« Présentation du chantier école CEGEMAD visant l’insertion socioprofessionnelle d’un public jeune ayant « décroché » avec le système éducatif précocement et sans qualification »
Réseau 2000 est une association basée à Paris et qui existe depuis 2000.
M. Saunier, directeur de la structure, débute son intervention par cette citation : « Si le monde
était réduit à un village de 100 habitants, seule 1 personne aurait un ordinateur chez lui ».
Comme le précise l’intervenant, « ce n’est plus réellement le cas en France - quoi que... »
Depuis plusieurs années, Réseau 2000 se charge d’animer des EPN (Espaces Publics Numériques) :
des lieux de diffusion et de sensibilisation autour des TIC. Des animateurs sont dédiés exclusivement
à ces missions (d’où des niveaux de connaissances et de veille élevés).
Réseau 2000 animent ainsi 2 EPN à Paris : Quaiweb et L’Atelier des réseaux.
Et depuis 2006, l’association a mis en place un cyberbus (dispositif mobile).
Les actions de l’association (initiation, sensibilisation, formations et pratique TIC) concernent
en moyenne 3 à 4 000 personnes par an.
Sans oublier les activités de centre de ressources :
- Diffusion de Fréquence Paris Plurielle sur Internet (stream)
- Hébergement de sites et mise à dispostion de serveurs via le projet Servaux
- Promotion et diffusion de logiciels libres (vlc stream, Ooo, Firefox, Thunderbird)
- Conseils aux responsables associatifs.
L’association mène également des études de publics assez poussées.
Un constat : la fracture numérique se résume de plus en plus à une fracture sociale (ce qui
coïncide avec la fermeture des bornes ANPE et l’augmentation de la fracture sociale). Depuis 2002,
les publics de chômeurs / RMIstes sont en augmentation constante de 30 à 58 %.
« Dans les EPN on distingue de plus en plus de gens à la recherche d’emploi, au RMI, des gens
présentant des difficultés importantes ». M. Saunier explique alors qu’après 20 ou 30 heures de
formations TIC par semaine, les gens partaient, et qu’en interne l’équipe était déçue de ne pouvoir
poursuivre l’accompagnement... D’où leur volonté de s’orienter vers des activités dites
« d’insertion ».
Le terme et les dispositifs d’« insertion » sont plutôt à la mode. L’intervenant précise néanmoins ne
pas trop apprécier ce mot... « Le véritable enjeu de l’insertion est de le faire convenablement, je
préfère parler de « e-inclusion », il s’agit vraiment de travailler avec des gens au quotidien et
d’essayer de les aider dans leurs démarches... »
En 2005, Réseau 2000 a mené un chantier d’insertion appelé « Touareg », avec 12 bénéficiaires, un
public « jeune » et « Rmiste » (70 % de sorties positives - Durée 7 mois).
NB : M. Saunier devait présenter ce chantier lors de la ROUMICS du 16 juin 2005 (« Les TIC et
l’accompagnement socioprofessionnel, l’emploi, la formation ») mais un accident de moto survenu
le matin même l’en avait empêché...
Le concept développé par l’association est de travailler sur l’écrit et sur la bureautique - donc
sur des savoirs, savoir-faire, et compétences professionnelles contemporaines, pour essayer
d’apporter une « employabilité » au public concerné (dans le but de permettre aux gens de
retrouver un emploi plus facilement). Comme le précise M. Saunier, « dans la société actuelle dite
d’information, il est clair que de ne pas maîtriser la bureautique, internet, et avoir un écrit juste
passable, compliquent la recherche d’emploi... »
Le produit /concept développé est donc de « faire faire » un site internet par les gens, en ne
ciblant pas le volet technique, mais plutôt en privilégiant le volet « écrit » et le volet
« appropriation des nouvelles technologies ».
En 2006, quatre chantiers insertion développés et un chantier école :
- Touareg 2 : Ecrit Bureautique Internet
- Plie@net : Ecrit Bureautique Internet
- Diniae : Assistance Informatique à Domicile (veille technologique)
- Cegemad : Réalisation du site de la maison de la justice et du droit de Gennevilliers.
L’intervenant s’attarde alors sur la présentation de ce Chantier école Cegemad :
Le projet a été mené avec des jeunes de la ville de Gennevilliers, dans un quartier très sensible,
sur un thème encore plus sensible : la maison de la justice et du droit. L’action a commencé 15
jours après les émeutes de fin 2005... « Le projet fut très enrichissant mais tendu en ce qui
concerne la médiation envers la justice, le volet non répressif et l’accès aux droits ».
La ville a commandé la réalisation du site de la ville (après un lourd travail de montage de
partenariat avec l’Etat et le Ministère de la Justice).
Deux buts étaient recherchés :
- Apporter des compétences professionnelles contemporaines
- Et créer une médiation sur l’accès aux droits (la spécificité du projet).
