Roumics Education populaire et TIC : présentation de la démarche "@-brest"

Intervention de Michel Briand

« La démarche d’écrit public et son évolution vers les cultures numériques »

M. Briand intervient dans le cadre de cette ROUMICS pour rendre compte de la démarche brestoise
en terme de TIC, démarche qui rejoint sur les valeurs celle de la Maison de la Formation, présentée
précédemment par M. Houdremont.


La particularité de la démarche brestoise repose sur le fait qu’il s’agit d’une dynamique portée
par la ville, par un élu. Un service s’est constitué petit à petit, avec une délégation dédiée aux
nouvelles technologies, la citoyenneté et la démocratie locale.

Les projets de la ville de Brest sont fortement axés sur l’appropriation sociale des nouvelles
technologies. Le champ de la démocratie locale demeure un champ encore quelque peu difficile...
« S’il a fallu dix ans pour avancer sur l’appropriation des TIC, il faudra probablement 20 ou 30
ans pour avancer sur des démarches participatives à l’échelle des grandes collectivités
locales ». La démocratie participative suscite du débat, et demande un temps long d’appropriation
du modèle, de prise de conscience par les élus (« il faut du temps pour les élus prennent conscience
que discuter avec les gens n’est pas si difficile ou si dangereux que ça... »). La ville de Brest a donc
privilégié le développement des Nouvelles Technologies, champ qui soulève moins d’enjeux
politiques.

La ville de Brest s’est attachée à travailler le plus possible en transparence et en coproduction.
Toutes les actions entreprises sont publiées dans le magazine @-brest.net, publié sous forme
d’une lettre hebdomadaire (le lundi) pour laquelle il y a environ un millier d’abonnés. Cette lettre
rend compte des actions menées à Brest mais également de projets dans d’autres villes de France
ou pays (« les actions menées à Grigny, dans le Nord avec les ROUMICS par exemple, ou au
Québec »).

Pour les responsables du projet, il est important de donner à voir ce que font les gens dans la
ville et d’essayer de susciter la parole, l’écrit des uns et des autres.

L’origine de la démarche adoptée est la question de « l’accès public accompagné ». La ville a
ensuite travaillé sur un appel à projets (sur la base de l’appel à projet de la Fondation de France).
Puis la ville a ouvert un champ autour de l’écrit public (« qui fonctionne bien localement, mais
généralement pas ailleurs... »). Ensuite, la ville a travaillé sur la co-production de contenus (dont
le CD bureau libre (proposé à l’entrée de la Roumics) est un exemple d’une réalisation de coproduction).
D’autres co-productions se mettent actuellement en place (M. Briand y reviendra
plus tard).

A l’heure actuelle, la dynamique est davantage axée sur la volonté d’utiliser les outils de
l’Internet et du Multimédia pour créer du lien social (en visant la reconquête de l’estime de soi,
la reconnaissance et la valorisation des personnes).

L’approche initiale a donc évolué, en
dépassant les « simples » volontés de rechercher l’équité et de combattre les fractures dites
numériques. Les réflexions et actions actuelles portent sur la manière dont ces outils peuvent
créer du lien dans la société, revaloriser les personnes, pour que chacun puisse avoir sa place
dans la ville.


Sur la problématique générale d’accès public
, la ville de Brest a choisi de ne pas développer de
grandes cyberbases, à la mode de la Caisse des dépôts, car ces structures coûtent très cher. A la
place, la ville a cherché à ce que tous les lieux accueillant du public soient des Points d’Accès
Publics à l’Internet (« les PAPI »). « Au début, nous pouvions dénombrer une dizaine / une
vingtaine de lieux de ce type. Aujourd’hui, il y en a 77 pour une ville de 150 000 habitants (soit 1
pour 2000) ».

Le processus est en constante évolution : chaque année, 7 ou 8 PAPI s’ouvrent. Les
PAPI peuvent être de natures très diverses : mairie de quartier, bibliothèque de quartier,
association d’insertion, foyer de jeunes travailleurs, maison de retraite, association d’handicapés,
etc. Les lieux faisant partie du réseau des PAPI profitent de l’accompagnement de la ville, qui les
équipe en matériel, et les associe à la formation des animateurs.

Ainsi, comme à Grigny, à chaque fois qu’un nouveau projet s’enclenche, il est possible de
s’appuyer sur un réseau constitué - il y a potentiellement une centaine de personnes qui peuvent
s’impliquer dans le projet...

