Communs, Biens Communs, littératie des Communs : de quoi parle-t-on ?

Le 5 octobre, le festival Le Temps des Communs va être lancé. De nombreuses animations, conférences, ateliers sont proposés peut être près de chez vous.
Depuis quelques mois, on entend parler de « Biens Communs » et « Communs » aussi dans le domaine de l’information-documentation.
Petit point sur ces questions.

Que sont les Biens Communs ?

Biens communs = une activité+ une ressource + une communauté + des règles de fonctionnement

Apparue au XIIe siècle, la théorie des Biens Communs n’est donc pas neuve. Elle est remise au goût du jour en 2009 avec l’obtention du prix Nobel d’économie par Elinor Ostrom pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des Biens Communs,
Ils peuvent se définir comme un ensemble d’ACTIVITES organisées collectivement par une communauté selon un mode de gouvernance qu’elle définit elle-même afin de gérer, valoriser et protéger des ressources.
Les biens communs peuvent être matériels (un jardin partagé, une rivière, l’eau….) ou immatériels (Internet, une connaissance, un logiciel,...) Gérer un bien commun comme un bien privé peut conduire à sa destruction d’où l’importance d’une gestion « en commun. Dans l’enseignement, nous parlons plus particulièrement des Communs de la connaissance, en particulier numériques.

Pour en savoir plus :

Extrait de : http://fr.slideshare.net/VEBC/biens-communs

Biens Communs ou Communs de la connaissance ?

Une approche récente, voit un basculement des termes de « Biens communs » à celui de "Communs".
La première évoque une RESSOURCE (un bien donc) partageable dans le cadre de règles définies par une communauté qui a produit cette ressource avec deux objectifs : la maintenir et en garantir un accès le plus large possible.
La seconde approche, voit un basculement vers le terme de Communs avec une définition plus centrée sur les actions : Un ensemble d’ACTIVITES organisées collectivement par une communauté selon un mode de gouvernance qu’elle définit elle-même afin de gérer, valoriser et protéger des ressources.

Ce changement d’appellation est induit par la prise en compte des biens immatériels que sont les savoirs et les connaissances qui sont multipliables et copiables, à l’infini, notamment avec le numérique.
Pourtant avec le numérique, est apparu la nécessité de protéger et d’entretenir ces savoirs et ces données contre ce qu’on appelle des enclosures ou des usages abusifs.
Une enclosure, c’est le fait de priver une communauté de l’usage d’une ressource soit par la privatisation, soit par la dégradation. Dans le domaine des connaissances, cela revient à priver des utilisateurs d’une ressource documentaire. Silvère Mercier, sur son blog Bibliobsession, dresse une typologie des enclosures informationnelles qui empêchent un accès et un partage des connaissances et de la culture :

« Dans le domaine de l’information, clore revient à poser une frontière artificielle alors que l’ADN du numérique est de permettre le stockage et la dissémination à très bas coûts des biens informationnels qui sont par nature non rivaux, c’est-à-dire accessibles simultanément par plusieurs personnes. Or l’information peut-être un bien commun de la connaissance. »

Ainsi, les savoirs et données peuvent tout à fait disparaître ou être pollués.
- Par exemple, les fichiers stockés sur disquettes ou les films sur VHS sont devenus quasiment illisibles, les plate-formes de publication peuvent fermer (comme JogTheWeb) ou se restreindre (comme l’ont fait récemment Scoop.it, Narrable ou Pinterest…).
- Ils peuvent aussi être soumis à l’entreprise qui a fourni le logiciel ou la plate-forme pour le créer (un fichier .docx qui n’est lisible que par Microsoft qui fourni la fameuse « clé » ; les DRM sur les livres numériques...) ou le stocker (un document stocké sur DropBox ou Google Drive, soumet l’utilisateur a l’accès autorisé à la plate-forme)
- Ils peuvent aussi être dégradés comme par exemple sur Wikipédia avec les erreurs volontaires parfois glissées.

Concrètement, quel peut être le rôle de l’enseignement ?

