Mieux respirer en ville grâce aux capteurs low-cost

Dans la rubrique « Il était une fois… ma thèse », binaire accueille aujourd’hui Ahmed Boubrima, qui a obtenu un accessit du prix de thèse Gilles Kahn en 2019. Ahmed a préparé sa thèse au sein du laboratoire CITI à Lyon. Il nous propose de mieux choisir des parcours de promenade en ville… à l’aide de réseau de capteurs disposés astucieusement dans la cité. Ahmed est actuellement en post doc à Rice University au Texas.

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Vivre en ville ou à la campagne ? Chacun a sa préférence mais peut-être que ce qui pèse le plus contre la ville c’est la pollution de l’air.

Car même si les infrastructures et les loisirs permettent de bien s’épanouir en ville, l’exposition à des niveaux élevés de pollution atmosphérique peut entraîner de nombreuses maladies comme l’asthme et le cancer du poumon.

Mais si on a toujours envie de vivre en ville, est-ce qu’on est forcément condamné à subir les effets de la pollution de l’air ? Eh bien, il faut d’abord savoir que la concentration des polluants atmosphériques varie à une échelle très fine qui peut être de l’ordre de quelques mètres. Ce qui veut dire que dans une même ville, deux quartiers voisins peuvent être complètement à l’opposé en termes de niveau de pollution. Ainsi, il suffit aux citadins de connaître la distribution des polluants dans la ville pour pouvoir minimiser leur exposition à l’air pollué dans les activités de la vie quotidienne.

Mieux respirer en ville est donc possible mais seulement si on est capable de bien caractériser les concentrations de la pollution à l’échelle de la rue.

Caractériser la pollution de l’air à l’échelle de la rue : rêve ou réalité ?

En France, la mesure de la pollution de l’air est assurée par des stations de mesure de très haute précision. Mais cette qualité de mesure vient au détriment du coût et de la flexibilité de ces stations. En effet, une seule station peut coûter jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros et c’est ce qui explique d’ailleurs qu’une ville comme Lyon, par exemple, ne dispose que de six stations. On est donc loin de pouvoir mesurer la pollution atmosphérique à l’échelle du quartier avec ce type de technologie.

Une station de mesure à Lyon.

Cette limite en matière de coût des stations de mesure a poussé les industriels à construire des mini capteurs qui, au final, ne coûtent que quelques centaines d’euros. Sauf que, bien évidemment, leur qualité de mesure est loin d’être aussi bonne. Mais si c’est beaucoup moins cher, ne peut-on pas compenser la qualité des mesures par la « quantité de mesures » ? C’est justement l’objet de ma thèse, dans laquelle nous proposons des algorithmes qui permettent de sélectionner les meilleurs endroits où doivent être positionnés les capteurs afin d’atteindre une caractérisation de la pollution de l’air à l’échelle de la rue.

 Des capteurs communicants à bas coût.

Optimisation du positionnement des capteurs de pollution

Pour traiter ce problème, nous nous sommes basés sur l’analyse physique du phénomène de dispersion des polluants dans l’air. Il s’agit de simulations qui décrivent par exemple le fait que la pollution est plus élevée près des sources de trafic, ou encore le fait que la hausse des températures favorise les réactions chimiques qui sont à l’origine des polluants atmosphériques.

Une simulation ne décrit jamais la réalité à 100 %. En effet, les estimations des simulateurs peuvent être faussées par une mauvaise estimation du trafic routier ou de la direction du vent. Pour remédier à cela, j’exploite dans ma thèse ce que l’on appelle l’optimisation stochastique, qui considère tous les scénarios possibles de la distribution des polluants. En d’autres termes, plutôt que de s’appuyer sur une seule simulation, l’idée est de se baser sur plusieurs simulations, chacune correspondant par exemple à un certain niveau de trafic routier ou une certaine direction de vent.

En se basant sur ces simulations, nos algorithmes d’optimisation visent à identifier la meilleure répartition des capteurs avec pour objectif d’avoir une estimation suffisamment précise de la qualité de l’air.

Et en pratique, ça donne quoi ?

Afin de valider la capacité des capteurs à bas coût à mieux caractériser les concentrations de la pollution en ville, et grâce à la collaboration du Grand Lyon et de ATMO Aura, nous avons développé et installé une plateforme de capteurs communicants en plein centre-ville de Lyon. L’analyse des données récupérées via notre plateforme nous a permis de comprendre que l’échelle spatiale assurée par les capteurs à bas coût dépend essentiellement de l’échelle temporelle souhaitée. En effet, si l’objectif est de caractériser la distribution des polluants à l’échelle journalière plutôt qu’à l’échelle horaire, alors les capteurs à bas coût font parfaitement l’affaire.

Ahmed Boubrima

@ahmed_boubrima

Posté le 9 mars 2020 par Michel Briand

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