Le deuxième volet développé par la ville est celui de l’appel à projet

Chaque année, la ville de
Brest propose aux personnes qui le souhaitent de petits budgets (2000 €) pour financer leurs
actions. Une trentaine de projets par an bénéficient de ce soutien. Sur 5/6 ans, près de 200 projets
sont amenés à émerger. M. Briand précise que sur les 200 projets, la moitié est sûrement morte...
mais les projets qui vivent sont intéressants, pour un poids raisonnable sur le budget municipal. Une
dynamique constructive est enclenchée, une démarche d’engagement des populations est née.

« Grâce à ce soutien, les gens se sont impliqués ».
Cette dynamique d’appel à projet est extrêmement importante. Malheureusement elle est
encore peu courante dans les collectivités locales... (NB : citée à Lille en introduction).

« Pour avancer davantage dans les démarches participatives, il est fondamental que les
collectivités locales (villes, départements, ou régions) s’impliquent davantage et ouvrent un
espace pour accompagner ces acteurs / projets ». Le message fondamental : « Vous avez des
idées, vous avez des projets, on va vous aider ».
A titre d’exemple, M. Briand évoque la photothèque « Un Zef d’images » portée par une association qui travaille autour du logiciel
libre. Il s’agit d’une photothèque coopérative où les photographes déposent leurs photos.
En un an cette photothèque a reçu 500 photos, publiées sous licence creative commons c’est à dire que les photos sont réutilisables par d’autres sous
certaines conditions. Ce qui a ouvert un débat sur les questions de droit et de propriété, avec des
photographes amateurs et professionnels. Aujourd’hui la photothèque propose plus de 500 photos
de qualité du Pays de Brest qui peuvent être réutilisées par des associations et des acteurs locaux,
pour voir différents paysages.

La ville de Brest imagine actuellement un projet qui s’intitulera « les wiki balades » qui aura pour
objectif de décrire des balades dans une commune, sur un bord de mer... Il sera possible de
construire la balade, avec des photos annotées, commentées ou associées à du son (du mp3).
L’occasion de construire des balades, modifier les balades d’autres personnes et découvrir ensemble
le Pays de manière originale. « Sur le Pays, de nombreuses personnes connaissent l’Histoire, le
patrimoine, et souhaiteraient partager leurs connaissances ».

M. Briand cite un autre projet ayant bien fonctionné : des enfants d’un dispositif relais
(turbulents au collège, placés dans des institutions spécialisées - hors institutions classiques) ont
enseigné à des personnes très âgées en maison de retraite à naviguer sur Internet. Ces enfants
turbulents et agités, stigmatisés négativement auparavant, ont modifié leurs comportements. A
travers ce projet, ils ont été valorisés. Leurs connaissances étaient reconnues, utiles, appréciées et
partagées. La deuxième année, ils ont créé un site Internet pour la maison de retraite. Et pour
cette troisième année, le même groupe de jeunes a déposé un nouveau projet : ils souhaitent faire
de la collecte de mémoire. Ils vont proposer aux personnes âgées de raconter des tranches de vie,
leur vécu. Ainsi, des personnes en situation d’échec ou de difficultés, peuvent retrouver une
certaine fierté, produire de la connaissance, grâce à des outils multimédias...

M. Briand relate une autre expérience, menée avec un groupe d’enfants d’un collège en ZEP. Ce
groupe a visité un blocus de la seconde guerre mondiale, situé sous le collège. Les enfants ont
ensuite raconté cette expérience via Wikipédia ou Wikibrest : une occasion pour eux de
produire de l’information, dans une encyclopédie sur le Web. Il s’agit d’une expérience chargée
de symbolique, participer à la création / rédaction d’une encyclopédie libre et gratuite telle que
Wikipédia représente une action constructive très positive pour ces jeunes. Une sorte de
« renversement des rapports au savoir ». Comme l’explique M. Briand, cela coïncide avec l’étape
actuelle : « on n’est plus sur l’accès à l’information, mais sur la production d’information. Ce
qui est très différent. Il ne s’agit pas de démocratiser l’accès à l’information, sa consultation, sa
consommation ; mais plutôt de dire « vous aussi vous pouvez produire de l’information ». Ce qui
est une façon de redécouvrir le goût d’apprendre, le goût du savoir ». Les relations professeurs /
élèves évoluent également.

