e-inclusion, numérique éthique et économe, pouvoir d’agir : propositions de 3 priorités pour une politique publique aux municipales 2020

A quelques mois des municipales 2020 voici une contribution sur les axes qui me semblent prioritaires dans une politique publique.
- L’inclusion parce que des millions de personnes sont mis en difficulté par une dématérialisation qui en supprimant les emplois d’accueil les excluent de l’accès aux droits sociaux.
- Un usage éthique, responsable et économe parce que dans un monde dominé par les GAFAM qui pillent nos données personnelles, poussent à la consommation. Il nous faut accompagner l’apprentissage d’un autre numérique.
- Le pouvoir d’agir, parce qu’encourager l’expression, la transparence, la mise en réseau, la coopération, les communs favorise une transition et la transformations de l’implication dans la vie locale.

Et ceci, dans un changement de posture où les élu.e.s et services "font avec", sont "en attention aux initiatives" , "donnent à voir" avec le un souci de développer la coopération ouverte et les communs.

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1) L’inclusion numérique

La dématérialisation mise en place depuis quelques années est catastrophique pour des millions de personnes qui faute d’accueil humain se retrouvent en grande difficulté pour l’accès à leur droit sociaux.

Il aurait été facile de développer en parallèle des dématérialisations, un accueil de qualité en proximité. Au lieu de cela, la vision comptable l’a emporté avec les suppressions massives d’emploi dans les services publics, laissant tant d’usagers désemparés.

Les travailleurs sociaux se retrouvent en première ligne de ces médiations numériques imposées sans y être formés et en plus de leur accompagnement déjà fort prenant.

La commune, même si elle n’en est pas directement responsable, doit prendre en compte cette nouvelle misère. Il ne s’agit pas de compenser le retrait des services publics mais déjà de réaliser un état des lieux des réalités vécues. Par un diagnostic partagé il est possible de mettre en avant les difficultés les régressions sociales et d’organiser une réponse en résistance qui aide les personnes en difficulté mais qui dit aussi ce qu’il en est et interpelle les pouvoirs publics.

Sur bien des territoires actrice.eur.s de la médiation numérique, travailleurs sociaux, services publics, associations de solidarité n’ont pas l’occasion de se rencontrer et de partager leurs actions et non-actions, leurs difficultés,s leurs envies de faire ..

La prise en compte de la médiation numérique comme un commun [1] c’est à dire une production d’un accompagnement dans une gouvernance partagées entre toutes les parties prenantes est un moyen de prendre en compte cette exclusion qui va encore s’accroître au vu des projets du gouvernement d’accélérer les dématérialisations.

Si l’accès aux droits sociaux est le problème le plus criant, l’inclusion numérique concerne aussi toutes ces personnes souvent isolées qui ne sont pas à l’aise avec l’ordinateur et les outils numériques ou qui reculent devant le coût d’accès. [2]

Ce n’est pas parce qu’un jeune joue avec son smartphone qu’il maitrise l’écrit numérique, le mel ou la recherche d’informations. Une ville peut accompagner toutes les associations, équipements de quartier qui ont à coeur de développer une éducation citoyenne au numérique. Un réseau de médiations numériques en proximité permet de toucher et d’accompagner la diversité des personnes concernées.

2) Un usage éthique, responsable et économe

La mise en place des Chatons, Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires ouvre la voie à des services numériques de proximité qui nous délie de l’emprise des Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft.

La collectivité a la responsabilité d’aider à l’émergence de ces services en communs, en proximité. Les Chatons offrent aujourd’hui toute une série de services de base qui sont une alternative aux applications qui s’emparent de nos données personnelles.

Si les collectivités n’hésitent pas à financer les réseaux de fibre ou l’entrepreunariat des startup elles peuvent tout autant aider à l’émergence des chatons par un conventionnement qui là aussi peut s’inscrire dans une logique de communs.
Si les Chatons associent le plus souvent les usagers dans une forme associative, cette gouvernance peut aussi s’ouvrir à d’autres partenaires comme des entreprises éthiques du numérique, les étudiants et enseignants en informatique des lycées et universités.

