Quelles nanotechnologies convergentes en Europe ?

Repris d’un article publié par la Lettre d’information n°10 juillet 2005, de Transversales Science-Culture

Les nanotechnologies introduisent un nouveau mode d’innovation par reconstruction de la matière, à partir de ses éléments constitutifs, les atomes ou les molécules. Cette nouvelle ingénierie lilliputienne permet de créer des structures spatiales aux propriétés inédites et surtout de faire des hybrides moléculaires, en greffant des fonctions électroniques sur de l’ADN ou des sondes génétiques sur des nanotubes. Nanocapteurs, nanopuits énergétiques, nanocapsules pilotables, calcul quantique... révolutionnent les perspectives industrielles en connectant l’inerte et le vivant. Une convergence émerge entre les biotechnologies, l’informatique et les sciences cognitives, basée sur des équivalences potentielles entre informations électroniques, génétiques, neuronales.

Les Américains y voient des opportunités pour améliorer les performances humaines (1). Tel n’est pas le cas en Europe chez les prospectivistes réunis à Bruxelles en septembre 2004, qui envisagent les nanotechnologies pour bâtir une "société de la connaissance, faciliter les transports et créer des "assistants"au service de l’intérêt général" (2). Dans le souci d’un développement responsable des nanotechnologies, les Académies britanniques ont émis 21 recommandations en juillet 2004 notamment pour une vigilance à propos des risques sanitaires des nanoproduits (nanotubes par ex) (3).

Au plan international, alors que se déploient des investissements colossaux - qui ont dépassé 3,5 milliards de dollars en 2004 - et un marché qui devrait atteindre 700 milliards de dollars dès 2008 selon la NanoBusiness Alliance, un effort de gouvernance globale réunissant 25 pays (dont la Chine) s’est amorcé pour instaurer un "Bureau consultatif international pour une nanoscience responsable" International Dialogue on Responsible Research and Development of Nanotechnology.

Pour Françoise Roure (CGTI), co-auteur d’un rapport intitulé Éthique et prospective industrielle et représentante de la France dans cette plate-forme, "les modèles de sociétés, avec leurs valeurs, le sens des objectifs qu’elles se donnent et les priorités et limites qu’elles se fixent, sont vulnérables à la méta-convergence industrielle". Les perspectives de coopération entre supports électroniques et vivants ! , le pilotage moléculaire, les implants de surveillance inaugurent de nouveaux modes de vie, une « seconde nature possible », il s’agit d’« apprendre à bâtir des approches interactives, des coopérations susceptibles d’éviter le dumping qui menace l’environnement et la santé, bref d’assumer nos responsabilités ».

Dorothée Benoît Browaeys

(1) Roco MC, Bainbridge WS (eds). Converging Technologies for Improving Human Performance : Nanotechnology, Biotechnology, Information technology and cognitive science. NSF/DOC-sponsored Report. Arlington, VA : National Science Foundation, juin 2002.

(2) Nordmann A. Converging Technologies : Shaping the Future of European Societies : Report. Brussels : European Commission, 2004. Voir aussi Bibel W, Andler D, da Costa O, Küppers G, Pearson ID. Converging Technologies and the Natural, Social and Cultural World. Brussel : European Commission, July 26, 2004.

(3) Royal Society and Royal Academy of Engineering. Nanoscience and Nanotechnologies : Opportunities and Uncertainties, London : Royal Society ; London : Royal Academy of Engineering, 29 july 2004.

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Posté le 16 août 2005

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