A titre d’exemple, M. Briand expose le projet annuel des webtrotteurs des lycées, avec 200
jeunes lycéens, de 3 lycées d’une cité de Brest (dont 2 lycées professionnels).
Dans le cadre de ce projet, les jeunes sont amenés à aller au festival du film court de Brest, assister
à des entretiens scientifiques sur la mer et l’océan, etc. Ils interviewent des professionnels (des
cinéastes, des scientifiques), rédigent des articles et deviennent ainsi « producteurs
d’information ». Cette année par exemple, les responsables du projet vont leur proposer
d’interviewer des savants, des spécialistes mondiaux des sciences de la mer, puis d’écrire des
articles dans Wikipédia (« on trouvera toujours des mots clefs qui sont ceux des scientifiques et qui
ne sont pas tout à fait complets... »).

Ainsi, cette expérience a un double effet : des jeunes de 17 / 18 ans écrivent sur une
encyclopédie ; et amènent des scientifiques à découvrir l’outil (ceux qui ne connaissaient pas
encore cette encyclopédie libre et gratuite auront peut-être envie d’y contribuer »).
Grâce à ces différents exemples, on comprend mieux les démarches entreprises sur Brest autour des
TIC. Les TIC peuvent constituer un moyen pour créer du lien entre les générations, pour créer
du lien entre les personnes en formation et les personnes « formées ».

M. Briand poursuit son intervention en présentant le CD d’outils de bureau en logiciels libres.

Il y a quelques mois, les responsables du projet ont considéré que les outils de traitement de texte
et de navigation du libre étaient suffisamment mûrs pour être mis à disposition des personnes,
« en remplacement des outils propriétaires et forts chers d’une multinationale américaine très
connue » (note Anis : Microsoft).

Le projet a été lancé au mois de novembre 2004. Quelques mois
plus tard (en mars 2005), après 3 réunions, le CD était prêt ! Une association a fait l’interface, une
autre association a fait l’installateur, le groupe de travail a discuté collectivement des logiciels qui
seraient ou pas sur le CD. Le petit CD tiré à 3 000 exemplaires pour les besoins de Brest a ensuite
été repris par la région Auvergne et par différentes universités. En mars 2006, le CD était paru à
130 000 exemplaires. Au mois de juin 2006, la ville de Brest a prévu de sortir une version 2 -
dont le premier tirage se fera à 70 000 exemplaires. Celui-ci sera distribué à tous les étudiants
des quatre universités de Bretagne (seule l’université de Nantes ne participe pas à ce projet pour
l’instant). La démarche a une envergure importante : ce CD sera distribué à chaque nouvel
étudiant - il devient donc majoritaire pour une région au niveau de l’enseignement. M. Briand
espère que prochainement, la Région Nord-Pas de Calais le distribuera massivement...

Il convient de rappeler l’importance de la démarche : l’entreprise Microsoft est majoritairement
composée de responsables marketing et de juristes. Ceux-ci sont plus nombreux que les
ingénieurs. Ainsi, lorsque l’on achète un logiciel propriétaire, on ne finance pas de production...
Au contraire, lorsque l’on utilise un logiciel libre, on peut réinvestir cet argent dans des sociétés
locales, accompagner des acteurs de proximité (associations, sociétés de services, etc). Et donc
créer de l’emploi localement.

Prochainement, la ville de Brest va se lancer dans un nouveau projet intitulé « Wiki-brest » (qui
fera l’objet d’une présentation plus complète lors de l’atelier Wikis de l’après-midi).

M. Briand explicite que le wiki est un outil simple qui permet d’écrire sur internet, sans rien
connaître du html et des langages. Ainsi, de nombreux acteurs se sont appropriés cet outil qui
fonctionne bien.

Cet outil fait écho aux évolutions marquantes de ces quatre dernières années, notamment les
systèmes dynamiques (comme Spip par exemple, utilisé dans le cadre des ROUMICS, à Brest, etc).

A titre d’exemple, M. Briand montre au public le site @-brest.net : 2 000 visites par jour, 20
articles publiés en moyenne par semaine, et les personnes du service publient des articles au
fur et à mesure (par exemple, les compte-rendus de réunions sont mis en ligne sur le site au fur et
à mesure - ces missions sont indiquées dans les fiches de poste). Les compte-rendus des conseils
de quartiers sont également en ligne. Les animateurs des conseils de quartiers ont pour mission de
mettre ces documents en ligne, et les habitants ont été formés pour écrire en ligne.

