mutation intergénérationnelle

Préambule

On parle souvent de dialogue intergénérationnel pour en souligner le manque et esquisser des solutions ; mais c’est de mutation auquel il faut faire face et appréhender sous tous ses aspects.
Entre les retraités qui ont un pouvoir d’achat relativement important et des jeunes qui galèrent pour accéder à un emploi stable et bien rémunéré, nous avons la tranche médiane des actifs qui cumulent profession de plus en plus stressante, peur de la perte d’emploi et contraintes liées à l’éducation des enfants.
Cette situation risque de mener à des tensions croissantes et à des ruptures de solidarité ; tendance accélérée par l’individualisme exacerbé qui brise les solidarités.

C’est donc bien une mutation qu’il faut mener si l’on veut évoluer vers une société où il fait bon vivre ensemble. C’est d’autant plus possible que nous n’avons jamais vécu dans une société qui créé de si nombreux biens et services.

Une approche de proximité pragmatique

Nous avons vu que les solutions globalisantes dans le cadre de politiques générales ont leur limite.
C’est le cas des 35 heures qui ont certes amené de la création d’emploi, mais pêché par une approche trop rigide et globale, peu adaptée aux spécificités des différentes branches. Les difficultés concernant le personnel hospitalier en sont un exemple.
Une adaptation pragmatique de la durée du travail à l’activité de l’entreprise, incorporant des mécanismes de solidarité, est une de solutions.
En ce qui concerne la mutation des rapports intergénérationnels, les initiatives locales à l’échelon adapté, de la communauté de commune à la région, font partie des solutions qu’il faut promouvoir.
C’est ce niveau qu’il faut privilégier pour créer une dynamique d’entrainement par comparaison et mise en réseau des expériences, et déboucher ensuite éventuellement sur des politiques plus globales, au niveau national et européen.

La rupture numérique comme levier de la mutation

La notion de mise en réseau et de partage des expériences évoquées précédemment illustre le rôle indispensable des outils numériques dans la mise en œuvre de cette mutation.
L’impact politique et humain de cette rupture, les potentialités sont encore mal appréhendées par des approches timides qui se limitent souvent à la réduction de la ’fracture’ numérique au sein de populations : les vieux, les pauvres... Elle relève toujours de cette approche analytique par catégorie, dénoncée de plus en plus à juste titre par le terme de ’silos’.
Les outils numériques nous donnent les moyens d’agir en terme d’approche systémique et dynamique, entre acteurs considérés comme séparés et antagonistes.

La transmission des savoirs entre seniors de l’informatique et juniors du numérique : un cas exemplaire

La classification suivante en 4 type acteurs des métiers de l’informatique et du numérique peut se révéler pertinente pour élaborer les solutions a la hauteur de la mutation indispensable :

  • Les anciens de l’informatique :
    Il s’agit des retraités qui ont vécu les mutations de l’informatique depuis un demi-siècle.
    La mondialisation existe depuis un demi siècle dans ce domaine.
    Ils ont été parmi les premiers à expérimenter la gestion par projet propre aux processus d’informatisation dans les organismes et les entreprises.
    Ils se sont confrontés à la difficulté de la relation avec des utilisateurs qui les considéraient comme des experts d’un autre monde.
    Ils ont vécu l’augmentation progressive des exigences et des compétences des utilisateurs liés à l’introduction de l’informatique dans les années 80 puis à la généralisation de l’Internet dans les années 90.
  • les seniors entre 50 ans et l’âge de la retraite
    Il sont arrivés dans la profession au moment de la généralisation de la micro-informatique.
    À part le fait qu’ils sont plus nombreux et dans des contextes plus diversifiés ( entreprises et sociétés de service, éditeurs de logiciel, constructeurs informatiques), il ont globalement le même ’background’ que les plus anciens.
    Les méthodologies d’informatisation qu’ils emploient ont évolué vers des solutions dites incrémentales et agiles, prenant en compte l’apprentissage lié aux échecs et difficultés d’informatisation.
  • les professionnels entre 30 et 50 ans
    Ils vivent en plein la mutation liée à l’augmentation des savoirs et des exigences des utilisateurs.
    Les fondamentaux n’ont pas fondamentalement changé en ce qui concerne les savoirs techniques ; mais les exigences d’adaptation aux mutations croissantes des entreprises sont très contraignantes.
  • la génération en transition difficile entre l’école et le travail
    On voit bien qu’il y a un problème d’insertion dans la vie professionnelle, même pour ceux qui ont
    un métier de l’informatique. En même temps on constate une plus grande créativité et une sorte de continuité entre la vie quotidienne et la vie professionnelle, par un processus d’individuation depuis l’enfance qui a intégré l’usage des outils numériques.
    Leur acquisition de savoirs informatique en fait des acteurs précieux pour l’avenir.

Ces types d’acteurs sont confrontés dans la même classe d’âge à une majorité d’acteurs qui n’ont pas acquis de savoirs informatiques structurés.
Pour réussir une coopération fructueuse entre types d’acteurs ayant ou n’ayant pas de compétences informatiques , il convient de dénoncer un certain nombre d’idées reçues.

Ce n’est pas parce que des jeunes se révèlent ’agiles’ à cliquer qu’ils maitrisent les savoirs permettant une utilisation harmonieuse des outils numériques, que ce soit pour un activité ludique ou une activité pré-professionnelle menant à une qualification professionnelle.

Les anciens et les seniors de l’informatique ne sont pas dépassés dans le domaine du numérique, comme le sont trop souvent les gens d’une même classe d’âge qui n’ont pas ces compétences.

Lieux d’innovation et de culture partagée :
les tiers-lieux et les Fablab

Fort heureusement tout n’est pas à inventer et à élaborer pour réussir la mutation.
Les tiers-lieux et autres Fablab ont émergés pour répondre à ce besoin que les institutions traditionnelles ne peuvent initier. Des initiatives comme l’école 42 et Simplon vont dans ce sens.
On voit déjà dans les Fablab de façon informelle, et sans volonté explicite de collaboration intergénérationnelle, coopérer sur des projets différentes classes d’âge.

Des acteurs font des choses en commun ; le terme ’maker’ emprunté à l’anglo-américain l’illustre bien. Pour le contexte français, voici une bonne occasion de dépasser le mépris du travail manuel qui fait tant de mal à notre culture et à notre économie.
Les ’appariements’ souhaitables compte tenu des contraintes économiques sont les suivants :
les anciens et les seniors des grandes entreprises ou des organismes comme les collectivités, dans la cadre de la responsabilité sociétale d’entreprise, ont un rôle à jouer dans le cadre de projets ou des plus jeunes vont parfaire leurs savoirs, leurs pratiques, et acquérir des qualifications leur facilitant l’accession à une activité professionnelle.

Bien évidement les juniors de l’informatique, qui n’ont pas encore accédé à une activité professionnelle les accaparant exclusivement, ont aussi leur rôle à jouer principalement auprès de
personnes de classe d’âge proche dans ce contexte.

Les professionnels en pleine activité seront eux moins disponibles pour ce genre d’activité…
Mais ils ont assez dans le travail à accomplir pour moderniser leur organisation.

En guise de conclusion

La prise en compte de ces préconisations par les responsables des politiques locales ajoute une offre supplémentaire à la palette de moyens par lesquels ils peuvent efficacement agir.
On voit bien qu’il faut faire preuve d’audace, d’imagination, d’inventivité.

Les acteurs de cette mutation ne travaillent pas ou de moins en moins dans une approche monoactivité.
Les exemples, les possibilités décrites ci-dessus le montrent bien.

Posté le 9 juin 2016 par Rastetter Yvon

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