Un bilan du caucus des droits de l’homme lors du SMSI à Tunis par Iris

Le caucus des droits de l’homme tire le bilan de la phase de Tunis du SMSI
Déclaration de Meryem Marzouki, co-responsable du caucus, à la conférence
de presse de clôture consacrée aux droits de l’homme et à la liberté
d’expression - 18 novembre 2005

Repris d’un communiqué diffusé par l’association Iris

Il y a plus de trois ans, en juillet 2002, le caucus des droits de l’homme
a été formé avec trois objectifs :

1. Inscrire les droits de l’homme à l’agenda du Sommet et affirmer leur
centralité dans la société de l’information
2. Élaborer des contributions détaillées pour traduire les droits de
l’homme dans la société de l’information
3. Sensibiliser tous les participants au Sommet, et au-delà, le grand
public, à l’importance de la place des droits de l’homme dans la société de
l’information.

À l’issue de la phase de Genève, nous déplorions déjà que la Déclaration de
principes se contente d’une référence à la Déclaration universelle des
droits de l’homme, et qu’aucun mécanisme ne soit prévu pour la mise en
oeuvre concrète du respect des droits de l’homme dans la société de
l’information. Deux années plus tard, aucun progrès n’a pu être constaté de
ce point de vue. Le caucus des droits de l’homme réitère sa revendication
principale, portée par Mme Shirin Ebadi lors de la cérémonie d’ouverture de
la phase de Tunis, à savoir la nécessité de former, à l’échelle des Nations
Unies, une commission indépendante, formée d’experts internationaux, sur la
société de l’information et les droits de l’homme pour contrôler et évaluer
les pratiques et politiques nationales et régionales en matière de droits
de l’homme, de démocratie et d’État de droit dans le contexte de la société
de l’information.

En tant que caucus des droits de l’homme, nous nous sommes intéressés
autant à la substance des engagements pris qu’au processus de déroulement
du Sommet. Ce processus a été marqué bien souvent par l’arbitraire sous la
pression de certains gouvernements : ainsi, l’un des membres du caucus,
l’organisation Human Rights in China, s’est vue dénier l’accréditation pour
des raisons administratives, suite aux manoeuvres procédurales conduites
par le gouvernement de la République populaire de Chine. En revanche, de
très nombreuses OVG (Organisations véritablement gouvernementales) ont
obtenu leur accréditation sans aucun problème, quand elles ne bénéficiaient
pas carrément du statut ECOSOC. Ces OVG, notamment tunisiennes, n’ont pas
cessé de troubler le travail des groupes de la société civile, spécialement
du caucus droits de l’homme. C’est pourquoi le caucus des droits de l’homme
appelle les Nations Unies à mettre en oeuvre des garanties de procédure
pour mettre fin à ce règne de l’arbitraire. Cela vaut en particulier pour
les règles d’accréditation ECOSOC, et les règles d’accréditation à des
conférences spécifiques. Nous saluons la volonté des Nations Unies, en
particulier du Secrétaire général M. Kofi Annan, d’adopter une politique
plus inclusive vis-à-vis de la société civile. Mais ces efforts resteront
lettre morte tant que ce seront les seuls gouvernements qui pourront
décider de l’accréditation des entités de la société civile, sans aucun
contrôle par des commissions indépendantes ni réel recours.

Enfin, nous ne saurions passer sous silence les difficultés extrêmes dues à
la tenue de la deuxième phase du SMSI en Tunisie. Le caucus des droits de
l’homme en a particulièrement fait les frais tout au long de cette deuxième
phase. Ces trois jours de novembre à Tunis ont constitué un point de non
retour, avec l’escalade de violence et de répression que nous avons pu
observer à l’encontre de nos camarades tunisiens et ressentir nous-mêmes.
En solidarité avec nos partenaires tunisiens de la société civile
indépendante, le caucus, avec plus d’une centaine d’ONG internationales,
avait prévu la tenue d’un Sommet citoyen sur la société de l’information,
pour discuter des thèmes du SMSI dans une perspective citoyenne. La tenue
de ce Sommet citoyen a été empêchée par les moyens les plus violents, et
les pressions les plus indignes. Nous sommes obligés de constater, avec les
observateurs du monde entier, que ce qui était possible à Pékin en 1995 en
marge de la Conférence de l’ONU sur la femme, a été interdit à Tunis en
2005 en marge du Sommet de l’ONU sur la société de l’information. Le caucus
des droits de l’homme demande à l’ensemble des médias, des gouvernements,
de la société civile, et plus généralement à tous les participants et les
observateurs de ce Sommet, de demeurer vigilants sur la situation en
Tunisie après le SMSI.

Le caucus des droits de l’homme s’est situé dès le départ dans la
perspective de l’universalité et de l’interdépendance entre tous les droits
de l’homme, droits civils et politiques aussi bien que droits économiques,
sociaux et culturels, sans oublier le droit au développement. Trente années
après les débats sur le Nouvel ordre mondial de l’information et de la
communication, dix ans après la Conférence de Vienne sur les droits de
l’homme, le gouvernement tunisien, comme certains autres gouvernements, ose
encore opposer la question du développement à la question des libertés, des
droits fondamentaux et de la démocratie. Le caucus des droits de l’homme
estime que le gouvernement tunisien a non seulement perdu une occasion
unique de hisser le respect des droits de l’homme au niveau des résultats
du pays en matière économique et sociale, mais est en voie de gâcher les
acquis obtenus par le peuple tunisien en ce domaine, à cause d’une
politique de contrôle et de censure étouffant toute créativité. Nous
demeurons convaincus qu’il ne peut y avoir de développement sans
démocratie, de même qu’il ne saurait y avoir de démocratie sans développement.

  • Contact : redac-li@iris.sgdg.org
Posté le 23 novembre 2005

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