M. Briand souligne malgré tout que le système fonctionne à Brest dans trois services un peu
coopératifs, mais qu’il ne fonctionne pas dans les autres services à Brest, ni dans d’autres villes
de France. Il y a très peu de villes en France qui proposent des sites internet sur lesquels les gens
peuvent écrire en direct. Il semble y avoir une « peur » très subjective encore des élus d’ouvrir
un site dans lequel les gens puissent écrire. Mais comme le précise l’intervenant, « il n’y a pas de
raison d’avoir peur... Nous avons publié 3 000 articles sur le site @-brest.net, plusieurs milliers sur
le site www.participation-brest.net, et seulement 2 ou 3 articles ont été refusés en 2/3 ans. La
proportion est infime ».

Pour le moment, M. Briand a quelque peu renoncé à travailler sur ce thème, car il existe encore de
nombreuses réticences de la part des élus à ouvrir des sites de publication et à donner la parole
aux habitants... Cette démarche est pourtant essentielle. Par exemple, dans la ville de Brest, dès
qu’une action est subventionnée par la collectivité, elle est publiée. La règle est établie ainsi.

Quand une structure dépose une demande de subvention auprès de la ville, celle-ci demande
d’abord à ce que les actions précédentes soient rendues publiques sur le(s) site(s) de
publication (avez-vous rendu compte de vos actions ? avez-vous expliqué vos réalisations ? la
manière dont vous avez procédé ? etc). L’objectif est de rendre visible chaque action, pour que
ces éléments puissent resservir à d’autres structures, à l’échelle des autres quartiers, ou du
territoire national. Il convient de donner à voir ce que chaque structure fait, chaque action a de
la valeur, et doit être écrite (« par exemple si des personnes souhaitent mettre en place des
jardins populaires ou des jardins de quartiers sur la Région Nord-Pas de Calais, je peux leur dire
aller voir sur le site www.participation-brest.net ce que font des acteurs similaires sur la ville de
Brest - et inversement »).

Le projet intitulé « Wiki-brest » suit la même logique : créer une encyclopédie, où chacun peut
écrire, proposer ses articles. En fonction de la nature de l’information, l’article peut être publié
sur Wikipédia ou sur Wikibrest. Le site a été ouvert au mois de mars 2006, il compte à l’heure
actuelle environ 200 / 300 articles. Des clubs wikibrest se constituent, notamment autour des
conseils de quartiers, des associations de mémoire, d’histoire locale. Le pari est le suivant : que
chaque habitant des 89 communes du Pays de Brest puisse écrire, proposer des wiki balades en
ligne, etc. La volonté des responsables du projet est de donner la parole à chaque habitant du
territoire (car tout le monde peut être producteur d’informations) et de créer ce patrimoine
collectif sur Brest.

Pour chaque projet collaboratif monté, un wiki est ouvert, avec un lien visible en bas de la page
d’accueil du site @-brest.net - Exemples : le CD Bureau libre, un projet de coopération avec les
collèges, la liste des sites francophones sous creative commons, la rencontre écrit public, le forum
des usages coopératifs, la fête de l’internet, le projet internet de quartier, la médiathèque en
ligne, etc. Lorsqu’un projet se monte, l’outil wiki est utilisé au cours des réunions (« en début de
réunion, on ouvre le wiki, les gens voient où en est le projet, et au fur et à mesure des débats, la
secrétaire écrit le projet - sans connaissances techniques particulières »). Ces techniques se
propagent dans la ville.

Question de l’animateur : « Qui se charge de la modération ? »

M. Briand : Le site @-brest.net dénombre 150 / 200 rédacteurs inscrits, et environ 30
administrateurs. Potentiellement, 30 personnes peuvent donc assurer cette modération. En fait, le
premier qui prend connaissance d’un article le publie, car il n’y a pas de modération au sens
« contrôle ». Un article pour 1 000 a dû être refusé... »

Question de l’animateur : « Trop d’informations tue l’information ? »
M. Briand : « Absolument pas ! Ce discours est tenu par les gens qui ont accès à l’information, qui
ont une dimension privilégiée par rapport à l’information : un maire d’une ville peut dire cela car
lorsqu’il écrit, il sait qu’il va être lu ; lorsqu’il souhaite passer à la télévision, il sait qu’il va passer
à la télévision... Leurs audiences locales, régionales ou nationales sont fortes. Mais avec des outils
comme wiki ou spip, tous les rédacteurs ont la même position (maires ou habitants). »

M. Briand aborde alors la grande révolution des réseaux sociaux en cours. La première étape de
cette révolution fut celle des outils collaboratifs comme spip, les wikis, etc. La nouvelle étape en
cours est celle du « web 2.0 » : de nombreux outils de relations de personnes à personnes, de
réseaux sociaux, se développent (cf le thème du Forum des usages de Brest - juillet 2006, organisé
par la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération)).

