Rencontre dans un atelier de restauration à Rennes

Le 22 mars 2017, Doc@Rennes avait rendez-vous chez Marie.

L’atelier de Marie, en rez-de-chaussée, est un ancien commerce avec une grande vitrine. Dans la pièce principale, on trouve une grande cisaille, des tables hautes, un meuble à plan…

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Sur une des tables de travail, Marie a disposé des matériaux pour chaque étape d’une intervention sur un document.

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Colles, spatule chauffante, pinceaux et outils de précision.

Le dépoussiérage tout d’abord, une opération moins anodine qu’il n’y paraît : la poussière est source de développement de moisissures et le papier est un matériau poreux. On la retire selon la cas, avec pinceaux, par aspiration, gommage… Mais attention, pas de gomme contenant des résidus soufrés qui resteraient entre les fibres !

Hé oui, en restauration, on coupe souvent les cheveux en quatre (plutôt les fibres), voire en dix, -tendance maniaque– et on se projette dans la matière. Le papier, c’est de l’organique  ! Et donc de la physique et de la chimie !

Ensuite on parle d’eau : savez-vous que pour être nettoyé, un papier peut être humidifié, un peu, beaucoup, jusqu’à prendre un véritable bain ?! Cela se passe plutôt côté cour : une seconde pièce est réservée aux traitements dits «  humides  » et au séchage des documents.

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Puis nous évoquons les réparations, que faire quand un papier est déchiré, troué, scotché… ? Papiers de divers grammages, occidentaux, orientaux, teintés ou non… De fines bandelettes pour les déchirures, au renforcement complet d’un document si besoin, le papier peut être si fin qu’il devient transparent comme un voile (magique !).

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En restauration, chaque bout de papier compte !

Voilà que nous parlons à nouveau chimie avec des matériaux synthétiques cette fois, issus de la bonne vielle pétrochimie. Ils sont employés pour leur stabilité (hé oui, ça ne se dégrade pas :-/ ) polyesters, polyéthylènes, etc. Pochettes de conservation, matériau de contact laissant passer l’air, ne collant pas, etc.

Les colles doivent être, elles aussi, de grande qualité. Naturelles (colle d’amidon), de synthèse (ether cellulosique), mélangées à de l’eau ou de l’alcool, leurs propriétés sont infinies…Mais attention, les matériaux de conservation sont très coûteux et distribués par de rares enseignes spécialisées (et concentrées).

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Un document renforcé, du papier japonais, du Tyvec, un plioir en téflon, un scalpel…

Sachez également que le métier de restaurateur/trice n’est pas créatif pour un sou ! (au sens artistique) Comme le traducteur, qui doit respecter le texte original, le restaurateur est au service de l’œuvre d’un autre. Par contre, il peut l’être au sens ingénieux  : créer des dispositifs, fabriquer ses outils, rompre avec la tradition en hybridant papier et matériau synthétique pour imiter le parchemin, le cuir… Le restaurateur maîtrise raisonnablement le DIY et la bidouille, mais pour ses clients [ses parents aussi] il doit toujours avoir l’air propre sur lui , et sûr de lui aussi ;).

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Montage d’un parchemin en tension grâce à des ficelles torsadées qui réagiront à l’humidité ambiante.

Par exemple, la reliure dite « de conservation  », est une reliure en parchemin, inspirée d’une technique du 16e siècle. Elle a été adaptée pour n’utiliser aucune colle et permettre une ouvrabilité maximale sans contrainte pour le corps d’ouvrage.

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Reliure de conservation.

Au long de la soirée, nous avons parlé de bien d’autres choses, de nos formations universitaires (nous ne sommes pas issues des métiers d’art), de déontologie, d’authenticité mais aussi de la [dure] réalité d’un métier majoritairement free lance : ses charges financières, ses contraintes, sa clientèle privée, publique, ses passations de marché, ses revenus

La conservation-restauration : un métier d’art et de science ! Un métier de passion et de conviction que je vous encourage à découvrir à une autre occasion : journées du patrimoine, visites d’atelier, etc.

Encore merci à Marie de nous avoir reçu-e-s et aux curieux-ses de doc@rennes.

Marianne

« J’ai trouvé cette rencontre très animée, où chacun apportait son expérience et sa curiosité, pour certaines dans des pratiques graphiques bien particulières, moi-même pratiquant toute sorte de supports et pigments. » (…) « J’ai énuméré la belle suite de vocabulaire que j’ai entendu lors de cette soirée sur un diaporama » Saturnino

En pièce-jointe, les notes de Saturnino à lire, à compléter… à votre guise ! 20170322_restauration_docarennes


Doc@Rennes

Le collectif doc@Rennes s’est construit début 2014, il a pour objectif de rassembler les professionnels des milieux de la documentation (bibliothécaires, documentalistes, archivistes) mais aussi de la culture ou de l’éducation… et de leur permettre de se rencontrer et de partager leurs connaissances.


URL: http://docarennes.wordpress.com/
Via un article de Benoît Vallauri, publié le 7 mai 2017

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