Bibliothèques et économie(s) de la connaissance : quelles valeurs ?

La revue Arabesques, publiée l’Agence Bibliographique de l’Enseignement Supérieur (ABES), consacre son n° 76 à la question des valeurs sur lesquelles reposent les activités des bibliothèques universitaires et à la plus-value qu’elles peuvent apporter à l’enseignement supérieur et à la recherche. Dans ce cadre, on m’a demandé d’écrire un texte relatif à l’éthique de la profession de bibliothécaire et aux modèles à défendre dans le cadre d’une économie de la connaissance.

Cela a été pour moi l’occasion de reprendre des idées que j’avais déjà exprimées sur l’existence de deux économies concurrentes de la connaissance, l’une tournée vers l’appropriation et la marchandisation du savoir à l’heure du "capitalisme cognitif" et l’autre tournée vers la production et l’entretien de biens communs de la connaissance. Les bibliothèques universitaires sont pour ainsi dire à l’intersection de ces deux sphères et elles sont prises dans des logiques contradictoires, qui peuvent en effet susciter des choix éthiques à opérer.

La figure et le destin tragique d’Aaron Swartz me sont apparus comme un exemple à rappeler, car il met en lumière de manière saisissante ces contradictions, ainsi que la nécessité pour les bibliothécaires d’interroger leurs pratiques. L’actualité récente n’a pas manqué par ailleurs d’illustrations des tensions et débats que peuvent générer les choix effectués en matière d’accès à l’information scientifique et technique.

En témoignent les questions soulevées par la conclusion d’un accord entre Elsevier et Couperin pour la mise à disposition via une licence nationale du corpus Science Direct : la signature de cet accord était-elle justifiée et ne revient-elle pas à la privatisation de la connaissance opérée par un accord comme Elsevier ? Fallait-il accepter l’insertion de clauses de confidentialité qui nuisent au débat public et empêchent que de telles négociations se déroulent en toute transparence ? Fallait-il également accepter que cet accord couvre le Text et Data Mining, alors que de telles licences reviennent à instaurer une forme de copyfraud sur l’information elle-même ?

Ce numéro d’Arabesques contient des articles explorant cette problématique sous l’angle de l’ouverture des données, de la publication scientifique, de la fouille de textes et d’autres thématiques encore.


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Via un article de Lionel Maurel (Calimaq), publié le 9 octobre 2014

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