M. Briand souligne d’ailleurs l’importance du travail en collaboration, avec des acteurs
extérieurs. Brest travaille notamment avec le laboratoire des usages Marsouins (NB ANIS : Un
laboratoire scientifique travaillant sur l’analyse des usages des technologies de l’information -
www.marsouin.org) ; et sur les notions d’observations participantes / les liaisons entre les
chercheurs et les acteurs).

Question de l’animateur - adressée à M. Houdremont : « Comment la Maison de la Formation de
Grigny perçoit le travail mené à Brest ? »

M. Houdremont : « Je l’ai précisé lors de mon intervention, les actions menées à Brest furent
repérées très rapidement, comme des expériences exemplaires, riches, dont nous nous sommes
inspirées... Et nous allons d’ailleurs participer au Forum des usages organisé prochainement.

Partager des expériences, être intégré dans une dynamique, dans un réseau, est
particulièrement intéressant. Nous sommes dans une phase où il y a tellement de projets TIC qui
se développent, qu’il devient nécessaire de se regrouper, de se fédérer, d’échanger, de
partager le savoir-faire (par exemple sur les projets de recueil de mémoire) ».

Réaction du public

M. Emmanuel Saunier - Réseau 2000 (Paris) : « Je suis depuis très longtemps les
actions menées à Brest, que je trouve fascinantes. Une question : Comment menez-vous
l’évaluation (quantitative / qualitative) des dispositifs mis en place depuis longtemps (notamment
les PAPI) ? - Et comment à terme peut-on évaluer toute l’interaction qui peut se créer entre le
public et la collectivité, ou entre le public et les initiateurs des projets ? »

M. Briand : « C’est justement l’objectif du travail mené avec le laboratoire des usages Marsouins
par exemple. Dans le cadre de l’appel à projets sur les usages, plusieurs évaluations ont également
été menées : une sur l’écrit public, deux sur les PAPI, etc.

Ces évaluations ont un rôle essentiel et permettent d’adapter les projets, d’apprendre.
Par exemple, dans le cadre des actions autour de l’écrit public, la ville de Brest a tenté de mettre
en oeuvre une « place publique locale » (avec www.place-publique.fr) mais cela n’a pas du tout
fonctionné - « les gens n’ont pas trouvé l’intérêt d’avoir un lieu d’écriture global sur la ville ; ils
préfèrent des lieux d’écritures précis et thématiques, autour des journaux de quartiers par
exemple ».

En ce qui concerne les PAPI, les évaluations ont permis de comprendre que la ville est désormais
davantage axée sur une dimension d’accompagnement des acteurs sur le lien social. Exemple :
le projet « Internet de quartier » : un lieu d’accès public est placé au sein d’un immeuble HLM, sur
une cité de 1500 habitants, et 13 projets émergent, issus du quartier, portés par les habitants.
« On s’aperçoit que l’outil internet est un excellent outil de médiation sociale, de reconquête de
l’estime de soi, par des publics en difficultés. »
M. Briand rebondit également sur les propos tenus par M. Houdremont, de la Maison de la Formation
de Grigny : « Dans les actions d’accès public ou d’accompagnement de projets, un aspect
fondamental est l’attention aux personnes ».

L’intervenant livre également une conclusion des travaux menés avec l’association Tela Botanica et
Jean-Michel Cornu de la FING sur les réseaux de l’intelligence collective : « il faut apprendre à être
fainéant - il ne faut pas faire à la place des gens - il faut leur donner la possibilité de faire ». Dans
le cadre du projet encyclopédie Wikibrest, la ville n’intervient quasiment pas ; dans le cadre du
projet Bureau libre, la ville joue seulement le rôle d’organisateur / d’accompagnateur.

