Justice et numérique : rappel des enjeux
Le numérique irrigue toutes les branches du droit. Il en renouvelle également la pratique et offre l’opportunité de la moderniser. Le plan d’action La Justice du XXIème siècle lancé par la Garde des Sceaux (Conseil des ministres du 10.09.2014) nous invite à nous interroger sur la place du numérique dans la justice de demain.
L’intégration du numérique dans notre système juridique porte l’espoir d’une justice plus efficace, plus transparente et plus proche des justiciables. Le numérique peut-il constituer un levier pour renforcer l’accès de tous à la justice ? Comment s’emparer du numérique pour simplifier les procédures et améliorer la célérité de la justice ? Comment exploiter l’ouverture des données juridiques pour créer des services innovants à destination des justiciables ?
Le développement du numérique cristallise cependant de nouvelles inquiétudes : comment s’assurer du respect des droit processuels fondamentaux (droit à un procès équitable, principe du contradictoire, etc.) à l’heure du numérique et garantir une protection effective des citoyens ? Comment prévenir les effets collatéraux de la dématérailisation des procédures (risque de déshumanisation de la justice, danger d’exclusion des citoyens non-dotés d’une connexion internet, etc. ) ?
D’autre part, le développement du numérique bouleverse les métiers du droit, les pratiques professionnelles et les compétences rnécessaires pour exercer.
Sources :
- La Justice du XXIème siècle, plan d’actions présenté en Conseil des ministres le 10 septembre 2014
- Open Law project
Propositions des participants
Retour sur les 3 défis et 3 propositions formulés par les participants du groupe.
Défi 1 : Un manque d’échange inter-institutions et de confiance chez les administrés/citoyens
Il est encore trop courant de devoir demander un document (papier ou dématérialisé) à une institution pour le compte d’une autre.
L’authentification lourde dans les échanges a stagné sinon reculé, à l’image du certificat de signature électronique dont l’usage ne se démocratise pas.
Les usagers se retournent vers des solutions non conformes (dropbox, google...) pour stocker et échanger des document confidentiels (administratifs, bancaires, légaux, comptables, santé...).
Les risques d’usurpation de droits et d’identité se sont développés par manque de sécurité et de sensibilisation des usagers.
Proposition 1 : Étendre la confiance numérique
Donner un nouveau souffle à la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004 avec un ambitieux volet confiance dans les relations administration–citoyens.
Favoriser l’utilisation du certificat de signature électronique, du coffre-fort électronique, des moyens et formats de transmission sécurisée encore trop peu répandus, en particulier chez les professionnels saufs dans les secteurs sensibles (juridique, santé).
Prolonger cette action par une démocratisation du certificat de signature électronique chez les particuliers dans le cadre des relations avec les administrations et les collectivités.
Développer l’étendue de l’usage du certificat de signature électronique ou de tout moyen permettant de renforcer l’identité de manière transversale sur le Web (authentification pour les comptes bancaires, les commerçants les chroniques, les réseaux sociaux,etc...) tout en ayant le souci de prévenir les vols et usurpation d’identité…
Mettre en œuvre et favoriser les échanges d’informations sous la forme numérique entre les différentes institutions et les administrations au moyen d’outils de transmission et d’échange sécurisé (et souverain) permettant aux usagers de détenir un archivage, la mise à jour, facilement transmissible de tous les documents administratifs et justificatifs divers.
Organiser la transmission des justificatifs et documents via des liens de partage à usage limité et contrôlé par l’utilisateur (développer un dossier administratif partagé comme le dossier médical partagé…)
Favoriser l’accès numérique aux événements et calendrier de procédure administrative et judiciaire, pré contentieuse et contentieuse afin de décharger les greffe et professions de justice des simples renseignements aux usagers.
Tendre vers l’accès (sécurisé et authentifié) des justiciables aux décisions et éléments de procédure par voie numérique au moyen de comptes personnels sécurisés interconnectés avec le système des tribunaux et professions du droit.
