Filtrage automatique des contenus : l’ordre moral

Communiqué de presse d’IRIS - 16 septembre 2005

L’association IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire) apprend que
le gouvernement aurait l’intention d’instaurer, par une mesure
législative, le filtrage automatique et par défaut de l’accès à
l’information en ligne, au prétexte de la protection des mineurs.

Ce communiqué est publié sur le site d’Iris ->http://www.iris.sgdg.org]

Une proposition d’amendement législatif aurait ainsi été adoptée au
cours d’une réunion interministérielle le 31 août 2005. L’annonce de
cette proposition serait prévue le 22 septembre prochain, au cours de la
Conférence de la famille 2005. La mesure pourrait être introduite dans
le prochain projet de loi sur la prévention de la délinquance, sous la
forme d’un de ces « cavaliers législatifs » qui deviennent pratique
courante, bien que dénoncée par le Conseil constitutionnel.

L’amendement consisterait à ajouter à la loi pour la confiance dans
l’économie numérique (LEN), après le paragraphe sur les moyens
techniques de filtrage (Article 6-I.1), la disposition suivante :

« Ils [les fournisseurs d’accès à Internet] mettent en oeuvre auprès de
tous leurs abonnés, de manière automatique, des dispositifs techniques
performants et activés par défaut qui permettent de restreindre l’accès
aux services de communication au public en ligne mettant en péril les
mineurs. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités du présent
article. »

L’objectif de protection des mineurs est légitime. Toutefois, dans le
domaine de l’information et de la communication, tout filtrage mis en
place à cet effet ne peut et ne doit relever que de la responsabilité
des parents ou des éducateurs en charge des mineurs. Or la disposition
envisagée reviendrait à exercer un filtrage obligatoire, automatique et
par défaut, mis en oeuvre au niveau des serveurs des fournisseurs
d’accès à Internet, et non plus un filtrage volontaire mis en place sur
la machine de l’utilisateur final qui le souhaite.

IRIS rappelle que les contenus concernés par ce type de filtrage ne sont
pas des contenus illégaux, mais des contenus dits « offensants » ou « 
préjudiciables ». Cette notion ne peut se concevoir dans l’absolu et de
manière totalisante : elle est fonction de caractéristiques
spécificiques à des personnes ou groupes de personnes, telles que l’âge,
mais aussi la culture, la conviction, la croyance..., dans une société
donnée à une période donnée.
Les nombreux défauts des logiciels de filtrage existants ont été
dénoncés en détail et depuis plusieurs années par de nombreuses
associations de défense des droits de l’homme et des libertés
fondamentales de par le monde, ainsi que par les professionnels de
l’éducation et de la documentation : quels seraient alors ces « 
dispositifs techniques performants » envisagés ? Comment seraient-ils
définis ?
En outre, la question des critères de filtrage reste entière : qui les
établirait, en fonction de quels intérêts d’ordre moral ou matériel ?
Que signifierait la notion vague et large de « mise en péril des
mineurs » ? Que deviendrait alors la nécessaire protection du droit à
l’information et de la liberté d’expression et de création ? Enfin,
comment de telles restrictions à ces libertés constitutionnelles
pourraient-elles être définies par simple décret en Conseil d’État ?

Si un tel amendement venait à être effectivement présenté, l’association
s’attacherait à susciter la plus large mobilisation contre ce projet qui
prend sa source dans une offensive accrue de l’ordre moral et qui
n’envisage comme méthode qu’une censure digne des pires pays sécuritaires.

Contact IRIS :
iris-contact@iris.sgdg.org - Tel/Fax : 01 44 74 92 39

Posté le 18 septembre 2005

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