« Quand le digital défie l’État de droit », Olivier Iteanu, Eyrolles, 2016, 188 p. Site de l’éditeur
Note à paraître début juillet dans le n° 2017/2 de la revue I2D Informations, Données & Documents
Le numérique transforme tout et le droit n’y échappe pas. Où l’on constatera, grâce à cet ouvrage, que ces services « digitaux » issus pour la plupart des États-Unis influent sur notre droit qui s’avère, tout compte fait, poreux. Ce sont autant d’impacts sur la manière d’appréhender la liberté d’expression, de protéger notre vie privée ou encore les œuvres et les brevets par la propriété intellectuelle qui en découlent.
Et oui, Freedom of speech, Privacy et Copyright ne sont pas entendus de la même façon des deux côtés de l’Atlantique, et ceci est loin d’être anodin. Il suffit d’évoquer, pour ne prendre que deux exemples, anciens mais emblématiques, le procès fait à Yahoo pour la vente des insignes nazis ou celui intenté à Facebook pour des conditions générales d’utilisation (CGU) donnant compétence aux tribunaux de Californie et non à celui du consommateur.
Les différences entre blocs et pays, bien marquées autrefois – John Huston n’avait-il pas pu faire prévaloir certains de ses droits en France et non aux États-Unis ? -, mais qui tendaient déjà à s’estomper – ce que démontre, pour ne prendre qu’un seul exemple, le droit adopté pour le logiciel – sont de plus en plus ténues. Mais est-ce souhaitable ? L’ouvrage nous donne plusieurs clés nous permettant de nous faire une opinion.
Certes, on peut distinguer plusieurs courants d’influence aux États-Unis que sont les libertariens, les grandes entreprises du Net et le gouvernement américain, chacun avec sa propre vision. Certains vont-ils prévaloir ? Ou vont-ils continuer à se côtoyer, comme aujourd’hui ? Mais, surtout, ce poids dans notre droit et notre manière de vivre, sur nos valeurs même, est-il irrémédiable ?
La loi ne serait-elle donc pas appliquée ? Avec le numérique, la loi qui devrait prévaloir a priori – du moins dans l’acception commune – tend effectivement à s’effacer au profit d’autres modes de régulation. Est-ce la loi de la technique ou celle du commerce qui vont prévaloir ? Quel rôle joue encore la règlementation, l’État ? Autorégulation ? Corégulation ? Ces questions que l’on se posaient déjà au début des années 2000 se reposent encore.
On trouvera, en tout cas, dans cet ouvrage, un plaidoyer très documenté et convaincant qui n’est pas réservé aux juristes, bien au contraire, et qui, d’ailleurs, ne limite pas son analyse à des questions juridiques. Pas de jargon dans cet ouvrage mais des explications précises et de nombreux exemples tirés de l’actualité qui ne manqueront pas de vous parler. Voilà de quoi nous aider à prendre conscience de certaines évolutions en cours importantes, de ce qui se fait en ce moment au niveau mondial, y compris au sein des organisations internationales.
Le numérique est « ambivalent ». Il représente certes un formidable espace de liberté et de connaissances mais c’est également le lieu de tous les dangers. Où placer le curseur ? Et, surtout, par quel moyen ? Une question difficile qui reste posée mais une prise de conscience sur le poids de certaines décisions qu’il importait d’avoir. C’est chose faite.