- Défi 2 : une qualité des services web et logiciels difficilement appréciable
Nombreux sont les services Web, commerçants électroniques, réseaux sociaux, etc... non conformes à la règlementation, de manière flagrante ou non (CGV, mentions légales...).
Le droit de la consommation, la loi Informatique et Libertés, les responsabilités sont parfois denses et malencontreusement ou sciemment négligés.
Seul un contrôle a posteriori prévaut (plaintes, DGCCRF, CNIL, réseaux et fédérations...).
Il manque des outils facilement identifiables des usagers pour classifier les sites acceptables ou non en matière de conformité mais aussi en qualité de site officiel/non officiel, publicitaire ou informatif, déclaré à la CNIL ou non etc....
Proposition 2 : Renforcer et organiser la labellisation / certification
Organiser et favoriser les certification ou labellisation, par des moyens d’identification accessibles du public et sanctionnables.
Organiser l’audit (par des tiers ou audit autonome des éditeurs de logiciels, sites Web) permettant de s’assurer qu’ils ne négligent pas la règlementation, ce volontairement ou malencontreusement.
Permettre ensuite aux services de l’État (DGCCRF, CNIL, ANSSI...) de vérifier a posteriori la réalité des engagements.
Domaines : conformité au droit de la consommation, information des clients, droit des données à caractère personnel, précautions ou exigences de sécurité, échanges de données avec des tiers, etc...
Favoriser également la classification des sites selon le type de contenu, toujours par des moyens autonomes d’identification accessibles du public et sanctionnables : publicité / commercial, officiel...
Limiter les risques en matière de propriété intellectuelle et notamment droit d’auteur en organisant et généralisant un système d’identification du régime de droits (propriétaire/libre/domaine public...) évitant le flou juridique des contenus protégés mais non identifiés comme tels...
Défi 3 : Granularité de l’information juridique
Les informations à caractère juridique relèvent de nombreux intermédiaires.
Les producteurs publics et privés se mélangent dans le référencement des moteurs de recherche et les moyens d’identification / authentification manquent. Or l’information juridique peut générer des conséquences, voire engager une responsabilité.
Le référencement est soumis à des problématiques commerciales sur les moteurs de recherche grand public, ce qui peut fausser la priorisation de l’accès à l’information, notamment face à une politique marketing agressive d’un producteur du domaine commercial qui obéit nécessairement à ses propres contraintes.
Les producteurs publics sont nombreux et indépendants (Légifrance, Service Public, juridictions, institutions tels que CNIL, ARCEP, ANSSI, Sénat, AN...) et les avis et versions sont susceptibles de différer.
Proposition 3 : Homogénéisation de l’information juridique et règlementaire
Renforcer la visibilité des producteurs d’information juridique et règlementaire publics / officiels.
En particulier,
- homogénéiser via un moteur de recherche spécifique ou un encadrement du référencement de cette information juridique et règlementaire.
- Organiser et favoriser un service commun d’information juridique et règlementaire officiel qui regroupe, met en valeur et harmonise l’information. Ce service serait l’intermédiaire essentiel entre les producteur d’indformation juridique et règlementaire officiels (Textes, décisions de Justice, rapports publics, avis, communiqués...)
- Encadrer le référencement prioritaire de l’information juridique et règlementaire officielle et gratuite sur les moteurs de recherche commerciaux.
- renforcer en organisant la formation des professionnels du Droit (Avocats, Notaires, Huissiers, Experts comptables, etc...) mais aussi des Forces de l’Ordre et des agents des services publics en matière d’accès à l’information, recherche documentaire et authentification des sources d’information numériques.
Retrouvez l’article de synthèse qui reprend les propositions des 8 ateliers contributifs.
Ces rencontres étaient organisées par la Ville de Brest, Brest métropole, en partenariat avec l’Université de Bretagne Occidentale et la Cantine numérique brestoise. dans le cadre de la concertation nationale sur le numérique.