Sauf les annexes non mentionnées comme étant libres, ce DEA est libre selon les termes de la Licence Art Libre.
« Le copyleft appliqué à la création artistique. Le collectif Copyleft Attitude et la Licence Art Libre », Mémoire de DEA Arts des Images et Art Contemporain, soutenu en juin 2005 à l’Université Paris 8.
Antoine Moreau, juin 2005.
Copyleft : ce texte est libre, vous pouvez le redistribuer et/ou le modifier selon les termes de la Licence Art Libre. Vous trouverez un exemplaire de cette licence sur le site Copyleft Attitude http://www.artlibre.org ainsi que sur d’autres sites.
Le D.E.A. est mis en ligne ici
(téléchargeable au format .pdf et .sxw) :
http://antomoro.free.fr/left/dea/DE...
"Cette étude est
perfectible et c’est dans cette optique que je vais poursuivre en
tentant une thèse qui va en prolonger la recherche.
En vous souhaitant une bonne lecture, je vous remercie pour vos
commentaires et critiques éventuelles."
Pour donner envie d’aller plus loin voici une partie du sommaire suivie de l’introduction du mémoire.
La table des matières succincte
Introduction : le copyleft, une invitation à l’invention : 3
1ère partie : Le copyleft, une histoire en mouvement : 7
Les origines, les principes, les acteurs et les œuvres : 7
- Définition du copyleft : 7
- Rendre réel le copyleft : 8
- GNU, le projet de la Free Software Foundation : 9
- Aux sources du copyleft, de l’informatique libre par excellence : 12
- Des logiciels libres : 16
- La communauté du Logiciel Libre : 19
Des attitudes artistiques proto-copyleft : 23
- La position exemplaire de trois artistes contemporains : 25
- L’approche, par le contrat. L’exemple de « the Artist’s Reserved Rights Transfer and Sale Agreement » : 30
- Des œuvres proto-copyleft : 33
Du logiciel libre à l’art libre : 41
- Approches du Libre : 41
- Les raisons d’une extension du copyleft aux œuvres non logicielles : 43
- De la société comme espace de liberté libre ? : 44
- De l’art libre comme liberté libre : 46
2ème partie : Quand une attitude est trans-formes : Copyleft Attitude : 50
Introduction : des trouées dans les murs : 50
Copyleft Attitude : Historique, mise en oeuvre et motivations : 52
- Les rencontres Copyleft Attitude : 52
La Licence Art Libre : 67
- Rédaction et mise à disposition : 67
- La Licence Art Libre version 1.2 : 69
De la difficulté d’être en intelligence : 71
- L’appropriation du mot « copyleft » : 71
- De la présence en rapport d’altérité, l’attitude convenue des artistes : 74
L’attitude copyleft : para-artistique : 80
- L’art libre, qu’est-ce que c’est ? : 82
- La recherche d’art et de liberté, une répétition vaine ? : 83
3ème partie : Des créations à l’œuvre : 86
Introduction : Qu’est-ce qui fait, qu’est-ce qui se passe ? : 86
Des choses créées sans doute : 89
- Des choses que nous avons pu créer : 89
- Un choix d’oeuvres créées sous Licence Art Libre : 122
- Les para-oeuvres de Copyleft Attitude. Ce qui fait tronc commun : 130
- Des sites web non-artistiques ? : 135
Les évènements de Copyleft Attitude : 143
- Copyleft Party au web bar : 144
- Copyleft démo à « 2 pièces cuisine » : 146
- Copyleft sessions à EOF, Paris et à El Laboratorio 3, Madrid : 149
Ce qui est à l’œuvre avec le copyleft : 155
- L’art, une notion reformée : 155
- L’oeuvre, un objet révisé : 164
- L’artiste, une fonction recréée : 167
Conclusion : 170
Glossaire : 174
Bibliographie : 175
Table des matières : 18I
Introduction du mémoire
nventer c’est renversant, c’est renverser.
Non pas jeter aux orties le piquant du passé dont on voudrait faire table rase, mais relever ce piquant-là pour en retrouver tout le goût, toute la puissance bouleversante. L’objet qu’on découvre ainsi est celui qu’on invente. Inventer c’est bien cela : découvrir l’inconnu. Inventer c’est être sensible à ce qui existe déjà, c’est dévoiler précisément l’objet qui, présent, demeure invisible. Ainsi dit-on d’un trésor, qu’il a été inventé par la personne qui l’a découvert. Elle en est l’inventeur :
Article 716 du Code civil : Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard [...] L’inventeur d’un trésor s’entend de celui qui par le seul effet du hasard, met le trésor à découvert. 1
C’est peu de dire qu’une invention, ce trésor découvert, est une création renversante. Elle réévalue nos critères. De goût, de perception, de valeur. Elle est « révolutionnante ». Tout à coup le monde change, il a été dévoilé. Nous sommes, par cette création, transportés au lieu même de la création, au lieu même d’une origine, lieu sans fond, à laquelle nous sommes attachés en tous sens. Inventer nous gouverne, l’invention est là dans sa découverte pour notre gouverne.
C’est de transport dont il est question.
Si la vie est un espace de temps qui s’écoule depuis la naissance jusqu’à la mort, elle est loin d’être un long fleuve tranquille où ce qui coulerait de source serait d’ordre naturel. De source, de l’origine, c’est une contre-nature qui s’écoule, une anti-nature, une nature connexe à la nature proprement dite. Artificielle, culturelle, seconde nature qui vient corriger l’épreuve brutale de la nature première. Ainsi, tout ce qui vient discuter la loi dans le droit fil de celle-ci, tout ce qui vient chahuter la culture : l’art.
