Le Parlement européen a enterré la directive sur le brevet des logiciels : dans la presse et réactions

Le parlement européen vient de rejeter la directive européenne sur les brevets logiciels par
648 voix contre 14.

Le premier rejet par le parlement d’une directive européenne
en seconde lecture ..

Après trois ans de polémique, de
débats et de lobbying, tous les groupes politiques ont décidé
de couler ce texte. Les opposants aux brevets logiciels se félicitent.
Les grandes entreprises réunies dans l’Eicta aussi, car l’abandon du
texte maintien le statu quo et leur permettra toujours de jouer sur les
défaillances de l’Office européen des brevets dans ce domaine. A suivre,
donc.

Un premier commentaire publiée par le Monde mercredi

Les eurodéputés se sont prononcés, mercredi 6 juillet, contre la directive, très controversée, relative à la brevetabilité des logiciels, texte soutenu par les Etats membres et la Commission européenne.

Première force de l’Assemblée, les conservateurs du PPE (Parti populaire européen) avaient décidé, dès mardi soir, de changer de position et de soutenir une proposition de rejet du texte, qui a également été votée par les socialistes, les Verts et une partie des démocrates et libéraux, mais pour des raisons totalement différentes. Divisé sur cette question très complexe, le PPE craignait que des amendements défavorables aux grands industriels, et visant à réduire le champ de ce qui est brevetable, puissent atteindre la majorité absolue de 367 voix. "Ces amendements auraient des conséquences catastrophiques pour le développement industriel de l’Europe", a estimé le conservateur allemand Klaus-Heiner Lehne.

Les écologistes redoutaient au contraire de ne pas avoir la majorité nécessaire sur les amendements proposés par le rapporteur, le socialiste français Michel Rocard. "C’est mieux de ne pas avoir de texte que d’en avoir un mauvais", avait estimé, de son côté, M. Rocard, qui jugeait "peu probable" une majorité sur ses amendements.

Lire l’article du Monde

Extrait de la dépêche de l’agence Reuters

...

C’est la première fois que le parlement rejette une proposition
législative à ce stade intermédiaire de la procédure.

Le socialiste Michel Rocard, rapporteur du texte devant le parlement, a
expliqué que les groupes politiques avaient sur le sujet des points de
vue trop contradictoires pour espérer voir émerger la majorité qualifiée
de la moitié des eurodéputés requise en deuxième lecture.

Il a en revanche fait état d’une "colère collective et unanime de tout
le parlement contre la manière inadmissible dont il a été traité par la
Commission et le Conseil".

Sous les applaudissements, il a fustigé "le mépris total, voire
sarcastique" de ces institutions, vis-à-vis des amendements
parlementaires adoptés le 24 septembre 2003 en première lecture par une
majorité des deux tiers et non retenus dans le texte soumis en deuxième
lecture.

Le discours de Michel Rocard

Et le discours de Rocard devant le Parlement européen
devant le Parlement Européen, la veille du vote : la défense de notre
industrie européenne passe mieux par la liberté

Lire le discours

Un commentaire de Philippe Aigrin

C’est une victoire considérable dans la lutte pour empecher la mise aux enchères des connaissances. Il n’existait dans la configuration actuelle de la procédure de codécision aucune possibilité pour le parlement de faire adopter un texte représentant son point de vue compte tenu du blocage du Conseil (de nombreux états y relaient simplement les positions des offices de brevets et de quelques gros industriels) et de la Commission. Comme il était clair que les amendements Buzek-Rocard allaient de nouveau atteindre une majorité qualifiée, les députés ont préféré abréger les souffrances de la proposition de la Commission et du Conseil. Le vote de rejet permet au Parlement de dire aujourd’hui ce qu’il ne veut pas, après avoir dit le 24 septembre 2003 ce qu’il voulait (exclure de la brevetabilité les logiciels et le traitement de l’information. Il va falloir maintenant transporter le débat sur la question du controle politique de l’Office européen des Brevets pour l’empecher de continuer à délivrer des brevets logiciels malgré l’expression de la volonte democratique sur ce sujet.

Philippe Aigrain

Voir :
http://www.debatpublic.net/Members/paigrain/commons/noinfpat-fr
http://www.debatpublic.net/Members/paigrain/commons/noinfpat-en

Réactions de la FFII

...
C’est une grande victoire pour ceux qui ont fait campagne pour éviter
que l’innovation et la compétitivité européenne soient soumises à la
menace du brevet logiciel. Elle marque la fin des tentatives de la
Commission d’offrir un cadre législatif aux agissements de l’Office
Européens des brevets inspirés par la pratique américaine.

Nous estimons que le travail du Parlement, en particulier les 21
amendements de compromis offre une base solide sur laquelle de
nouvelles propositions peuvent être bâties

Le rejet de la directive apporte un bol d’oxygène pour de nouvelles
initiatives qui bénéficieront du savoir accumulé pendant ces 5 années
de débats. Toutes les institutions sont à présent pleinement
conscientes des préoccupations des parties concernées. Par ailleurs, le
fait que la proposition commune du Conseil ait eu besoin de 21
amendements pour ressembler à un acte législatif cohérent montre assez
que le texte n’est pas prêt à entrer dans le processus de conciliation
Parlement/Commission/Conseil. Nous espérons qu’au cours de la nouvelle
procédure qui s’annonce, la Commission et le Conseil répondront au
moins aux interrogations soulevées par le Parlement á l’occasion de
celle-ci de manière à éviter une nouvelle impasse.

