Pour une médiation numérique DES SAVOIRS

Il y a quelques années j’ai proposé une définition de la médiation numérique :

La médiation numérique est une démarche visant à mettre en œuvre des dispositifs de flux, des dispositifs passerelles et des dispositifs ponctuels pour favoriser l’accès organisé ou fortuit, l’appropriation et la dissémination de contenus à des fins de diffusion des savoirs et des savoir-faire.

Pour moi il s’agissait de définir un « concept opérationnel » permettant d’introduire le numérique dans les établissement en se gardant de tout solutionnisme technique.

Ce concept a rencontré beaucoup d’intérêt de la part des bibliothécaires au fil des années. Il a été largement adopté par le secteur des EPN et de la formation citoyenne au numérique. Il y a pris le sens d’une « recherche d’autonomie » suite à des apprentissages centrés sur les outils. J’ai déjà exprimé mon désaccord avec cette approche. Plus largement, la notion a été adoptée comme un concept étendard pour tout le secteur de la formation citoyenne au numérique. Une association s’est créée : Numédia sous l’égide de Loïc Gervais et même le secrétariat d’état au numérique s’est emparé du concept et a créée Le portail de la médiation numérique. Il y est proposé cette définition :

La « Médiation Numérique » désigne la mise en capacité de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages, c’est-à-dire développer la culture numérique de tous, pour pouvoir agir dans la société numérique. Elle procède par un accompagnement qualifié et de proximité des individus et des groupes (habitants, associations, entreprises, élèves, étudiants, parents, professionnels…) dans des situations de formation tout au long de la vie facilitant à la fois l’appropriation des techniques d’usage des outils numériques et la dissémination des connaissances ainsi acquises. Elle est donc au service, notamment, de l’inclusion numérique et favorise les coopérations utiles aux réalisations et aux innovations en faveur du bien commun.

On le voit, on parle ici de culture numérique. La médiation est une médiation au numérique, sous entendu aux compétences, outils et savoirs-faire qu’il implique. 

Est-ce la même approche que la mienne ? Non !

Dans l’approche de la médiation numérique qui est la mienne, l’enjeu est de concevoir des dispositifs pour former aux savoirs et aux savoir-faire, mais pas exclusivement numérique ! Qu’on comprenne la nuance : ne pas former qu’au numérique, mais former aux savoirs et aux savoir-faire à travers le numérique. Ne pas former (uniquement) à la recherche d’information mais créer un service de recommandation comme Jenesaispasquoilire (Lorient).

Comment distinguer les deux approches ? 

Je propose de parler désormais de médiation numérique des savoirs et non plus de médiation numérique tout court. La nuance est importante ! 

pablo

Pourquoi est-ce important à mon sens de faire cette distinction ? 

Parce que je vois passer parfois des annonces d’emplois dans des bibliothèques de « chargé de médiation numérique » qui n’ont plus rien à voir avec l’ambition de la médiation numérique des savoirs. Deux deux choses l’une, soit recruter un « médiateur numérique consiste à :

  • recruter quelqu’un qui a des compétences sur les outils et qui va former ses collègues ou les publics. Dans ce cas il va concentrer des compétences et les mettre à disposition en organisant des formations interne ou externes à la photographie numérique, aux jeux vidéo, ou aux imprimantes 3D, etc. Compétences clés : très bonne culture numérique, maîtrise des outils, des enjeux et capacité à transmettre.
  • recruter quelqu’un qui va organiser une stratégie de médiation dans l’établissement. Cette personne ne va pas être un spécialiste du numérique mais un coordinateur, un facilitateur du développement de dispositifs de médiation des savoirs via le numérique. Il a surement besoin de certaines compétences liées au numérique, mais son rôle est de s’appuyer sur les compétences sur les contenus de ses collègues pour que le numérique serve à faciliter les apprentissages et la diffusion des idées. Son rôle est de coordonner la production des dispositifs de médiation pas de concentrer des compétences numériques. Compétences clés : bonne culture numérique, maîtrise des enjeux, très bonne capacité à transmettre et à organiser des projets transversaux (ce qui en fait des profils rares). Voilà un exemple d’annonce de recrutement de Strasbourg (annonce ancienne de 2012)

Avec cette confusion, pour une direction de bibliothèque, le risque est réel de se tromper en exerçant une violence sur des équipes à qui l’on signifie par le recrutement d’un médiateur numérique : « Allez maintenant il faut tous vous former au jeux vidéo, c’est là qu’est la demande ! ». Alors que le discours efficace vise à poser le principe d’une médiation de TOUS les savoirs et savoir-faire par le numérique, c’est-à dire de s’appuyer sur les compétences des bibliothécaires sur les collections, sur les contenus. Aucun besoin que toute une équipe soit à fond sur le numérique, mais gros besoin que tout le monde soit à fond sur la médiation des savoirs. 

3 images pour résumer : 

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Via un article de Silvae, publié le 18 septembre 2016

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