Au programme, une vingtaine d’exposés d’intervenants locaux de tous horizons : représentants de programmes gouvernementaux, grandes ou petites entreprises, collectivités territoriales, associations locales, ONG internationales. Nous étions 4 intervenants étrangers invités à présenter nos expériences, dont deux coordinateurs de réseaux régionaux de télécentres : au Chili (Araucanie - 30 télécentres) et en Espagne (Asturies - 85 télécentres).
CReATIF en version espagnole !
CReATIF en version espagnole !
La qualité et la variété des exposés m’a permis en peu de temps de me faire une idée rapide de la situation des TIC au Pérou. Je ramène de nombreux articles à traduire et à publier qui permettront au fil des semaines et mois à venir, d’élargir notre vision souvent franco-centrée.
Le premier constat, c’est que le Pérou a quelques longueurs d’avance sur la France en terme d’accès public à internet !! Il faut savoir qu’ici, internet a commencé à être utilisé largement par les scientifiques dès le milieu des années 80 et que les premiers projets d’accès publics datent du début des années 90.
Le Pérou est le pays d’Amérique latine qui comporte le plus de Points d’accès publics à internet, appelées ici « cabines Internet ». Entre 15.000 et 25.000 selon les chiffres les plus récents, pour une population de 25 millions d’habitants dont 15 millions dans la capitale. Mais la plupart se trouvent dans les villes et on compte actuellement seulement 1.000 points d’accès en fonctionnement en milieu rural à l’échelle de tout le pays. Plusieurs programmes gouvernementaux ou privés projettent de réduire ce « gap » dans les années à venir et ce sont près de 4.000 points d’accès en milieu rural qui sont en projet.
Seul 8 % des péruviens possèdent une ligne de téléphone fixe et 5 % un ordinateur à la maison. L’accès partagé à internet depuis un lieu public est donc LE principal mode d’accès, puisque 90 % des habitants de Lima accèdent à internet de cette façon.
De nombreux projets existent depuis dix ans afin d’utiliser les TIC au service du développement rural et pour lutter contre la pauvreté. Des programmes d’alphabétisation digitale sont menés de façon planifiée, avec divers exemples de démarches participatives et d’empowerment dont nous serions bien avisés de nous inspirer dans nos banlieues paupérisées.
Grace à l’appui sur place de l’ONG « ITDG Soluciones practicas » qui a joué le rôle de facilitateur et d’organisateur de mon séjour, j’ai pu aller sur place à la rencontre de deux projets dans lesquels les télécentres (ou infocentres) sont partie prenante d’une démarche plus globale de systèmes d’informations rurales. Je vous présente rapidement le premier d’entre eux.
Telecentre de Chancayllo (Perou) et son systeme d’information agraire
Telecentre de Chancayllo (Perou) et son systeme d’information agraire
A Huaral, une vallée cotière à deux heures de bus au nord de Lima, c’est le « Comité des usagers » gérant le système d’irrigation agricole, qui porte un projet destiné au 6.000 agriculteurs adhérents. 6 télécentres dans les villages alentour interconnectés via un réseau sans fil au centre serveur basé dans le bourg de la vallée et disposant d’un accès de type ADSL. Chaque télécentre est géré par la commission locale et propose outre de l’accès internet, des sessions d’initiations ... et de la téléphonie sur IP. (Dans ces villages, l’internet est arrivé avant le téléphone fixe).
Telecentre de Chancayllo (Perou)
Telecentre de Chancayllo (Perou)
Afin d’intéresser les paysans, le projet est articulé autour d’un système d’information agricole. Le site portail produit de façon collaborative par un réseau de partenaires est en mesure de fournir des informations actualisées quotidiennement sur les cours des produits agricoles sur les différents marchés des environs, ce qui permet aux agriculteurs de mieux gérer leurs récoltes, en ayant leur source d’information indépendante des grossistes et acheteurs.
Plus fort, chaque partie de la vallée est suivi par un « sectoriste » chargé d’ouvrir et de fermer les vannes pour assurer la distribution d’eau dans chaque parcelle. Au cours de ces opérations d’irrigation, il procède à un relevé détaillé de tout ce qui est semé sur les parcelles, afin d’obtenir par cumul un état précis des surfaces plantées pour chaque variété de fruits et légumes. Ces données sont mis en ligne sur le site portail et cette transparence permet aux paysans d’autoréguler les qunatités produites afin d’éviter un effondrement des prix en cas de surproduction.
Encore plus fort, depuis novembre dernier ce relevé d’informations se fait sur des PDA et grace à la couverture wi-fi du territoire, les « sectoristes » seront en mesure au cours de leur tournée de fournir des informations en temps réel aux agriculteurs qu’ils rencontrent !
Toujours plus fort, grace à ses 6 antennes wifi le « Comité des usagers » envisage dans un avenir proche de devenir fournisseur d’accès à internet pour des professionnels ou particuliers désirant s’équiper à domicile ... Après avoir irrigué le territoire en eau, voilà que cette organisation gérée de façon démocratique par les agriculteurs, va leur ouvrir un accès à internet !
Pour couronner le tout, tout ceci fonctionne uniquement, y compris les postes des télécentres, avec des logiciels libres.
Bien sûr, il s’agit d’un projet pilote à l’échelle du Pérou, mais dites moi, vous en connaissez beaucoup vous des projets comme ça dans notre beau pays de France ?
Dans ma prochaine bafouille il sera question de Podcasting pour diffuser des programmes de sensibilisation aux techniques agricoles pour les paysans de la région de Cajamarca (zone andine au Nord du Pérou, près de l’Equateur). Là encore, un programme qui s’articule à un site portail d’infos locales et à un réseau d’infocentres ...
Ce voyage me donne bien la pêche, car je récolte plein de nouvelles expériences à colporter. J’ai fait aussi le plein de vidéos, de matériel didactique, de compte-rendus d’évaluation, etc ...
Hasta luego amigos
Article présenté par : Philippe Cazeneuve