Débat Dadvsi à l’assemblée nationale sur l’exception pour l’enseignement

D’après le site de l’assmbéle nationale

  • Mme Martine Billard -* Le sous-amendement 313 concerne l’exception dans
    le cadre de l’enseignement ou de la recherche scientifique à des fins
    exclusives d’illustration ou d’extraits, et à condition d’indiquer la
    source des documents. Toutes les transpositions effectuées dans les
    autres pays de l’Union européenne ont intégré cette exception de manière
    plus ou moins restreinte. Vous arguerez qu’un accord a été signé avec
    les différentes sociétés d’auteurs dans cinq domaines : presse, édition,
    musique, cinéma, arts plastiques. Dans le domaine cinématographique, il
    est possible d’utiliser des _extraits à des fins d’illustration mais
    seulement à partir de l’audiovisuel hertzien non payant_. Cela est
    absolument interdit à partir d’un support édité commercial ou d’une
    œuvre diffusée au sein d’un service de communication audiovisuelle
    payant, ou encore d’un service de vidéo à la demande. Restent donc TF1,
    France 2, France 3, Arte et la TNT : n’est-ce pas un peu limité ?
  • M. Dominique Richard -* La TNT, ce sont 18 chaînes !
  • Mme Martine Billard -* Les colloques, les conférences ou les séminaires
    doivent être, quant à eux, _strictement destinés aux étudiants ou aux
    chercheurs_. Faudra-t-il filtrer les entrées ? Un accord existe
    également concernant l’utilisation numérique dans le cadre d’un système
    intranet ; sur un système extranet, l’utilisation est à nouveau permise
    à destination des _seuls chercheurs, élèves ou étudiants suivant un
    enseignement à distance_. Les étudiants ou chercheurs d’un établissement
    public inclus dans l’accord mais qui souhaiteraient utiliser internet
    depuis chez eux ne pourront donc pas le faire. Quant à l’utilisation des
    œuvres d’art visuel, l’article 10 de l’accord prévoit que « les agents
    assermentés de chaque société de perception et de répartition des droits
    auront la faculté d’accéder au réseau informatique des établissements
    afin de procéder à toutes vérifications nécessaires ».
  • M. François Bayrou -* C’est inacceptable.
  • Mme Martine Billard -* Une société privée pourra exiger l’accès au
    réseau informatique des établissements afin de vérifier l’effectivité du
    respect de l’accord. Est-ce acceptable ? Enfin, les accords supposent
    une contrepartie financière, ce qui, dans le cadre du cinéma, est un peu
    étonnant car _un professeur ne peut faire un cours en utilisant un DVD
    qu’il a acheté lui-même, non plus qu’à partir d’un téléchargement qu’il
    aurait payé auprès d’un service de VOD ou, en matière musicale, auprès
    d’une plateforme payante_. Il sera donc impossible de se livrer à une
    étude critique sur une œuvre si elle n’est disponible que sur un service
    payant. La situation sera kafkaïenne.
  • M. Didier Migaud -* Cette argumentation est très convaincante.
  • M. le Rapporteur -* Avis défavorable.
  • M. le Ministre -* Même avis. Le Gouvernement s’y était engagé en
    décembre : des accords viennent d’être conclus entre le ministère de
    l’éducation nationale et les titulaires de droits pour développer de
    nouvelles utilisations, notamment numériques, des œuvres de l’écrit. Ils
    prennent en compte le caractère spécifique des missions et les
    contraintes financières des établissements et des collectivités. Le
    ministère de l’éducation nationale vient de les signer. Le visa du
    contrôleur financier est enfin intervenu, et les accord sont portés
    depuis la fin de l’après-midi afin d’être signés par les différentes
    catégories d’ayants droit. Le texte définitif en cours de signature doit
    être en ce moment même diffusé dans vos casiers. Ces accords, qui
    concernent les secteurs de la presse, de l’édition, de la musique, du
    cinéma et des arts plastiques, témoignent de l’intérêt que revêt
    l’utilisation des œuvres et autres objets protégés pour l’illustration
    des activités d’enseignement et de recherche. Ils confèrent une garantie
    juridique aux usages des œuvres pour l’enseignement et la recherche et
    permettront de développer de nouveaux usages numériques pour diffuser
    sur des réseaux numériques, à l’attention des élèves, et même sur
    internet, des œuvres illustrant des travaux pédagogiques et de
    recherche, afin d’utiliser pleinement les possibilités offertes par les
    nouvelles technologies. Cette formule contractuelle présente trois
    avantages : la souplesse, qui permettra d’adapter les accords aux
    évolutions technologiques grâce notamment à un comité de suivi ; une
    rémunération modérée qui tient compte des spécificités de la mission de
    service public - deux millions en 2007, à comparer aux trente millions
    pour la photocopie ; elle évite enfin de laisser croire que la création
    est gratuite et sans valeur, ce qui est essentiel d’un point de vue
    pédagogique. J’ajoute, enfin, que ces accords pourront être déclinés
    pour les établissements dépendant d’autres ministères.
  • M. Frédéric Dutoit -* Au-delà du fait que les accords ne sont pas
    encore dans nos casiers - mais je vous fais confiance, Monsieur le
    ministre /(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe
    des députés communistes et républicains)/ -, il me semble que votre
    argumentation conforte ce sous-amendement. Vous démontrez en effet qu’il
    n’existe aucune raison de s’opposer à cette exception concernant la
    recherche scientifique et l’enseignement. Je soutiens donc l’amendement
    de Mme Billard.
  • M. Patrick Bloche -* Nous avions déjà abordé cette question dans un de
    nos sous-amendements et nous avions eu droit à une réponse dilatoire,
    Monsieur le ministre. Hier soir, on nous promettait dans l’heure,
    l’accord dont vous êtes si satisfait. Vous nous dites maintenant qu’il
    va arriver dans nos casiers...

