Retour d’expérience du Professeur Yves Charbit : ” Le MOOC c’est un service à la carte “

Le Professeur Yves Charbit est l’enseignant du quatrième MOOC du Centre Virchow-Villermé. Ce spécialiste de la démographie proposait entre les mois de mai et juin de cette année le MOOC “La bombe démographique est-elle désamorcée ?”, disponible sur la plateforme FUN. Il revient sur cette expérience et notamment son ressenti quant au public du MOOC.

Que retenez-vous principalement de cette expérience ?

Le MOOC était pour moi quelque chose de totalement neuf. Mon expérience la plus proche était un cours donné au Japon à des étudiants et filmé en direct. Là c’était totalement différent car j’étais beaucoup plus à l’aventure, avec surtout une incertitude totale sur ceux qui allaient être devant leur ordinateur pour saisir le cours. « Quelle cible choisit-on ? » est une question fondamentale et très difficile dans les MOOC. Et a fortiori parce que cela conditionne également les quizz. J’ai choisi de m’arrêter sur un public de « fin de licence, début de master ».

Sur un autre point, je ne peux pas dissocier mes impressions en termes de déroulement et de fabrication du MOOC. Pour la partie « création » réalisée avec le MOOCLab de L’INRIA, tout s’est très bien déroulé. Il s’est d’ailleurs passé quelque chose d’assez intéressant ; j’ai eu l’impression qu’en quelque sorte les deux cameramen se déconcentraient par rapport au filmage pour m’écouter. De fait, l’enregistrement à peine terminé, ils m’ont posé des questions sur divers points : « pourquoi avez-vous vous dit cela ? » La nature du sujet que j’avais choisi était donc suffisamment générale pour susciter de l’intérêt, ce qui a constitué pour moi un premier repère. L’équipe du MOOCLab a donc été mon premier public.

Les personnes qui suivent le MOOC le font par conviction

Y a-t-il des éléments qui vous ont surpris, notamment au niveau pédagogique ?

En termes de pédagogie, je distinguerais deux niveaux : l’un en amont, l’autre en aval.

- En amont, la nécessité de structurer en séquences courtes n’est pas habituelle en sciences humaines et sociales car nous avons plutôt l’habitude de « dérouler » des arguments complexes. Même si mes cours en amphi sont très structurés, une question s’est posée : « Comment séquencer un argument dans le cadre d’un MOOC ? Quel est le risque de décrochage ? J’ai pourtant enregistré des séquences plus longues (15/20 minutes pour certaines) que ce qui était préconisé (5 -10 minutes). Mais je crois savoir que cela n’a pas été un problème pour le public.

- En aval, les questions sur le cours et les commentaires à l’occasion des quizz ont constitué des premiers retours. Les étudiants ont développé leur propre point de vue. J’ai ainsi vu émerger des gens remarquables dans leur degré de réflexion. A l’évidence, un sujet tel que la démographie de la population mondiale parle à tout le monde et suscite des réflexions de la part de tous. Aussi, les risques de dérives, de stéréotypes sont également présents sous la forme de ce que j’appelle « les conversations du café du commerce ». Mais je l’ai très peu ressenti pour ce MOOC et j’ai trouvé que les participants étaient d’un très bon niveau. J’ai aussi été aidé par des participants qui cadraient les autres étudiants en leur expliquant « on ne peut pas dire cela parce que, etc. ». C’était royal.

Comment expliquez-vous ce niveau d’interaction ?

Il se trouve que parmi les personnes qui ont suivi mon MOOC, il y avait des professionnels aux connaissances extrêmement pointues. Et c’était assez extraordinaire. Cette situation se rencontre souvent seulement dans le cadre de la formation continue. De plus, j’ai l’impression que les personnes qui suivent le MOOC le font par conviction. J’ai eu parfois des remarques telles que « J’ai mes trois enfants, je suis obligé de laisser tomber le fil de discussion, je reviens vers 23h ! » J’ai trouvé admirable la persévérance de certains. Évidemment, d’autres ont décroché, mais les participants restants étaient présents et faisaient un véritable effort pour « jouer le jeu ». Dans le MOOC, il est appréciable d’avoir un public fidélisé. Même si je n’ai jamais rencontré de désaffection dans mes cours en amphi, un avantage important du MOOC est l’absence de l’étape de « remise en route de la mécanique intellectuelle ». Les personnes se branchent quand elles sont disponibles. C’est un service à la carte.

 Le MOOC offre davantage de temps pour réfléchir

Combien de temps avez-vous consacré au MOOC lors de sa diffusion ?

Concrètement, la question du rythme ne s’est pas posée pour une raison simple. Une première option était de relever les réponses des participants au fur et à mesure pour alimenter ma synthèse de début de semaine. Cette synthèse permettait de faire un point sur la semaine écoulée et répondre aux éventuelles questions et difficultés des participants. A mon avis, cette méthode n’est pas la plus appropriée. Une vue d’ensemble manque, ce qui conduit à défaire et redéfaire le travail, au fur et à mesure qu’arrivent les réponses des participants durant la semaine. J’ai donc préféré attendre le dimanche pour faire un bilan de l’ensemble des questions des participants. Je prenais en note les idées principales puis je vérifiais que je n’avais rien oublié des quatre ou cinq points majeurs relevés et je rédigeais la synthèse. J’évalue le temps consacré à ce travail à cinq heures par semaine.

 Y a-t-il d’autres particularités que vous notez avec le MOOC ? 

En comparant notamment avec les différentes conférences que j’ai faites à travers le monde, le MOOC offre davantage de temps aux participants pour se positionner, c’est-à-dire réfléchir et avancer des commentaires plus travaillés. Cela permet d’élever le niveau de la discussion. Il n’y a pas, comme dans une présentation en présentiel, de temps limité pour les questions, ce qui participe incontestablement de la richesse du MOOC.

 

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Centre Virchow Wellermé

URL: http://virchowvillerme.eu/
Via un article de Karl-William Sherlaw, publié le 18 novembre 2014

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