L’article 1er prévoyait : "la mise en oeuvre d’une plate-forme publique de téléchargement visant à la fois la diffusion des oeuvres des jeunes créateurs dont les oeuvres ne sont pas disponibles à la vente sur les plates-formes légales de téléchargement et la juste rémunération de leurs auteurs". Cet article avait fait l’unanimité à l’Assemblée Nationale. Vous avez tout simplement proposé de le supprimer. Puisque les projets en cours de l’autre côté de l’Atlantique se contentent de mal archiver quelques ouvrages de sciences et techniques anglophones parce qu’ils les considèrent comme les seuls rentables, nous souhaitons disposer de libre droit d’un domaine publique francophone, germanophone, néérlandophone d’oeuvres de sciences humaines et sociales, de chansons populaires, de films, d’images, de souvenirs communs pour les transmettre aux générations futures
L’article 7 précisait que les mesures techniques ne pouvaient pas avoir pour effet d’empêcher la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur. Les fournisseurs de mesures techniques devaient donner l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité. Monsieur Thiollère, vous souhaitez créer une "Autorité de régulation des mesures techniques de protection", qui en lieu et place du Tribunal de Grande Instance qui pouvait être saisi pour contester l’effet des DRMs, et dont le but consiste à "favoriser ou susciter une solution de conciliation" avec ceux qui "souhaitent améliorer l’interopérabilité". Comment améliorer l’interopérabilité ? Un format, un protocole est ouvert ou ne l’est pas ! Monsieur Thiollière, nons ne souhaitez pas imposer aux fournisseurs des mesures techniques comme Apple ou Microsoft de publier le code source s’ils démontrent à l’Autorité "que celle-ci aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l’efficacité de la dite mesure technique". Il sera donc impossible à la communauté du logiciel libre de proposer des lecteurs alternatifs. De plus les informations techniques devaient être fournies gratuitement, un amendement prévoit la possibilité de facturer le service. Nous souhaitons développer des systèmes informatiques interopérables. Vos amendements rendent nos dons impossibles !
Nous considérons qu’une économie de biens communs fondée sur le don est la seule qui est favorable à l’innovation et la créativité. Cette thèse est celle développée par Laurence Lessig, professeur de droit à Harvard, dans son dernier ouvrage [1]. Comme l’Internet, ce n’est pas une utopie mais une réalité. Internet est le résultat de l’interconnexion des différents réseaux informatiques dans un unique environnement de communication homogène. En 1965, AT&T avait créé un réseau téléphonique qui reliait 85% des foyers américains. Selon cette entreprise, son monopole avait pour but de préserver le réseau d’appareils expérimentaux qui pourrait l’endommager. En réalité la mainmise d’AT&T sur le réseau téléphonique étouffait les innovations qui ne correspondaient pas à son modèle de développement.
L’Internet n’est pas un réseau téléphonique mais c’est un réseau de réseaux qui passe parfois par des lignes téléphoniques. Son principe de fonctionnement est bien différent que celui qui a inspiré le réseau d’AT&T et il a des implications importantes sur les libertés de ses utilisateurs. L’architecture de l’Internet s’inspire du principe "end-to-end". En d’autres termes, l’intelligence du système réside dans ses applications ce qui permet à l’infrastructure de rester relativement simple. Les nouvelles applications ont seulement besoin de se connecter au réseau pour fonctionner et aucune modification du réseau n’est nécessaire. Le réseau reste donc ouvert à de nouvelles applications qui n’ont pas été initialement prévues par les concepteurs du réseau. De plus le réseau est neutre et ne peut pas privilégier certains paquets. Internet est intrinsèquement vecteur d’innovations. Ne le dénaturez pas.
Nous voulons une culture de la politique mais pas votre politique de la culture.
[1] Le sort des biens communs à l’heure des réseaux numériques "The Future of Ideas" de Lawrence Lessig traduit en français P.U.L.