Dans un contexte social, économique et culturel mouvant, les enjeux et les mutations de l’ « espace public médiatisé » (Habermas, 1962) de même que les pratiques informationnelles et culturelles sont modifiées. Ces bouleversements sont étudiés et accompagnés dans l’enseignement par les professeurs documentalistes dont la spécificité est d’être usagers et acteurs d’un contexte médiatique en perpétuelle évolution. Nous sommes amenés à réinterroger nos pratiques et contenus pédagogiques à destination des futurs citoyens que sont les élèves.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet intérêt pour les Communs :
• La viralité de la diffusion : avec les technologies numériques, les connaissances, savoirs et ressources se diffusent, se copient rapidement.
• La non rivalité (non concurrence) de ces ressources entre elles leur permet de croître sans cesse.
• Les questionnements autour de pratiques telles que le copié-collé.
• Le développement des activités de curation, d’agrégation sur des plates-formes telles que Scoop.it.

Peut-on enseigner les Communs ?

Il y a deux aspects à prendre en compte :

1- Les communs sont objet d’enseignement pour le professeur documentaliste à travers par exemple des notions et des séances autour de

La compréhension

  • Formation au droit
  • Notion de partage
  • Notion de libre
  • Espace et écosystème informationnel

L’esprit critique

  • Les enclosures
  • L’économie de l’attention et l’économie de l’information
  • Traitement et analyse des données personnelles

Le développement de la créativité

  • Culture de l’information : copie, partage, recommandation
  • Formation à la publication
  • Travail collaboratif

Voir (work in progress)https://www.mindomo.com/fr/mindmap/littratie-des-communs-de-la-connaissance-7548fb3a0bdc43d19939619f635c8563

Quelques exemples de séances

  • Les séances autour des encyclopédies collaboratives (wiki). Voir cet exemple.
  • Les séances autour de pratiques telles que le copié-collé et le document de collecte.
  • Les séances autour des images libres de droits et Creative Commons. Pour qu’une publication devienne un commun, il faut en assurer sa pérennité. Pour cela, on peut par exemple amener les élèves à se questionner sur les règles qu’ils choisissent de poser sur leur production ou développer une attitude active et critique face aux savoirs et contenus du Web.
  • Les activités de curation, d’agrégation et de recommandation.

2- Pour autant les Communs à l’Ecole ne se limitent pas à cela. Bien plus que de produire des Communs de la connaissance (des ressources sous forme d’images, textes, son, vidéos, ou données qui seraient gérées par la communauté de la classe par exemple), dans le respect du droit d’auteur et de ses usages élargis, on peut aussi enseigner les bases d’une littératie des Communs.

La littératie des Communs, c’est quoi ?

On peut définir la littératie des Communs comme un savoir lire/écrire dans une logique de savoirs et connaissances partagés permettant le développement d’une culture numérique citoyenne.
Il s’agit donc d’enseigner des connaissances, transmettre des savoir-faire et savoirs être qui garantissent la capacité des citoyens de demain à créer des Communs.
Cette littératie des Communs, soutenue notamment par le manifeste du collectif SavoirsCom1, peut être un point d’appui pour les professeurs documentalistes afin de proposer des capacités pour des citoyens de demain à créer des Communs.

EMI vs littératie des Communs ?

L’EMI, en s’appuyant sur ses dimensions éthiques et sociales, permet de prendre en compte des compétences nécessaires au développement des Communs de la connaissance.
A travers cette éducation aux médias et à l’information, la littératie des communs, vise à réinterroger l’accès au savoir et aux connaissances.
C’est en travaillant autour de la matrice EMI académique proposée par les TraAm de l’académie de Toulouse et des activités et des séances proposées, notamment dans le cadre de l’EMI (Éducation aux médias et à l’information) que le lien entre l’EMI et la littératie des communs est apparu à travers 6 objectifs d’enseignement :

  1. Etre auteur : consulter, s’approprier, publier (objectif 1)
  2. Comprendrer et/ou construire des écosystèmes informationnels (objectif 2)
  3. Partager des informations de manière responsable, reproduire, produire (objectif 3)
  4. Comprendre et expérimenter le Web et sa structuration (objectif 4)
  5. Assumer une présence numérique (objectif 5)
  6. Argumenter : analyser, développer un point de vue (objectif 6)

Pour aller plus loin

Une série de billets sur Doc pour Docs
Le site du collectif SavoirsCom1 notamment le manifeste
Une veillesur les Communs

Docpour Doc

URL: http://docpourdocs.fr/
Via un article de Hélène Mulot, publié le 5 octobre 2015

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