Système alimentaire 3.0 : les voies de la disruption

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On nous dit que tous les secteurs vont se faire ubériser. Toutes les industries, dépiécées. Si l’on entend l’ubérisation comme une “entrée agressive sur un marché, anciennement régulé, via une plateformisation et flexibilisation de la main d’oeuvre” cette forme de disruption peut-elle s’appliquer au secteur alimentaire ? J’entends de plus en plus cette question dans les échanges que je peux avoir avec les acteurs du secteur. Alors je me suis interrogée sur ce qu’impliquerait un modèle à la Uber appliqué au système alimentaire, et quelles autres formes de disruption semblaient émerger, liées à la digitalisation de l’agriculture, et aux modèles collaboratifs basés sur la mutualisation, le pair-à-pair et la décentralisation.

Le système alimentaire est aujourd’hui bien verrouillé. Contrôlé par quelques acteurs, mastodontes de l’industrie agro-alimentaire ou de l’industrie des semences et produits phytosanitaires, fédérations de gros agriculteurs, la voix des petits producteurs et des consommateurs a du mal à se faire entendre. Après de multiples scandales, vache folle, viande de cheval dans les lasagnes, crise du lait, la défiance de la population vis à vis du monde agricole grandit. Les mangeurs en quête de transparence se dirigent de plus en plus vers le bio et les circuits courts, qui jouent la carte du lien direct et de la confiance. Les “marginaux” commencent à s’organiser, inventent des alternatives pour contourner la mainmise de ces grands groupes en quête de profits. Face à ce constat et ces dynamiques à l’oeuvre, j’ai voulu enquêter pour comprendre comment le système alimentaire pourrait évoluer dans les années à venir.

Se réapproprier les systèmes alimentaires

De la production de masse à la production par les masses, de la distribution de masse à la distribution par les masses, comment les individus se réapproprient-ils leurs systèmes alimentaires ? Comment un système alimentaire plus décentralisé, avec un pouvoir plus équitablement réparti, pourrait-il se structurer ? Quelles sont les difficultés, les limites à la mise en place d’un système alimentaire décentralisé ? Plus généralement, quels acteurs pourraient aujourd’hui mettre un coup de pied dans la fourmilière et forcer le secteur à se réorganiser, comme Uber l’a fait pour l’industrie des taxis ? Où se situent les nouveaux enjeux de pouvoir ? Quels sont les impacts de ces nouveaux modèles sur l’évolution du métier d’agriculteur ? Voilà dans les grandes lignes les questions abordées par cette étude. Sans prétendre à l’exhaustivité, j’ai jeté des pistes de réflexion qui seront, je l’espère, l’occasion d’ouvrir des débats sur ces questions, et des recherches plus approfondies.

Dans les grandes lignes…

Le résultat de cet état des lieux a fait ressortir les grandes thématiques suivantes :

  • Malgré un mouvement des growers en plein développement (17 millions de jardiniers en France), les législations actuelles rendent difficile la vente d’aliments en direct par des particuliers.
  • De nombreuses initiatives en matière de distribution décentralisée / en circuit court émergent, mais la filière a du mal à se structurer – chaque acteur agissant de son côté dans une logique de silos – et manque d’efficacité dû à l’absence de mutualisation/coopération, logistique notamment.
  • Le Big data jouera une importance capitale dans la future structuration du secteur, aussi bien pour le contrôle de la production (internet des objets, fermes connectées) que de la distribution.
  • La disruption du secteur commence par les activités de service : conseil, location de matériel agricole, entreprises de travaux agricoles, ou encore restauration et livraison à domicile de petits plats.
  • Et surtout, en filigrane, se profile une transformation du métier d’agriculteur. L’agriculteur de demain sera-t-il comme le pilote d’avion, surveillant les machines qui font le boulot à se place, et n’intervenant qu’en cas de soucis ?

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Via un article de Myriam Bouré, publié le 18 novembre 2016

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