« Il faut également apprendre à copier - à recopier » (M. Briand l’enseigne à ses élèves dans une
école d’enseignement supérieur). Dans le cadre du projet Bureau libre, on a même distribué des
pochettes de CD vides, pour encourager les gens à le copier. Copier c’est bien ! Si les personnes
qui ont réalisé un projet / une action / un outil sont d’accord pour le mettre en partage, la copie
est un acte pertinent, qui permet de gagner du temps, d’avancer mieux et plus vite. »

Pour illustrer ses propos, M. Briand expose alors brièvement un projet de réseau national sur les
collectes de mémoires, qui sera lancé lors du Forum des usages de Brest : « On s’aperçoit que
partout, en France, en Belgique, au Québec, il y a plein d’initiatives autour de la mémoire et du
multimédia. Dans un projet comme celui-ci, la première étape est de créer une liste de diffusion,
d’ouvrir un wiki, chacun va raconter ce qu’il fait et on va apprendre les uns des autres. »

Dans ce type de démarche, un point fondamental : les approches coopératives, c’est à dire faire
attention aux personnes, accompagner les projets, donner la parole aux gens, et surtout
réinventer en s’appropriant ce que font les autres, copier ce que font les autres, autant de
démarches que l’on apprend pas à l’école... Mais la coopération est essentielle ! Et le rôle de l’élu
est de favoriser la coopération. »

Réaction du public - Mlle Sarah Bennaceur- Chargée de la démocratie participative et de la
citoyenneté - Mairie de Roubaix : « Dès qu’une action est subventionnée par la ville, vous indiquez
qu’elle est publiée sur le site internet - Cette démarche participe de la mutualisation des
expériences et des initiatives menées, c’est très intéressant. Mais comment cela se passe-t-il ? Vous
imposez aux acteurs de publier leurs initiatives, leurs bilans ? »

M. Briand : « Tout à fait. Généralement, dans de nombreuses villes de France, lorsqu’une
association sollicite une subvention auprès d’une Mairie, elle doit au préalable fournir un dossier
assez lourd, avec tout en ensemble de documents administratifs, etc. A Brest, les associations ne
doivent fournir qu’une simple page descriptive. Par contre, elles doivent ensuite prendre le
temps de fournir des descriptifs de leurs actions, raconter leur projet, sa mise en oeuvre, etc ».

Néanmoins, M. Briand tient à rappeler que cette démarche ne concerne que sa délégation (elle
n’est pas appliquée dans les autres délégations...).
A titre d’exemple, l’intervenant raconte qu’un appel à projets a été lancé sur les lycées et collèges.
M. Briand a cherché à convaincre les responsables d’appliquer cette méthode ; mais par crainte de
« copies d’idées », les proviseurs ont refusé... « Dans l’Education Nationale et le Service public,
si on dit ce qu’on fait et que les services d’à côté recopient, ce n’est pas bien... Alors
évidemment si on reste sur des logiques comme celles-ci, où ce qui m’appartient m’appartient et
n’appartient pas aux autres, on avance pas... »
« Il convient de travailler sur les mentalités et les méthodes de travail, pour convaincre que
chaque action relève du bien commun et qu’il est nécessaire d’élargir ce bien commun... »


Question de l’animateur : « Quelles sont justement les relations avec l’Education Nationale ?
Comment se positionnent les différents projets d’Education Populaire, de coopération, de
collaboration ? »

M. Briand : « L’Education Nationale nous laisse faire car les projets fonctionnent. Le projet
« Webtrotteurs des lycées » se déroule durant les heures de cours par exemple. Mais il ne
concerne que 15 professeurs sur 2 000 à Brest... Le réseau des écoles brestoises est hébergé par un
hébergeur associatif local (Infini) - ce qui permet à toutes les écoles brestoises de se voir entre elles
(en grande proximité) ».

