Analyse des espaces publics d’aquitaine, les préconisations (I)

Reprise de 3 premiers articles parmi les 6 qui constituent le chapitre préconisation de l’étude réalisée par Médias-cité et publiée sur son site sous contrat Creative commons :

  • 5.1.1 - Usages : provoquer la curiosité, considérer les projets dans leur ensemble et générer la créativité
  • 5.1.2 - Permettre l’accès au plus grand nombre
  • 5.1.3 - Les clés d’un projet

Par Marianne Massaloux

5.1.1 - Usages : provoquer la curiosité, considérer les projets dans leur ensemble et générer la créativité

Lorsque nous analysons les usages développés dans les espaces multimédias, nous observons que les pratiques des TIC sont fortement dépendantes des demandes des publics. Ainsi certaines pratiques ne sont pas proposées du fait même de l’absence d’expression d’un « besoin » de la part des utilisateurs.

Ce constat pose la question du rôle de sensibilisation des populations aux technologies de l’information et de la communication que doivent tenir les espaces multimédias.

Il est tout à fait pertinent de relier les propositions de pratiques en fonction des demandes des populations, mais ne pas ouvrir à ces dernières le champs des possibilités des pratiques revient à les mettre en situation de consommation.

Nous entendons par-là que les publics, ne développant pas leurs pratiques, perpétuent leurs modes d’utilisation et cloisonnent leurs appropriations des outils technologiques.
Dans le contexte d’un lieu agissant sur un mode de « réponse à une demande », les usagers ne peuvent mesurer les autres portées possibles des outils qu’ils utilisent et de quelle manière ils pourraient élargir et enrichir l’objet de leurs pratiques par le biais d’autres outils technologiques.

Il est de l’essence même des TIC d’être dans un processus de renouvellement incessant.
Les espaces multimédias doivent donc considérer et véhiculer cette notion de nouveauté perpétuelle des outils aux usagers et susciter une curiosité quant à leur utilisation. Ces derniers, dans leur approche du multimédia doivent prendre conscience du fait que tout change sans cesse dans leur manière d’aborder Internet et de construire leurs pratiques

Par ailleurs, lorsqu’un individu a recours à outil technologique, cet usage est généralement lié à un objectif défini et s’inscrit donc dans un projet.
Il est donc important pour les espaces multimédias de considérer ce projet car il rend l’utilisateur actif.
Par exemple, pour la consultation de cédéroms, la demande des usagers va dans le sens d’une activité véritable qui se définit, non pas par la mise en œuvre des fonctions interactives de consultation proposées par le dispositif, mais dans les termes d’un projet personnel exprimé par des intentions de l’utilisateur.

Dans ce contexte, un usage est créatif car il participe à la réalisation d’un projet.
Et cette dynamique du projet provoque elle-même l’apparition d’usages qui sont eux-mêmes de perpétuels projets.

Les espaces multimédias situés au sein d’une structure dotée d’un projet culturel, artistique et/ou social sont d’autant plus propices à inciter et développer les usages créatifs. La structure travaille à un projet global et le multimédia s’y inscrit comme un outil participant à sa construction.

Les activités multimédias développées dans un tel espace sont alors dans la continuité de la philosophie du projet fondateur de la structure.
Les pratiques, elles, sont transversales puisqu’elles concernent un secteur ou un projet défini tout en utilisant les nouvelles technologies.
L’ouverture que propose de telles structures est intéressante, car celle-ci du fait de l’existence d’un projet préalable au multimédia peuvent être une porte d’entrée aux nouvelles technologies.

5.1.2 - Permettre l’accès au plus grand nombre

Horaires

Aménagement des horaires en fonction du public et des ressources humaines de l’espace.

"(...) Une telle salle ne peut fonctionner qu’avec la présence d’au moins un animateur multimédia à temps plein. Sachant que sur la base d’une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, il faut prévoir la répartition suivante :

Temps de travail hebdomadaire de l’animateur 35 h
Administration du réseau et maintenance du matériel 8 h
Formation, autoformation, veille technologique 7 h
Coordination, préparation et mise en place d’animation 5 h
Présence en animation avec le public 15 h

Si la salle doit être ouverte au public plus de 15 h par semaine, un deuxième animateur est indispensable. On recherchera alors la complémentarité des profils, le temps passé par l’un sur le maintenance du matériel pourra être consacré par l’autre animateur à l’animation d’un site web."