Le XX e Siècle aura été, en suite du siècle des Lumières, une époque qui a dû subir de nombreuses révolutions. Par la force de la volonté et la foi en des connaissances scientifiques, il aura été le théâtre qui, par ses acteurs multiples, aura voulu manifester une Révolution définitive et installer un paradis sur terre. La figer en somme. Aurons nous failli être révolutionnés au jour le jour, à la petite semaine, pris par ce désir fou d’inventer un éden et retrouver avec furie une place idéale au sein de l’univers ? En fait de lieu idéal, nous nous retrouvons seuls et nombreux à la fois au milieu « du vide et de la création », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Michel Cassé, astrophysicien au C.E.A (Commissariat à l’Energie Atomique) qui, dans son introduction nous dit : « Le dépouillement se fait abondance, le vide n’est plus l’absence. »2
Concevoir que le vide n’est plus l’absence, mais un lieu d’abondance est le fruit d’une opération révolutionnante. Cette abondance et cette présence, nous lui trouvons un écho dans les propos de Montaigne lorsqu’il désire par dessus tout : « quelqu’un qui me sache déplumer, je dis par clarté de jugement et par la seule distinction de la force et beauté des propos »3. Prendre en considération ce qui révolutionne nos façons de concevoir le monde c’est accueillir le monde lui-même dans ce qu’il a de réel. C’est, nous osons le dire, un principe de réalité. Principe de vitalité.
C’est bien pourquoi nous ne faisons pas, nous ne pouvons pas faire la révolution, mais bien plutôt c’est elle qui nous fait. Aujourd’hui, l’internet et le numérique sont moteurs de cette révolution. Le réseau des réseaux, depuis son invention, c’est à dire aussi, depuis que nous le découvrons et que nous en pratiquons les valeurs, ne cesse de renverser la donne du naturel social, économique, culturel et politique contemporain. Le monde se numérise, il mue, il mute et nous transforme profondément.
Un mot désigne le principe actif de la culture issue de l’internet et du numérique : copyleft. Nous allons dans ce mémoire de DEA, tenter d’en relever les contours lorsqu’il s’applique à la création artistique et d’en poser les problématiques.
Comment nous allons procéder.
Nous tenterons dans cette étude de découvrir le copyleft et ses conséquences pour la création artistique en nous appuyant sur l’expérience de « Copyleft Attitude », un regroupement d’artistes, d’informaticiens et de juristes dont nous sommes à l’initiative avec la création de la Licence Art Libre.
Il faudra préciser les mots, les valeurs convenues pour s’entendre, le lecteur et nous-même, sur ce que le mot veut bien dire quand les valeurs qui y sont liées sont transformées par un renversement de perspective.
Dans un premier temps, nous nous attacherons à décrire ce qui s’appelle « le mouvement du Logiciel Libre », d’où est issue la notion de copyleft. Nous expliquerons son concept, présenterons ses acteurs et ses créations dites « libres » pour ensuite déborder le seul logiciel et aborder la question de la création artistique sous copyleft. Nous ferons un détour par la création artistique conventionnelle en choisissant trois artistes exemplaires du lien existant entre les questions posées par l’art contemporain, le droit d’auteur et la création libre. Nous ferons part également de nos travaux personnels d’avant la découverte du copyleft et qui sont touchés par des préoccupations connexes.
Il sera temps alors de poser la question de la pertinence de l’extension du logiciel libre à l’art libre.
En un deuxième temps, nous relaterons la naissance de « Copyleft Attitude » et de la Licence Art Libre. Nous en expliquerons la genèse en montrant les motivations, les ambitions, les difficultés et les créations. Nous nous interrogerons aussi, pour ne rien éluder, sur les problèmes apparus au cours de l’existence de Copyleft Attitude. Cette deuxième partie s’achèvera en tentant de définir ce que la notion de copyleft fait à l’art et que peut vouloir dire « art libre ».
Dans la troisième et dernière partie de notre travail de recherche, nous exposerons un choix d’oeuvres créées sous Licence Art Libre : des œuvres personnelles avec leurs conséquences, des œuvres de trois artistes représentatifs de ce qui se fait avec le copyleft, des sites web non artistiques utilisant la Licence Art Libre et des objets nommés par nous « para-œuvres » qui ont une fonction au sein du collectif Copyleft Attitude.
Ensuite nous exposerons les évènements qui ont ponctué jusqu’à maintenant la vie de ce collectif. Ils ont été aussi la mise en œuvre de ce que le copyleft encourage : le partage des créations et le la bonne intelligence entre les auteurs (artistes et public).
Nous terminerons en essayant de comprendre ce qui est à l’œuvre avec le copyleft. Voir comment les notions d’art, d’œuvre et d’artiste sont reformées, révisées et recrées. Poser les enjeux de l’art libre et chercher ce qui se trame avec ce bouleversement opéré dans le droit d’auteur ordinaire.
Nous parlerons d’expérience. La nôtre, partagée avec les centaines d’auteurs qui ont créé des milliers d’œuvres avec la Licence Art Libre. Cette expérience, issue d’observations attentives et d’actions précises, nous la nourrissons de réflexions appartenant à d’autres domaines que celui de l’art comme la philosophie, l’informatique, l’histoire, le droit ou l’anthropologie.
Nous souhaitons que cette étude sur le copyleft appliqué à la création artistique explique bien les valeurs auxquelles sont attachées les artistes quand ils décident de créer librement selon les termes de la Licence Art Libre. Nous espérons poser aujourd’hui les premiers éléments d’une recherche plus approfondie qui envisagerait de développer la connaissance du copyleft en art dans sa complexité en abordant plus avant la question du droit d’auteur, de l’histoire de l’art et de la pratique des ordinateurs en réseau.