.

6 - Intervenir sur les zones et sites d’activité économique

Bénéficier des débits utiles dans des conditions économiques satisfaisantes est un gage de
compétitivité des entreprises, d’efficacité des centres de recherche, universités, établissements de
santé etc.

Le rapport sous-estime l’intérêt d’agir sur les zones et sites d’activités en estimant que « au delà des
opérations propres aux quartiers d’affaires » ou des boucles métropolitaines desservant « quelques
buildings ou grands comptes », la desserte en très haut débit « est très directement associée au
déploiement d’offres d’accès sur le marché résidentiel ».

L’exemple de l’ADSL a montré au contraire que les zones et sites d’activité étaient moins bien
desservis que les zones résidentielles, parce qu’ils ne représentent pas un marché de masse aussi
facile à adresser que le grand public, avec pour conséquence des débits moindres (éloignement et
longueur des lignes) et une faible diversité d’offre (absence de dégroupage du fait d’une structure
tarifaire du dégroupage inadaptée).

L’installation de nouveaux réseaux d’accès pour les besoins du marché résidentiel pourra répondre à
ceux des TPE qui sont installées sur ce tissu résidentiel, mais pas à ceux des PME.

Pour les collectivités, ne pas prendre en compte les besoins des entreprises, c’est prendre un risque
de délocalisation de certaines fonctions des établissements présents (informatique…) et de perte de
compétitivité (restriction des usages par des coûts prohibitifs…).

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a d’ailleurs montré
l’intérêt d’une action volontariste sur ces sites.

7 - Articuler la politique audiovisuelle et la politique sur les réseaux de communications électroniques

Il y a vingt ans, alors qu’un « plan câble » venait d’être lancé, de nouvelles chaînes nationales ont été
autorisées en hertzien. Il ne faudrait pas recommencer aujourd’hui en gérant le dossier de la haute
définition pour la télévision indépendamment de la réflexion sur le très haut débit. Le rapport précise
que la haute définition est justement le seul service d’aujourd’hui nécessitant ce très haut débit pour
le résidentiel.

Il faut également s’interroger, dès aujourd’hui, sur l’utilisation de cette ressource sur les zones
frontalières, qui bénéficient structurellement de moins de fréquences. A cet égard, la télévision utilise
aujourd’hui des « fréquences en or », qui ont à la fois une grande portée et une bonne pénétration
dans les bâtiments. A l’extinction de la télévision analogique, vers 2012, ces fréquences seront très
utiles pour offrir les débits nécessaires, puisqu’il est impossible de fibrer à court/moyen terme les
territoires les moins denses. Suivant la manière dont vont être diffusées les chaînes de la TNT (MPEG
4 ou MPEG 2 pour les chaînes gratuites, diffusion ou non des chaînes cryptées, de la haute
définition…), cette ressource pourra être importante ou nulle à terme pour ces zones frontalières,
compromettant ainsi leur développement numérique.

Posté le 16 novembre 2006

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