Mais l’important est de savoir qui a signé cet accord. En tout cas pas
les syndicats de journalistes affiliés à la Société civile des auteurs
multimédias, qui expliquent dans un communiqué que l’accord en question
n’implique que des éditeurs de presse mais ne reconnaît pas les ayants
droit que sont les journalistes, auxquels les textes de loi et la
jurisprudence reconnaissent pourtant la pleine propriété intellectuelle
sur leurs œuvres à l’occasion de nouvelles exploitations. Ils
s’indignent de ce que les droits des auteurs soient ainsi bafoués et
considèrent que cet accord n’a aucune validité, étant entendu qu’ils
sont au demeurant très favorables à l’utilisation de la presse dans
l’enseignement et la recherche, et prêts à conclure un accord en ce sens.

Vous ne pouvez pas davantage ignorer, Monsieur le ministre, la motion
par laquelle la Conférence des présidents d’université et l’Association
des directeurs et des personnels de direction des bibliothèques
universitaires et de la documentation demandent au ministre de la
culture de proposer au Parlement d’accepter l’exonération prévue par la
directive, comme l’ont déjà fait les pays voisins.

  • M. François Bayrou -* Je soutiens l’esprit de ce sous-amendement et
    m’étonne, Monsieur le ministre, que depuis hier soir, on fasse
    constamment allusion à un « accord signé » dont la représentation
    nationale ignore complètement la teneur et les signataires. Il est
    inimaginable que la représentation nationale se voie opposer un texte
    dont elle ignore la teneur ! Vous nous dites qu’à l’heure qu’il est, cet
    accord est distribué dans nos casiers. Nous allons donc demander une
    suspension de séance afin de l’y trouver et de l’étudier rapidement.

Un accord contractuel - dénonçable à tout moment - n’est pas une loi.
Or, la directive nous invite à trancher par la loi. A dire dans la loi
si la recherche publique a accès de droit à un certain nombre d’œuvres
ou si elle en est exclue. La plupart des pays européens ont opté pour la
première formule.

  • M. le Ministre -* Sur ces questions, qui sont très évolutives, le
    Gouvernement a fait le choix de la voie contractuelle, parce que c’est
    celle de la souplesse, et donc du bon sens. C’est ce que je vous avais
    indiqué en décembre, en assumant parfaitement ce choix. Je demande à la
    majorité de l’Assemblée de bien vouloir faire de même.
  • M. François Bayrou -* Ici, c’est l’Assemblée qui vote !
  • M. le Ministre -* S’agissant de la rémunération des journalistes, les
    accords conclus entre le ministère de l’éducation nationale et la presse
    fonctionnent sur le modèle des panoramas de presse sur intranet, qui
    fonctionne bien et n’a pas fait l’objet de contentieux. Je serai
    attentif à la transparence dans ce domaine, afin que les auteurs soient
    effectivement rémunérés. Cette question ne pose aucun problème.
  • M. le Président -* Avant la suspension, je vais mettre aux voix le
    sous-amendement 313 /(Protestations sur les bancs du groupe UDF et du
    groupe socialiste)./
  • M. le Ministre -* Comme nous avons choisi la voie contractuelle, je
    suis défavorable au sous-amendement 313.
  • M. François Bayrou -* La suspension demandée par M. Dionis du Séjour
    doit intervenir avant le vote, puisqu’elle est faite pour éclairer le
    vote. Le ministre nous dit que l’accord dont il est question est dans
    nos casiers. Nous en acceptons l’augure, mais nous voulons le vérifier
    et ainsi nous prononcer en connaissance de cause /(Protestations sur les
    bancs du groupe UMP)/ .

_La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 45._

  • M. François Bayrou -* Contrairement à ce que nous annonçait le
    Gouvernement, les casiers des députés sont vides de tout accord ! Cela
    aurait fait l’objet de simples rappels au règlement si les circonstances
    étaient ordinaires, mais il y a plus grave : pendant la suspension de
    séance, nous avons appris par une dépêche d’agence que, fait sans
    précédent dans notre histoire parlementaire, le Gouvernement s’apprête à
    reprendre à l’identique l’article 1^er qu’il a retiré hier ! Qu’en
    est-il de la dignité de notre assemblée et de la cohérence
    intellectuelle de nos débats ? Le Gouvernement doit s’expliquer au plus
    vite : l’Assemblée ne peut accepter d’être traitée comme une marionnette !
Posté le 9 mars 2006

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