Concertation nationale sur le numérique : la société face à la métamorphose numérique

Les propositions de l’atelier contributif "Biens communs du numérique"

Près de cent personnes ont participé samedi 24 janvier à Brest à 8 ateliers autour d’une vingtaine d’animateurs sur La société face à la métamorphose numérique en reprenant la méthodologie contributive de Nod-A proposée par le CN Num.

Retour de l’atelier : Biens communs du numérique

Biens communs du numérique : rappel des enjeux

Le numérique facilite les nouveaux modes de production de contenus, en réseau et entre pairs. Des synergies fortes avec les valeurs de l’économie sociale et solidaire y sont apparues et ont permis l’émergence d’une sphère des biens communs (ou “communs”) de la connaissance : des communautés s’organisent et se régulent pour produire, gérer et enrichir des ressources (savoirs, contenus, logiciels libres, etc.). Elles définissent un nouvel espace de partage, qui se situe au delà de la propriété publique ou privée, notamment par la gestion commune des ressources. Internet lui-même est parfois considéré comme un bien commun et le Web se caractérise par des formes d’organisations horizontales et coopératives.

Pour certains, lorsque le marché et la puissance publique n’apportent pas de réponse satisfaisante aux besoins de la société, les communs ouvriraient de nouvelles perspectives en termes de créativité et d’innovation sociale. Les industriels pourraient aussi bénéficier de cette dynamique en s’appuyant sur cette activité collective pour alimenter leurs propres productions : le succès d’Androïd ou d’IBM tient en partie aux contributions de milliers de développeurs à la création de morceaux de code en logiciel ouvert. Au delà du logiciel libre, des initiatives telles que Wikipédia, Open Street Map ou l’open hardware ont démontré leur robustesse, leur utilité sociale et leur pertinence. Le développement de ces modèles a toujours suscité des frictions avec le modèle traditionnel de la propriété privée qui s’attache, en octroyant des droits exclusifs sur leurs oeuvres aux créateurs, à préserver leur incitation à innover. Les communautés numériques produisent en réseau, réutilisent et modifient des contenus, les diffusent et les dupliquent en masse, souvent sans transaction monétaire directe.

Comment encourager le développement de communs du numérique et leur complémentarité aux côtés de la sphère marchande et de la sphère publique ?

Propositions des participants

Retour sur les 3 défis et 3 propositions formulés par les participants du groupe.

Défi 1 : Définir le périmètre d’utilisation des données produites en biens communs

Peut-on tout partager ? Notamment en ce qui concerne les données produites par les acteurs publics (science ouverte, etc...), quelle est la limite entre transparence et confidentialité ?

Toutes les données qui peuvent avoir un intérêt général sont-elles à mettre en partage ? Par exemple, la diffusion de la localisation des pylônes électriques pourrait-elle engendrer un vandalisme ? L’Open Data est-elle une fin en soi ?

(A noter, pour ce défi que deux propositions ont reçu le même nombre de votes lors de l’atelier)

Proposition 1.1 : Contrôle a priori : vérifier que l’ouverture de ces données est d’intérêt général avant de le faire

L’ouverture des données ne doit pas nuire à l’intérêt général.

Un étude des ré-utilisations possibles des données devrait être systématique avant de décider de la publication et du mode d’accès aux données. Ceci afin qu’aucune utilisation nuisant à l’intérêt général ou aux intérêts de l’auteur ne soit permise.

Proposition 1.2 : Vers plus d’ouverture sur les données produites par les instances publiques

Au titre du mode de financement des chercheurs sur fonds publics, il est souhaitable de libérer les données de la recherche pour le bénéfice de tous.

Commencer à mettre des restrictions de ré-utilisation des données risque de bloquer des projets d’innovations, de recherches...

Défi 2 : Évolution de la législation du droit d’auteur face au numérique

Que faut-il préserver ou faire évoluer dans la législation actuelle du droit d’auteur dans le nouveau contexte du numérique ?

Dans un monde en mutation constante et rapide, la loi semble en décalage avec les usages constatés.

Il existe par ailleurs une disparité importante entre les pays en matière de droit d’auteur, alors qu’avec internet l’information circule au niveau international.

Voir la solution plus loin : Simplifier le droit d’auteur en favorisant le développement des biens communs.

Proposition 2 : Simplifier le droit d’auteur en favorisant le développement des biens communs

Les nombreuses restrictions et la complexité du droit d’auteur actuel limitent le champ d’action des acteurs des biens communs. Plusieurs dispositions juridiques peuvent être prises, au niveau français ou européen, pour faciliter le partage des connaissances :

  • introduction de la notion de "fair use" (un usage gratuit raisonnable de la ressource)
  • abaissement du délai de 70 ans après la mort de l’auteur avant passage des œuvres dans le domaine public
  • instauration de la liberté de panorama pour les photographies d’œuvres visibles depuis l’espace public
  • mise en place d’une exception pédagogique complète.

Défi 3 : L’illusion de la gratuité : comment financer les différents acteurs des biens communs ?

On se pose la question du coût humain et financier de la production et de la diffusion des biens communs. En effet, on constate qu’il y a des structures œuvrant dans ce domaine qui périclitent, faute de modèle économique viable.

L’accès gratuit à des biens communs informationnels crée l’illusion de biens créés sans coût ni investissement financier significatif.

Seul le coût humain et le temps investi par les bénévoles est en général reconnu, l’aspect économique étant en général passé sous silence.

Quel type de financement encourager pour permettre à ces structures de survivre ?

Voir la solution proposée plus loin : Faire payer en aval les professionnels qui utilisent les biens communs à but lucratif.

Proposition 3 : Faire payer en aval les structures qui utilisent les biens communs à but lucratif

La réutilisation des biens communs permet de générer de la richesse et de nouveaux services commercialisés. Dans le cas où cette réutilisation est créatrice de profit, il semble logique de faire participer les entreprises bénéficiaires, en juste retour pour les producteurs de biens communs informationnels.

Retrouvez l’article de synthèse qui reprend les propositions des 8 ateliers contributifs.

Ces rencontres étaient organisées par la Ville de Brest, Brest métropole, en partenariat avec l’Université de Bretagne Occidentale et la Cantine numérique brestoise. dans le cadre de la concertation nationale sur le numérique.

Merci aux animateurs de l’atelier : Perrine Helly (Doc@Brest), Pierre-Yves Cavellat (Tiriad), Gaëlle Fily (ville de Brest)

Posté le 28 janvier 2015 par Frédéric Bergot, Gaëlle Fily, phelly

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