...

Hartmut Pilch, président de la FFII, explique que la FFII soutenait ce
rejet dans ses recommandations de vote :

Ces derniers jours, les gros détenteurs de brevets logiciels
accordés par l’OEB, qui avaient auparavant fait campagne pour la « 
position commune », ont rallié l’appel à rejeter la directive, car il
est devenu clair que les 21 amendements de compromis unitaire, porté
par Rhoitová, Buzek, Rocard and Duff étaient très susceptibles d’être
adoptés. Il est remarquable que le soutien à ces amendements ou tout au
moins à un bonne partie d’entre eux était devenu l’opinion majeure dans
tous les groupes politiques. Cependant cela n’est pas le point
principal dans un tel vote. Nous nous félicitons plutôt de prise en
compte d’une situation, telle que l’a décrite l’eurodéputé Othmar Karas
MEP hier en séance plénière : un Non était la seule réponse logique à
l’attitude non constructive et aux manouvres juridiquement douteuses de
la Commission et du Conseil, avec laquelle a été élaborée la
soit-disant position commune.

La déclaration

L’article dans Zdnet

Brevets logiciels : le Parlement européen enterre la directive
Par Christophe Guillemin
ZDNet France
Mercredi 6 juillet 2005

...
« C’est la première fois que le Parlement rejette en deuxième lecture une position commune du Conseil (prise à l’unanimité des 25 membres, Ndlr) depuis la mise en place de la procédure de codécision en 1999 », explique à ZDNet.fr le porte-parole du Parlement pour les Affaires juridiques. « C’est un véritable choc. »

Pourtant l’idée de remettre à plat la délivrance de brevets logiciels en Europe n’est pas morte. Un autre projet de directive intitulé « directive pour un brevet communautaire » est actuellement en discussion au Conseil. La question de la brevetabilité de logiciel pourrait être reposée dans le cadre de cette dernière.

« Cela permettrait d’intégrer cette problématique dans un projet de directive à la portée beaucoup plus large puisqu’elle traite de tous les types de brevets », indique le porte-parole, qui précise toutefois que rien n’est encore prévu en ce sens.
...

Lire l’article

Réaction de l’APRIL et la FSF France

qui demandent un contrôle démocratique des pratiques illégales de l’OEB : "L’APRIL et la FSF France demandent donc aux gouvernements des États membres de l’Organisation européenne des brevets de reprendre le contrôle effectif de cette organisation. Ils devront notamment rédéfinir les missions et le fonctionnement de l’Office Européen des Brevets de manière à ce que ce dernier soit à nouveau au service de l’intérêt général."

Aful et Adullact

L’ADULLACT et l’AFUL saluent le travail et la décision du Parlement Européen qui vient de rejeter le projet de directive sur la brevetabilité du logiciel. Elles considèrent que cette fin brutale montre que ses promoteurs industriels étaient plus motivés par les rentes sur l’économie numérique que par la promotion de l’innovation. Elles se réjouissent de cette nouvelle marge de manoeuvre qui permettra au logiciel libre de confirmer sa plus grande efficacité économique et technique et qui plus largement encore garantit l’innovation et l’indépendance technologique européenne."

Les réactions sur "Cultures numériques"

site du groupe de travail des verts sur l’appropriation sociale des TIC

Un communiqué de M. Loos, ministre délégué à l’Industriequi reprend quasiment mot pour mot un paragraphe écrit en 2004
par le même ministère (mais autre ministre) à la question écrite N°
42439 du député Jean-Yves Le Déaut.

(Réponse : 26 octobre 2004, p. 8394.

Cette réponse a également été envoyée par M. Philippe Braidy,
directeur du cabinet au ministère français de l’industrie, à plusieurs
personnes qui avaient interrogé le ministre sur la position de la
France concernant la brevetabilité du logiciel.

Extrait d’une information diffusée par Bernar Lang

un nouveau communiqué, du ministère de l’industrie

Brevetabilité des inventions mises en ½uvre par ordinateur :
François Loos regrette que les questions juridiques restent sans réponse

7 juillet 2005

D’autres commentaires à venir ..

A lire aussi

Rappelons que l’auteur de ce projet de ce projet de directive n’est
autre que Frits Bolkenstein : Commissaire au Marché Interieur, il avait imposé cette directive à ses collègues de la Commission, malgré
les réserves des Directions générales "Concurrence", "Recherche",
"Societe de l’information" et "PME". En ce sens, le vote du Parlement rappelle à la Commission qu’elle doit fonctionner de manière plus collégiale.

Rappelons, enfin, que le gouvernement français, depuis mai 2002, et à
chaque étape de son parcours, a apporté son soutien a la Commission et
au projet de directive.
François Loos, ministre délégué à l’Industrie, affichait, 24 heures
avant le vote du Parlement, son soutien au projet de directive.

Posté le 6 juillet 2005