Les réseaux numériques, nouvelles utilités publiques

« Les sièges sociaux louaient à bon prix leurs mètres carrés aux entreprises innovantes de la commune puisque les salariés n’étaient plus autorisés à emprunter les transports en commun ; l’immobilier scolaire avait été temporairement reconverti pour héberger les familles vivant en habitat insalubre. Depuis l’apparition des premiers foyers de “grippe à l’Ouest de la France, où malgré les mesures prophylactiques, les élevages porcins trop proches des volailles avaient facilité sa transmutation à l’espèce humaine, les directives étatiques interdisaient les déplacements fréquents favorisant la promiscuité des personnes.
Heureusement l’activité économique avait pu être maintenue à un niveau suffisant pour éviter la récession, principalement due au très haut niveau de connectivité des français, les autorités régulatrices ayant demandé aux opérateurs d’assurer la continuité du réseau sur l’intégralité du territoire ».

Reprise d’un article publié par Internet actu
Dans : Opinions , Politiques publiques, gouvernance - Par Denis Pansu le 20/10/2005

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

Il pourrait s’agir d’un scénario rédigé pour ProspecTIC 2010, initiative co-animée par l’IREPP et la FING [1], mais il n’est pas exclu qu’il devienne réalité dans quelques années voire quelques mois !

Dans le futur, octobre 2005 restera assimilé aux premiers temps de la mobilisation générale en Europe pour contrer la première pandémie du XXIe siècle [2]. Mais l’apparition de tels phénomènes sont réguliers à l’échelle du siècle, les climatologues nous le rappellent souvent.

Quand les spécialistes recommandent l’arrêt de moyens de transports ou la fermeture de lieux collectifs, la question est de savoir comment s’organiser pour gérer les effets très désorganisateurs de tels événements. Je ne parle pas des dispositifs sanitaires qui sont de la responsabilité de l’Etat et des organisations de santé mais de toutes les organisations rassemblant un grand nombre de personnes. Les contraintes socio-économiques étant très élevés, les pays les moins préparés risquent de dangereux décrochages. Si l’on ajoute des contraintes de long terme telles que la déplétion pétrolière [3] qui devrait survenir avant vingt ans, les ingrédients sont réunis pour un cocktail au goût très amer. !

Ce tableau très sombre ne peut-il pas être contrebalancé par un développement accru des usages en réseau des TIC ? Dans un tel contexte, il ne s’agit plus de considérer cet apport comme dynamisant ou complémentaire mais déterminant pour assurer la continuité des services publics et de l’activité socio-économique. Peut-on alors tolèrer l’absence de réseau haut-débit dans des zones rurales ou peri-urbaines ? Impossible, l’autarcie amenuiserait fortement l’autorité de l’Etat. Peut-on se contenter de pratiques minimum des logiciels ? Dangereux, trop peu de formation limite les usages coopératifs ce qui ralentirait gravement le fonctionnement des organisations.

Certes tout ne passe pas par le numérique, nombre d’activités logistiques et de maintenance requièrent des déplacements. Mais la limitation des flux humains ne peut que faciliter les activités sur site, vitales... notamment pour les réseaux numériques, dont la résilience devra progresser (voir ce qu’il s’est passé en Nouvelle Orléans et au Pakistan).

Le calendrier est court ! C’est maintenant qu’il faut agir. Un plan de déploiement exceptionnel des réseaux constituerait une bonne anticipation : des relais de téléphonie en zones rurales au réseau haut débit filaire et sans fil. Evaluer le taux de connexion par famille, par immeuble, par zone d’activité serait plus pertinent que par foyer ou par entreprise, afin de parer au plus urgent. Les espaces numériques de travail arrivent à point nommé dans le secteur éducatif mais ne faut-il penser à leur généralisation pour la prochaine rentrée ? Les espaces publics numériques ne doivent-ils pas être déployés au sein des habitats collectifs, incitant à de nouvelles convivialités indispensables en période de confinement ?

Le lecteur jugerait ce propos alarmiste ? Qu’a-t-on à perdre à accélerer la cadence ? Les avancées obtenues ne feraient que nous propulser favorablement dans une compétition mondiale où l’intelligence est notre seul salut vis-à-vis de pays émergents.

Denis Pansu

[1ProspecTIC 2010 : vous êtes invités à commenter les scénarii du futur, directement sur le site, mais aussi lors des des Rencontres d’Autrans du 12 au 14 janvier.

[2Jean-Philippe Derenne, François Bricaire, Pandémie, la grande menace, éditions Fayard (Amazon, Fnac).

[3Réduction du volume de production de pétrole provoqué par la limite physique des réserves. La vie après le pétrole de Jean-Luc Wingert, éditions Autrement (Amazon, Fnac).

Posté le 27 octobre 2005

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