Reprise d’un article publié dans le bulletin Sistech de mars
sur le site du Cefrio et dont la reproduction à des fins non commerciales est autrorisée par le Cefrio
Pourquoi le branchement à Internet haute vitesse ?
Plusieurs auteurs¹ ont explicitement reconnu l’impact de la haute vitesse sur la qualité de l’utilisation d’Internet, établissant par le fait même l’existence d’un fossé numérique entre les branchés à haute et à basse vitesse. Le sondage NETendances 2005 du CEFRIO établit aussi une corrélation positive entre le taux d’utilisation d’Internet d’une population et la disponibilité de l’accès à haute vitesse à domicile. En effet, le taux d’utilisation d’Internet par la population adulte est nettement plus élevé dans les régions où la haute vitesse est plus largement disponible.
Donc, non seulement l’accès à haute vitesse permet-il une expérience en ligne plus intéressante et enrichissante, mais sa disponibilité augmente l’adhésion à Internet. Encore aujourd’hui au Québec, dans la grande majorité des cas, l’accès à haute vitesse nécessite un branchement filaire, soit par le câble ou une ligne téléphonique locale modifiée, pour transmettre un signal numérique (DSL, en anglais).
Or, les coûts d’un tel service filaire sont souvent prohibitifs, surtout dans les régions éloignées. D’une part, la dispersion de la population sur de grands territoires fait en sorte qu’il n’est pas financièrement rentable de brancher toutes les résidences. D’autre part, pour les travailleurs à plus faible revenu ou pour les aînés, il n’est pas toujours évident de débourser les quelque 500 $ par année nécessaires pour se brancher à haute vitesse à domicile. Pour résoudre ces deux problèmes, l’accès à haute vitesse sans fil sur un réseau local Wi-fi s’impose donc comme une solution intéressante, surtout lorsqu’il est offert gratuitement ou à très bas prix par une instance publique locale.
Des initiatives
Le cas de la ville de Philadelphie en Pennsylvanie est intéressant. En 2004, la ville dévoile son plan d’offrir l’accès Wi-fi sur l’ensemble de son territoire. Selon le projet, le service aurait été gratuit pour la majeure partie du centre-ville et à prix modique pour les autres secteurs. Il n’en fallait pas plus pour déclencher la réaction de l’industrie de la connectivité à Internet qui prétend que de telles initiatives publiques limitent l’innovation technologique et détruisent la compétition. Tant et si bien que quelques mois plus tard, l’État de Pennsylvanie passait une loi, le Pennsylvania Telecommunications Act, House Bill 30, interdisant aux instances locales ou à toute entité sans but lucratif créée à cette fin d’offrir des services payants de télécommunication.
Pourtant, selon ses promoteurs, le projet ne souhaitait pas faire concurrence à l’industrie privée, mais visait plutôt à réduire la fracture numérique en offrant, en plus de la connectivité, l’équipement et la formation à la population moins fortunée. Tout récemment, la Ville s’est entendue avec l’entreprise Earthlink pour déployer un service sans fil Wi-fi qui devrait être disponible pour moins de 20 $ par mois. Ce n’est pas vraiment gratuit, mais cela constitue une solution intéressante aux frais usuels de branchement à la haute vitesse qui varient de 40 à 50 $ chez nos voisins américains.
Au Canada, la ville de Vancouver annonçait, à la fin de janvier 2006, qu’elle allait explorer la possibilité d’offrir un service haute vitesse sans fil à sa population pour mieux la servir. Dans son communiqué de presse, elle mentionne que l’accès gratuit ou à très bas tarif permettra de promouvoir les affaires et offrira la possibilité aux plus démunis d’avoir accès à Internet tout en rendant plus efficace la prestation de services de la ville aux citoyens.
Plus près de nous, la ville de Fredericton au Nouveau-Brunswick offre un accès sans fil gratuit dans la plupart des zones commerciales de la municipalité. Dans ce cas particulier, la concurrence régionale et la capacité d’attirer de nouvelles entreprises semblent avoir motivé l’initiative. Une philosophie intéressante : l’administration municipale de la capitale néo-brunswickoise considère que l’accès sans fil à Internet représente une infrastructure publique au même titre que les routes, les ponts ou le réseau d’égout.
Vers une nouvelle philosophie
La philosophie de Fredericton contraste avec ce qu’on pouvait observer aux États-Unis au cours des dernières années. En effet, selon le Government Computer News, une quinzaine d’États américains avaient légiféré pour empêcher les municipalités de devenir des fournisseurs d’accès à Internet en concurrence avec les entreprises de télécommunications. Toutefois, même chez nos voisins du Sud, une nouvelle tendance se dessine. Reste à savoir comment la situation évoluera.
D’abord, en 2005, Google a fait part de son intention de se lancer dans l’aventure du Wi-fi gratuit dans certains grands centres urbains américains. Il sera intéressant d’observer les effets de ce nouveau modèle économique qui vise à dégager des profits en offrant gratuitement l’accès à Internet. Le blogue Muniwireless.com² mentionne aussi que, en 2005, le Texas, la Floride et l’Indiana ont abandonné ou modifié leur projet de légiférer pour empêcher les municipalités d’offrir l’accès à Internet sans fil.
Est-ce le début d’une nouvelle ère ? Quoi qu’il en soit, le débat est loin d’être réglé. Les grands fournisseurs de connectivité continueront certainement à défendre le modèle économique actuel où les branchés doivent débourser un montant significatif pour avoir le privilège de naviguer à haute vitesse dans Internet. D’un autre côté, la technologie sans fil permet maintenant au monde municipal d’offrir un accès quasi universel à des coûts très faibles ce qui aura pour conséquence positive de réduire la fracture numérique. Les Administrations peuvent alors utiliser le Web pour mieux servir une grande portion de la population. Il sera intéressant de voir quel compromis permettra aux deux parties d’y trouver leur compte.
Une histoire à suivre...
Notes :
- 1 Notamment Pew Internet & American Life Project. Digital Divisions : There are clear differences among those with broadband connections, dial-up connections, and no connections at all to the internet.
- 2 Un blogue à suivre absolument pour tout lecteur intéressé par la question du sans-fil offert par les municipalités : Muniwireless.
Article tiré de l’édition de mars 2006 du bulletin e-Veille réalisé pour le ministère des Services gouvernementaux.
Consultez les autres articles du bulletin pour en apprendre davantage sur les initiatives de différents gouvernements pour réduire la fracture numérique.
Rédacteur : Eric Lacroix, directeur des enquêtes et de la veille stratégique, CEFRIO
Sources :
- Blogue Muniwireless.
- CEFRIO. NETendances 2005 : Portrait de l’utilisation d’Internet au Québec, version abrégée, Sabrina Côté, Isabelle Vachon et Eric Lacroix, février 2006, 70 p.
Accès au dépliant.
- Government computer news. Philadelphia Free-for-all, 21 mars 2005.
- Pew Internet & American Life Project. Digital Divisions : There are clear differences among those with broadband connections, dial-up connections, and no connections at all to the internet, 5 octobre 2005.
- Site de Fred-ezone
- Ville de Vancouver, « Mayor supports study of free wireless Internet access in Vancouver », communiqué de presse, 31 janvier 2006.