Le contexte est particulier : la maison de la justice et du droit (structure déconcentrée) se trouve
en plein milieu de la citée la plus sensible de Gennevilliers. Une greffière s’y trouve, seule, et
assure une permanence, notamment pour les jeunes. Elle assure aussi bien des missions d’assistance
sociale, que de médiation sociale, que d’accès aux droits, etc. De temps à autre, des activités
s’organisent dans ce lieu (la SNCF ou la RATP viennent informer les jeunes (fraudeurs) ; la
protection de la jeunesse, ...)
Le travail sur le contenu du site, mené avec les jeunes, fut donc particulièrement intéressant. Il
s’agissait de montrer aux jeunes que la Justice ne se limitait pas à l’aspect répression / police.
Il s’agissait de découvrir d’autres aspects de la Justice, tels que la protection des mineurs, la
prévention, trouver un avocat, etc.
Le dispositif était un « chantier-école », dont voici le fonctionnement : il s’agit d’une commande
près d’un tiers (ici la Mairie de Gennevilliers), et dans le cahier des charges figure forcément une
réalisation collective. Les jeunes devaient donc apprendre à travailler ensemble (pas forcément
évident du fait de leurs provenances différentes).
Le financement pour ce projet provenait à 100% de la Région Ile-de-France. Mais dans le cadre
d’autres chantiers-écoles, il est possible d’aller chercher des financements annexes (auprès du PLIE
(Plan local d’insertion par l’économie), du FSE (fond social européen), de fondations, etc).
Il est intéressant de préciser que les jeunes étaient rémunérés au titre de bénéficiaires de la
formation professionnelle. « Ils percevaient cette démarche comme un travail, une démarche
active, valorisante, pour lequel ils étaient rémunérés ». La démarche se situait bien dans le cadre
d’éducation populaire.
Les jeunes furent orientés par les missions locales et les clubs de prévention.
« On parle beaucoup des réseaux techniques et technologiques, ils fonctionnent bien et sont
pertinents. Pour autant, il ne faut pas oublier les réseaux humains : sur ce genre de projet, nous
relions des ordinateurs entre eux, mais nous relions aussi des hommes entre eux ».
Sur ce type de projet, le réseau humain est lourd et chronophage, mais très important.
Importance des réseaux dans ce type de projet :
- Les prescripteurs (missions locales, etc)
- Les élus
- Les partenaires commanditaires
- Inscription des jeunes dans un parcours
- Inscription de l’action sur un territoire.
La formation doit impérativement correspondre à des besoins et à des envies chez ces jeunes. Après
la formation, il convient d’assurer un suivi, et de ne pas les laisser seuls...
Les partenaires du chantier-école Cegemad :
- La Ville de Gennevilliers : le Maire et l’adjoint au Maire de la Prévention sécurité
- La Mission Locale : directeur et conseillers
- Deux clubs de prévention : Encadrement et éducateurs spécialisés
- Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre
- Le Procureur de la République
- Le Greffier de la Maison de la Justice et du Droit
- Les intervenants de la Maison de la Justice et du Droit
- Les acteurs de Réseau 2000
Ainsi, de nombreux acteurs à réunir en Comité de pilotage, à sensibiliser, et à réunir sur un projet.
M. Saunier détaille ensuite les objectifs de sortie du dispositif : emploi ou formation qualifiante :
métiers de l’accueil, métiers de la PAO, métiers du secrétariat, métiers de la maintenance
informatique.
En formation, les jeunes ont fait essentiellement de la bureautique ; de l’apprentissage de
techniques flash, html ; un travail sur le comportemental (comment se présenter à un entretien,
qu’est-ce qu’on est, qu’est-ce qu’on envoie comme message, comment être fier de soi, etc) ; et un
travail sur l’écrit.
La formation de ces jeunes a été validée par le P.C.I.E - Passeport de Compétences
Informatiques Européen. Il s’agit d’une validation des compétences. Le P.C.I.E certifie à
l’employeur un bon niveau de pratique du Traitement de texte (Word ou OpenOffice) ; du Tableur ;
des présentations (type powerpoint) ; et l’usage d’Internet et de la messagerie électronique.
La pédagogie adoptée suit les pré-requis de l’Education Populaire :
- Pédagogie personnalisée suivant les acquis
- Basée sur la pratique
- Apprentissage des concepts et du vocabulaire
- Tests PCIE utilisés comme outils pédagogiques.
M. Saunier montre alors le site réalisé au public présent (NB Anis : il sera en ligne dans plusieurs
mois, dès validation officielle des partenaires). Les jeunes ont réalisé l’intégralité du site (contenu
et technique). Le site contient du flash, le site est réalisé sur du html de base (pas trop complexe -
pour que les jeunes puissent programmer eux-mêmes).
En terme de contenus, les jeunes ont notamment rédigé les parties qui expliquent en quoi consiste
une Maison de la Justice et du Droit, et une Foire aux questions (ils répondent eux-mêmes, sur des
questions que l’on peut se poser au quotidien). Exemple : « Je suis mineur, est-ce qu’un avocat
peut répondre à mes questions ? » - Exemple : « J’ai 13 ans, au collège, mes camarades m’agressent
pour que je fasse leurs devoirs, comment réagir ? »
Les jeunes ont travaillé sur ces questions pour essayer de trouver les réponses dans le système de la
Maison de la Justice et du Droit.
