La démocratie ne va pas se faire toute seule, alors bougeons !

La démocratie inspirée des schémas de pensée du 20ème siècle bat de l’aile, et le semblant de participation qu’institue le vote ne permet plus de contenter les citoyens. Comment alors recréer un lien de confiance avec la classe politique ? Faut-il tout changer ? Et quelle place le citoyen, outillé par le numérique, serait-il en droit de revendiquer ? L’équipe bénévole de « Sors-toi les droits », film documentaire indépendant, s’est penché sur ces questions et nous donne un aperçu des initiatives qui renforcent notre pouvoir d’agir. Nous avons rencontré Eric Baille, réalisateur du documentaire, et membre du collectif démocratie ouverte.

Eric, c’est un premier documentaire pour toi, pourquoi un documentaire politique ? 

Eric Baille

Eric Baille  : Depuis que j’ai cofondé Adesias il y a 7 ans, je prends un immense plaisir à faire de la pédagogie. Eduquer et divertir, attiser la curiosité, ça donne un sens formidable à mon travail.

Par ailleurs, notre époque croule sous les problèmes, tous interdépendants, et à 30 ans, je fais partie de cette génération passionnée de politique, qui ne se reconnaît pas dans les logiques de partis et cherche des solutions et des ouvertures vers d’autres systèmes de gouvernance.

Je milite depuis bientôt six ans pour une démocratie plus participative et transparente. Selon moi, c’est « l’enjeu des enjeux ». Je ne parle pas de solution miracle, mais de notre capacité à élaborer de nouvelles manières de nous organiser collectivement pour résoudre nos problèmes. La production d’intelligence collective me semble être le socle sur lequel nous serons peut-être capables de réinventer la gouvernance de nos sociétés.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé de réaliser, avec l’équipe d’adesias, « Sors-toi les droits !  ». Avec ce documentaire, nous nous sommes infiltrés au cœur des Civic Tech, ces initiatives qui, grâce à l’évolution des outils numériques, oeuvrent pour une démocratie plus directe, plus transparente et participative.

A travers ce film et les témoignages de grands acteurs de la démocratie participative et des Civic Tech, nous avons voulu donner aux citoyens des outils qui leur permettent de repenser leur place dans le système politique et d’agir concrètement.

Nous avons conçu ce projet avec une véritable démarche pédagogique et d’intérêt général. Il sera d’ailleurs diffusé gratuitement sur les réseaux sociaux le 7 juin prochain.

Dans ton titre, tu sembles dire que les citoyens ont les moyens de changer les choses, que peuvent-il faire concrètement ?

E.B. Déjà, nous faisons tous les jours de la politique : à travers nos investissements associatifs, notre présence dans des tiers lieux, nos syndicats, nos choix de produits dans les supermarchés, toutes nos actions au quotidien sont éminemment politiques.

Ensuite, de nouveaux outils numériques apparaissent et nous permettent de nous organiser collectivement. Comme Ouishare le prédisait déjà il y a de nombreuses années, tous les pans de la société allaient être touchés par la transversalité et le collaboratif, même la politique.

Pour le moment, la participation sur les plateformes d’intelligence collective n’est pas significative.

Les Civic Tech souffrent d’une méconnaissance de la part du grand public alors qu’elles devraient, à mon sens, être investies en masse.

De l’autre coté de la prise de décision, les politiques n’en font pas la promotion et ne leur accordent, à quelques exceptions près, pas de valeur politique. C’est pourtant un outil d’aide à la prise de décision très précieux ! C’est un peu le serpent qui se mord la queue.

Peu à peu, ce rapport va changer. Les communautés des Civic Tech sont en croissance permanente. Initialement, Parlement & Citoyens avait convaincu six députés de déposer leur projet de loi sur leur plateforme de co-construction de la loi. Aujourd’hui, plus d’une trentaine souhaite y participer. Et au vu de la rapidité avec laquelle les hommes politiques retournent leur veste, je ne serais pas surpris que d’ici cinq ans, tous jurent avoir été convaincus par les nouveaux outils numériques de participation citoyenne bien avant l’invention d’Internet.

Finalement, tu ne remets pas en cause la démocratie représentative ? 

E.B : Je pense que les partis politiques et leur manière d’imposer un corpus d’idées sont voués à disparaître. En revanche, je pense que si nos hommes politiques, fin stratèges, brillants orateurs, et porteurs d’une vision continuent d’exister, ils ne seront crédibles qu’en impliquant davantage les citoyens et en tenant compte de leurs propositions.

Nous allons vers un mix entre démocratie directe et démocratie représentative. Cela pourrait être des mandats impératifs comme le propose le collectif Mavoix aux prochaines législatives, ou bien des formes de démocratie liquide où le pouvoir de vote est confié à un délégué plutôt qu’à un représentant.

En fait, c’est vraiment la conception de la représentativité qui va réellement changer.

Qu’est-ce qui va changer dans les années à venir ?

E.B : A mon sens, il serait souhaitable que les citoyens prennent des responsabilités au sein des institutions via des chambres légiférantes tirées au sort, des organes de contrôle ou autres. Tout est à inventer mais il faut être précautionneux. La Vème République est has been, a été écrite par et pour le Général de Gaulle à une époque qui n’a plus rien à voir avec le monde dans lequel nous vivons. Toutefois, si une nouvelle constitution est évidemment souhaitable, il faut être bien conscient qu’elle peut ouvrir la boîte de Pandore et créer de nouveaux « monstres politiques ».

Egalement, une plus grande participation des citoyens à la vie politique entraîne une plus grande influence des médias. Et il y a toute une éducation à faire aux fake news, au médias alternatifs, aux conflits d’intérêts existants, nous allons devoir bosser, affûter notre esprit critique, et développer notre propre libre arbitre.

« Sors-toi les droits ! », ça sort quand ?

Le 7 juin. A ce stade nous sommes en pleine campagne kisskissbankbank. C’est aussi grâce au public que le projet grandit. Nous avons pu récolter une première partie des fonds qui a permis de finaliser le film (mixage son, étalonnage) et nous cherchons désormais à le diffuser le plus largement possible. Nous souhaitons également construire un kit pédagogique à destination des enseignants pour leur cours d’éducation civique. Le but est de faire connaître les grands enjeux de notre démocratie et familiariser les nouvelles générations aux Civic Tech.

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Via un article de Helene Vuaroqueaux, publié le 1er juin 2017

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