La crise du droit d’auteur au Canada

par Michael Geist Université d’Ottawa

Il suffit d’un tour d’horizon rapide pour constater que la culture canadienne ne s’est jamais mieux portée. D’Avril Lavigne à Yann Martel en passant par Denys Arcand, les Canadiens remportent un succès mondial sans précédent tant auprès des critiques que du public en raflant sur leur passage Grammys, Bookers et Oscars.

Dans la même veine, les réussites canadiennes dans le milieu de l’éducation et d’Internet sont remarquables, surtout depuis que le Canada est devenu le premier pays au monde à brancher la totalité de ses écoles à Internet.

Extrait de l’article publié sur le site d’université d’Ottawa

Malgré ces bons coups, la culture et l’éducation canadiennes se retrouvent au cœur d’une querelle à propos de la réforme du droit d’auteur. Les politiciens, les lobbyistes et des millions de Canadiens ont en effet passé une bonne partie de l’automne à débattre sur le projet de loi C-60, la réforme tant attendue du droit d’auteur numérique au Canada. Même si une partie du projet de loi rétablit un équilibre admirable, la grande déception tient à ce que le projet de loi ne projette pas une vision positive de la réforme du droit d’auteur au Canada qui élargirait l’accès à la culture canadienne et ouvrirait de nouvelles portes tant à nos artistes qu’au milieu de l’éducation.

Prenons les réformes proposées en éducation, dont l’objectif évident est de faciliter l’éducation assistée par la technologie et la diffusion numérique des collections de bibliothèques. Malheureusement, elles n’atteignent pas cet objectif puisqu’elles assortissent les nouvelles dispositions de restrictions très contraignantes, ce qui les rend à peu près inutiles.

Le projet de loi C-60 vise à promouvoir l’apprentissage par Internet en permettant aux écoles de diffuser des leçons contenant des objets protégés par droit d’auteur. Par contre, il restreint ce nouveau droit en forçant les écoles à détruire le plan de leçon dans les 30 jours suivant la fin du cours. De surcroît, les écoles devront tenir un registre, pendant trois ans, des leçons utilisées ainsi que des dates d’impression et de destruction de ces leçons.

Les dispositions relatives aux bibliothèques sont encore plus pénibles ; elles transforment les bibliothécaires en véritables « serruriers numériques », curieusement forcés de restreindre l’accès au savoir pour le diffuser. Le projet de loi permet en effet aux bibliothèques et services d’archives de procurer à leurs utilisateurs des documents numériques. Pour ce faire, toutefois, ils doivent limiter encore davantage la diffusion et la reproduction des documents numériques et restreindre la durée de l’utilisation à sept jours.

On peut faire mieux. Sous la direction de ses ministres de l’Industrie, de John Manley à David Emerson, le Canada s’est bâti une infrastructure Internet de calibre mondial. Après avoir investi des milliards dans cette infrastructure, le gouvernement fédéral ferait bien de mettre en place des politiques qui mettront cette nouvelle technologie au service de la croissance économique, de l’éducation, de l’innovation, de la recherche et de la diffusion de la culture canadienne.

À court terme, il faudrait modifier les dispositions du projet de loi

Michael Geist est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique à l’Université d’Ottawa. Écrivez-lui à mgeist@uOttawa.ca ou passez sur son site.

Sous la direction de Michael Geist, In the Public Interest regroupe des essais sur l’avenir de la législation du droit d’auteur au Canada. Il est possible de l’acheter ou de le télécharger gratuitement à partir du www.irwinlaw.com.

Posté le 27 novembre 2005

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