L’apport de la collectivité peut se faire sur de l’achat de serveurs, l’accès au réseau de fibre, un financement de l’accueil.

Aujourd’hui, une offre de services ne suffit pas parce que beaucoup de personnes sont embarquées dans le monde des GAFAM sans savoir comment faire autrement sans que cela soit trop compliqué. D’où la proposition déjà postée sur ce blog"Municipales et numérique : (1) L’accompagnement des usages maitrisés des outils numériques".

A côté de ces offres de services altenatifs aux GAFAM, l’urgence climatique nous interpelle quant à l’usage de nos outils numériques. De la même façon qu’une éducation au numérique est indispensable à l’école pour un usage critique et responsables, il nous faut apprendre un usage économe des outils numériques.

Je ne connais pas encore beaucoup d’exemples d’initiatives des collectivités à ce sujet pourtant l’urgence est là. Il nous faut apprendre à faciliter la réparation pour les habitants dans la voie initiée par les Repair Café. Inclure dans les marchés publics de la collectivité (et des écoles) des clauses sur la possibilité de réparer et de faire évoluer le matériel (téléphones, ordinateurs etc..).

Cet accompagnement qui concerne tout autant des particuliers, des associations, des entreprises reste à être expérimenté. Comme pour les transitions vers un monde "vivable et désirable" qui passe par de nouvelles façons de vivre localement il nous faut entreprendre localement pour co-construire un autre usage des outils numériques.

3) Un pouvoir d’agir qui encourage l’expression, la transparence, la mise en réseau, la coopération, les communs

Le numérique c’est aussi un vaste champ de possibles pour augmenter le pouvoir d’agir des actrice.eur.s locaux. Un exemple en est l’appel à envie de faire (un appel à projets brestois où tous les projets sont retenus depuis 16 ans) qui permet la mise en oeuvre de 35 à 50 projets par an. Ici ce qui est limitant ce n’est pas l’enveloppe budgétaire (à peu près constante) mais l’implication des associations. Proposer un projet c’est d’abord donner du temps pour le réaliser. Au fil des années les projets évoluent avec des acteurs qui continuent d’autres qui se renouvellent qui bâtissent petit à petit un réseau convivial débarrassé de la compétition puisque tous les projets sont retenus et publiés.

L’émergence des initiatives passe aussi par un outillage.
- Un atelier par semaine cela ne coute que 20 % d’un équivalent temps plein (une demi journée d’atelier et une demi journée de préparation) mais cela lève des freins fait se rencontrer les personnes et met en capacité d’utiliser.
- Une formation à la coopération aide au développement de projets numériques où la collaboration est souvent présente.
- Le donner à voir de sites contributifs valorise les initiatives et favorise le travail en réseau.

Ce ne sont là que la reprise de quelques exemples locaux, mais les collectivités qui ont imaginé bien des dispositifs pour accompagner le développement des entreprises du numérique peuvent tout autant s’impliquer pour favoriser le développent des usages sociaux, en santé, dans l’éducation etc..

Les initiatives autour des capteurs citoyens, de tiers lieux, de réseaux coopératifs, de nouvelles formes de débat public et participatifs, les remix de services locaux sont quelques-uns des possibles à encourager et accompagner.

Le fil conducteur de ces 3 axes est pour moi une approche en communs : un changement de posture de la collectivité qui de prescriptive peut devenir animatrice, facilitatrice, en attention aux initiatives du territoire. Nous pouvons apprendre une gouvernance partagée qui associe en confiance, dans la durée, en souci des plus faibles et qui produit des ressources elles aussi mises en partage.


Cette contribution n’est pas exhaustive de l’action publique ; le soutien au logiciel libre, la transparence de l’action publique, les outils de débat public, les plate-formes de services (mobilité, réseaux d’échanges de services ou de biens ..), la limitation des émissions et consommations en téléphonie (doit-on refuser la 5G ?) l’éducation critique au numérique, sont aussi des sujets ou une action publique est nécessaire.


Via un article de Michel Briand, publié le 23 novembre 2019

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