Réaction du public - M. Frédéric Gautier - En charge de l’informatique dans une communauté de
communes dans la Pévèle : « Nous avons distribué les Cdrom Bureau Libre et ça a très bien marché.
20
Je fais également partie de l’association CLX (le Club Linux NPDC). Ma question est la suivante :
d’où viennent les animateurs de vos points cyber ? Est-ce que ce sont les structures qui apportent
leurs animateurs ? Ou la ville qui met à disposition un certain nombre d’animateurs ? »

M. Briand : « Soyons clairs : Brest n’est pas une ville riche. Créer l’équipe fut difficile (au départ,
il n’y avait personne dans le service, aujourd’hui nous sommes 7 personnes (un emploi créé par an

  • pas davantage)). Des emplois ont été créés autour des médiathèques, des bibliothèques de
    quartiers pour l’accès public ; mais ailleurs les TIC sont le plus souvent intégrés dans le travail
    ordinaire. Par exemple, dans un foyer de jeunes travailleurs, le multimédia peut être l’une des
    animations avec des personnes âgées. Dans une association d’insertion, le multimédia peut être
    un outil au service de l’insertion. La richesse du système des PAPI se trouve ici : les TIC sont
    intégrés dans les pratiques ordinaires des lieux de services publics existants.

Au total, une quinzaine d’emplois a dû être créée (principalement dans les bibliothèques et dans
quelques lieux associatifs) mais globalement, sur les 77 PAPI, le multimédia est plutôt devenu une
activité réalisée au sein des lieux de services publics ordinaires ».
Question de l’animateur : « Pourriez-vous nous citer quelques exemples de réalisations concrètes,
en lien avec les actions TIC menées à Brest (en terme de fréquentation d’une association, d’un
site, d’un lieu, de passerelles créées, de collaboration, d’initiatives multipliées, etc) ?
M. Briand : « Aujourd’hui, il est intéressant de constater le mélange des médias : des journaux de
quartiers par exemple commencent à faire des sites ou des « portails » de quartiers.
En outre, on remarque que les TIC se diffusent de plus en plus dans la ville, pour des usages
divers (ex : l’outil multimédia est utilisé pour apprendre le permis de conduire à des personnes
illettrées, ou pour mener des animations avec des personnes âgées, etc).

Un autre point essentiel à souligner : chaque année, 7 ou 8 nouveaux PAPI naissent.
« Et lorsqu’on lance de nouveaux projets, comme Wikibrest ; ça fonctionne... »
Un autre exemple : une médiathèque en logiciels libres, à destination des webtrotteurs, a été
développée avec un financement du Conseil Régional - ainsi toutes les vidéos réalisées par les
jeunes de quartiers ou de lycées vont être visibles sur un seul et même lieu. Et cette médiathèque
étant en libre, si d’autres groupes de webtrotteurs ou autres sont intéressés, ils peuvent exploiter
l’outil.

M. Briand cite une dernière action en phase de lancement : le projet « sans fil citoyen ».
Ce projet consiste à proposer aux gens d’ouvrir les mots de passe des réseaux sans fil (« la
plupart des réseaux wifi sont aujourd’hui protégés par des mots de passe - ce qui ne sert à rien - si
une personne veut cracker le réseau, elle peut généralement le faire... »). Le projet serait d’abord
appliqué au réseau PAPI.

Au Québec, un logiciel est utilisé, permettant d’identifier les personnes et leurs microordinateurs
et de les connecter au réseau. Ainsi, 121 points d’accès réseau sans fil existent
dans la ville de Montréal.
A Brest, M. Briand souhaiterait que les 77 PAPI deviennent réseaux d’accès sans fil. Voire
d’élargir la démarche aux écoles, collèges et lycées (pour éviter de payer inutilement la bande
passante aux opérateurs d’accès à l’Internet, notamment le soir, le WE ou pendant les vacances
scolaires...).
M. Briand précise enfin que si certaines personnes sont intéressées par le projet « sans fil
citoyen », elles peuvent prendre contact avec lui : les acteurs cherchent à étendre un réseau
national.

Réaction du public - Mme Laurence Caron - Chargée de développement Cultures du Coeur 59 : « Je
suis en contact notamment avec une collègue du département des Côtes d’Armor pour des projets
de développement culturel en Colombie - Avez-vous sur Brest des outils ou actions TIC en lien
avec la coopération internationale ? (ex : la mise en relation d’écoles de différents pays).

M. Briand : « Pour le moment nous n’avons pas fait grand chose... Mais nous allons peut-être
prochainement initier des actions de ce type, notamment dans le cadre des « i-jumelages »
portés par VECAM (www.vecam.org/i-j/). En juillet, une délégation de 6 ou 7 porteurs de projets
latino-américains (de Colombie, du Brésil, du Costa-Rica) vient à Brest et on espère démarrer des
collaborations ».

Nous vous invitons également à consulter les documents suivants :

Posté le 24 septembre 2006 par Michel Briand

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