Questions autour des nanotechnologies :

Des nanofabriques de bureau pour tous

invitation au débat

Un article publié par Internet actu et qui soulève de nombreuses questions

Reprise d’un article publié par Internet actu
Dans : Brèves - Par Jean-Marc Manach le 27/02/2006

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

Composées de milliards de nanomachines spécialisées travaillant de concert, les nanofabriques (ou usines moléculaires) ressembleraient à des appareils domestiques pas si éloignés que cela de nos imprimantes à jet d’encre. Reliez-en une à votre ordinateur, lancez votre logiciel de design moléculaire préféré (Adobe Nanoshop, ou encore Microsoft Nano - “ vous semblez vouloir assembler des molécules, désirez-vous un peu d’aide ? “), et ces petites machines convertissent des matériaux bruts (l’”encre”) en objets manufacturés.

En septembre dernier, Jamais Cascio, de WorldChanging, introduisait ainsi la notion de nanofabriques de bureau (desktop nanofactory, en VO). Des révolutions nanotechnologiques à prévoir, ces usines personnelles sont probablement celles qui affecteront le plus la société et l’économie, pour le pire et/ou le meilleur.

Que se passerait-il en effet, alors que nos économies dépendent en bonne partie de la production d’objets, si tout un chacun commençait à produire ses propres produits, non seulement à partir de matériaux bruts, mais aussi en recombinant les molécules extraites du recyclage de ses anciens biens de consommation ? Et que se passerait-il également si l’on pouvait produire des armes aussi facilement que des chaussures ou des téléphones portables ?

Créer des milliers d’usines en moins d’un jour

C’est d’ailleurs en raison des dangers encourus que Chris Phoenix et Mike Treder, tous deux ardents défenseurs des nanos, ont créé en 2002 le Center for Responsible Nanotechnology (CRN), un think tank consacré aux enjeux sociaux et environnementaux des nanotechnologies -qu’ils définissent comme “ fabrication moléculaire ” (molecular manufacturing, en VO).

Dans l’ interview qu’ils viennent d’accorder à Jamais Cascio (lui-même membre de la task force de CRN), Phoenix et Treder reviennent sur les risques et opportunités induits par ces objets que, à la manière des logiciels et services qu’il est aujourd’hui possible de faire avec un PC, nous pourrons peut-être fabriquer d’ici quelques années.

“Il est important de comprendre que le processus de fabrication moléculaire est exponentiel (...). A partir d’une usine nanotechnologique (que l’on peut aussi appeler fabrique personnelle), quelqu’un peut créer des milliers d’autres usines du même type en moins d’un jour, et à bas prix. Ce qui implique que de projets de toutes tailles peuvent être réalisés très rapidement.

Ceux qui auront accès à ce type de technologie pourraient s’en servir pour bâtir un système de surveillance susceptible de suivre six milliards d’individus, des systèmes d’arme bien plus puissants que l’ensemble des armes conventionnelles aujourd’hui disponibles dans le monde.

(...)

Cette massification n’est pas forcément un mal. Elle pourrait aussi permettre de bâtir très rapidement des remèdes environnementaux à grande échelle. Des chercheurs du laboratoire de Los Alamos suggèrent qu’il serait ainsi possible d’extraire des quantités susbtantielles de dioxide de carbone directement de l’atmosphère. Avec la fabrication moléculaire, ceci pourrait être effectué bien plus rapidement, facilement et coûterait bien moins cher qu’autrement”.

Il sera difficile d’empêcher la création d’usines personnelles

Selon Phoenix et Treder, la démocratisation de ce type d’usines entraînera probablement une prolifération de nouvelles armes high tech, à l’image de ce qui se passe aujourd’hui sur l’internet avec ses virus, spams et autres spywares, mais “il sera très difficile de policer une telle société sans un affaiblissement substantiel en matière de libertés civiles, et de droits de l’homme“.

Les “classifications militaires, restrictions légales en matière de sécurité ou de propriété intellectuelle” pourraient certes y mettre frein, mais iraient également à l’encontre du développement des nanotechnologies, et constituent en elles-mêmes une grave menace, susceptible de nuire aux capacités de recherche et aux libertés économiques et politiques.

A ceci près que s’”il serait facile de criminaliser la création d’usines personnelles, il sera bien plus difficile de l’empêcher“, d’une part parce qu’à l’instar de la prolifération nucléaire ou de l’industrie de l’armement, nombre d’Etats et de sociétés privées mèneront de toute façon leurs recherches, mais aussi parce que, sur le modèle du mouvement open source, de nombreux particuliers se seront d’ici là eux aussi lancés dans la course.

S’ils penchent néanmoins pour une régulation adaptée aux risques encourus, l’objectif du Center for Responsible Nanotechnology n’en reste pas moins de voir se dessiner “un monde où tout un chacun aurait accès à une capacité, même minime, de fabrication moléculaire. La révolution informatique a démontré que l’innovation est optimisée par la combination des développements commerciaux et open source, et que l’open source est un bon générateur de produits basiques, gratuits, et peu chers à produire“.

Repéré par Hoedic, en commentaire à l’opinion de Daniel Kaplan sur les Nanotechs.

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Posté le 5 mars 2006

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