Par la réalisation de ce site, la médiation s’est réalisée sur cet équipement.
Question de l’animateur : « Aujourd’hui, où en sont les jeunes qui ont participé au projet ?
Comment ont-ils poursuivi l’envie de travailler sur l’informatique ? »
M. Saunier : « Le chantier-école s’est achevé en mai 2006 (récent). Une « médiatisation »
importante a été réalisée sur le terrain. La Mairie est très fière du travail accompli. Mais ce n’est
pas tout... Maintenant il convient qu’elle aille plus loin, qu’elle travaille sur des parcours adaptés en
formation, qu’elle les aide à trouver un emploi. Le projet est utilisé comme levier.
Sur les 12 jeunes, il y a eu 2 abandons - Sur les 10 jeunes qui ont terminé la formation, la moitié
va retourner à l’école en septembre. Ce qui est plutôt positif... »
Question de M. Briand - @Brest : « Tout à l’heure vous parliez de l’importance des réseaux de
personnes. Je sais que le Centre social de Belleville travaille sur les outils de mises en réseaux et
du web 2.0, est-ce que vous avez regardé un peu l’appropriation de ces outils là ? »
M. Saunier : « Oui, ça fait longtemps que nous travaillons autour de ces outils - avant même le
Centre social de Belleville - Mais je n’ai pas encore trouvé la solution pour faire adhérer de façon
pérenne et sans renfort de la puissance publique des citoyens à des outils de publication... Pour
moi Spip reste un outil trop compliqué, les wikis restent pour moi trop complexes.
Je trouve que trop souvent l’outil technologique est privilégié. Or ça ne marche pas
spontanément. Il y a une vraie ingénierie sociale à mettre en oeuvre pour utiliser une ingénierie
technique. On est dans un système qui marche un peu à l’envers : quand Spip est arrivé il y a 6 ans,
tout le monde était très enthousiaste, on espérait un grand développement de la communication
(comme pour le wifi), de nouveaux usages, etc. Or d’après moi, pour le moment, ce
bouleversement n’a pas (encore) eu lieu... Ce n’est pas la technique qui amène l’usage... Ce
champ d’investigation est très intéressant, mais pour l’instant il ne fonctionne pas comme je le
souhaiterais... »
Réaction du public - Mme Myriam Fatzaun - Directrice de SOFFT Informatique (un service
d’orientation professionnelle et de formation pour femmes) : « En Belgique, nous avons des
subsides pour encourager les femmes à se diriger vers les métiers techniques de l’informatique.
Notre offre de formation est essentiellement dirigée vers les femmes. Dans vos projets, comment
cela se passe-t-il ? Ce critère est-il pris en compte ? Y a t-il des groupes mixtes ? »
M. Béranger : « Dans notre Espace Public Numérique, les usagers sont majoritairement des
femmes. Les seniors sont nombreux également - dans ce groupe la répartition est plus égale ».
M. Saunier : « Nous essayons de travailler sur la parité - mais on y arrive une fois sur deux. Sur le
projet Cegemad, il y avait 2 filles dans le groupe de 12, elles sont allées jusqu’au bout.
Mais cette problématique est complexe : quand on travaille avec des publics en difficultés, les
femmes sont beaucoup plus fragiles et sensibles que les garçons, ce qui veut dire qu’en terme de
formations, elles ont des difficultés. Par exemple, dans le cadre du projet Cegemad, il y avait une
jeune femme de 17 ans - jeune maman - et elle avait des difficultés à s’organiser pour suivre la
formation. Encore une fois, pour monter ce type de projets, il est essentiel de s’appuyer sur un
réseau de partenariat important, pour trouver des aides, des renforts (des gardes pour les
enfants, des assistantes sociales, des foyers d’hébergement, etc). Nous travaillons sur la parité dans
la mesure du possible, en fonction du contexte et de nos partenaires. »
Réaction du public - M. Joseph Losfeld - Conseiller scientifique au C2RP : « L’activité de formation
professionnelle en insertion est importante ou marginale pour Réseau 2000 ? Il s’agit d’une activité
à la marge de vos activités, ou est-ce que cela devient votre activité principale ? »
M. Saunier : « C’était à la marge et cela devient l’activité principale «
M. Joseph Losfeld - Conseiller scientifique au C2RP : « Et bien vous m’intéressez ! Je suis un
universitaire, à la retraite, qui après avoir beaucoup travaillé en formation continue dans les
34
années 80 (notamment avec le CUEP, sur le nanoréseau, « l’informatique pour tous » (Fabius,
1984), les logiciels de lutte contre l’illettrisme, etc), se consacre depuis 1 an à la réflexion sur la
promotion de l’innovation - pour l’Etat et la Région - en formation continue. Dans 10 jours, nous
avons justement une journée de réflexion sur un produit régional, le Timp@ss (initiation à
l’informatique grand public - 15 000 passeports Timp@ss réalisés en 2 ans - pour des publics qui
vont de l’insertion aux seniors - des hommes et des femmes). Dans ce cadre, nous recherchons des
expériences menées à l’extérieur (sur la formation ouverte et à distance, les TIC comme outils de
réinsertion, ...) »