Extrait de "Aménagement d’espaces multimédias et de points d’accès publics à internet, essai de typologie à partir d’usages, Philippe Cazeneuve ECM Montplaisir - Lyon- 2001"

Le nombre total d’heures d’ouverture ne doit pas forcément être important, au contraire, il apparaît primordial de consacrer un nombre d’heures de travail à la préparation de projets pédagogiques, des ateliers, des activités, à la maintenance des postes informatiques, à l’aménagement des locaux, à la veille technologique ou à la veille sur les usages...

Les plages horaire sont par contre d’une importance capitale. Elles s’adaptent en fonction des disponibilités des publics visés par le projet de l’espace.

Un lieu préférentiellement tourné vers la jeunesse tiendra compte dans ses horaires des heures des établissements scolaires, des jours de cours et des vacances. Il sera ouvert le mercredi et le samedi, éventuellement entre 12h et 14h et en fin d’après midi à la fin des cours.
Si le lieu cherche à toucher des catégories de personnes qui travaillent, il devra ouvrir en soirée (après 18h30) et entre 12h et 14h, le samedi et le dimanche dans le meilleur des cas. Le lundi pourra aussi être privilégié afin de toucher les commerçants de proximité souvent fermés ce jour là.

Les horaires de ces lieux ne sont pas des horaires classiques et peuvent interférer sur le fonctionnement d’une structure qui les accueille. Il convient dés lors de prendre en compte ces différences de fonctionnement et de prévoir une entrée indépendante pour l’espace multimédia.

Equipements

L’équipement doit être en nombre suffisant pour l’accueil du public. Quant au cahier des charges techniques, il convient de prendre en compte les caractéristiques suivantes :

  • Unité Centrale permettant l’insertion carte d’extension PCI standard
  • Unité Centrale compatible avec un fonctionnement quotidien intensif (MTBF)
  • Lecteur de DVD-ROM installé en lecture horizontale
  • Report des prises pour périphériques en façade
  • Alimentation séparée écran / périphériques / UC
  • Souris avec fil optique
  • Lecteur de cartes mémoires
  • Disponibilité interface USB / FireWire (+ mise à jour des standards)
  • Connectique indispensable pour les usages de périphériques (scanner, imprimante, caméra DV).
  • Ecran plat

L’équipement d’un espace multimédias en ordinateurs portables n’est pas recommandé. Il ne permet pas d’évolution du matériel, augmente le risque de vol et de détérioration, ne permet pas de s’adapter à des expositions ou installations multimédias. Il peut néanmoins être très utile pour l’animateur multimédia dans son activité professionnelle (notamment lorsqu’il travaille sur des sites éclatés où il ne peut avoir un poste dédié à son usage dans chaque lieu).

Politiques tarifaires

Les tarifs mis en place par l’espace multimédia ne doivent pas être excluant pour certaines populations.
L’inscription ou l’adhésion annuelle offrant un accès libre aux services d’un structure (dont l’accès à l’espace multimédia et à ses services) permet :

  • de réduire les coûts pour l’usager qui paye une fois pour toute l’année une participation financière forfaitaire
  • de diminuer le temps de travail de l’animateur (et donc le coût pour la structure) sur la gestion financière de son activité

Localisation

La localisation du lieu joue un rôle important sur son accessibilité et sur sa fréquentation.
Un lieu dont l’objectif premier est d’offrir l’accès à tous aux outils TIC doit être vigilant sur ses conditions d’accès physiques au lieu, notamment pour les personnes handicapées (moteurs ou visuels).

Il convient d’être attentif à certains éléments d’accessibilité ; existe t-il une rampe d’accès pour les handicapés ? Y a t-il des « bateaux » sur les trottoirs ?

La localisation géographique a aussi son importance ; le lieu est-il desservi par les transports en commun ? Son existence est-elle signalée par des panneaux aux alentours de son entrée ?

Au sein d’un bâtiment, l’espace est-il au rez-de-chaussée ? S’il est à l’étage, existe t-il un ascenseur pour permettre aux personnes à mobilité réduite de s’y rendre ?

Mise en visibilité de l’activité de l’espace

La mise en visibilité d’un espace multimédia et de son activité passe par différents supports et dispositifs de communication :

  • des supports de communication :
    Tracts, affiches, programmes qui peuvent être sur supports papier ou en ligne sur un site internet.
    Ces documents peuvent être présents au sein du lieu et servir de dispositif de médiation pour l’accueil des publics et accompagner leur attente.
    Ils peuvent aussi être distribués aux alentours du lieu : mairie, associations, bibliothèques, ANPE, magasins ou via le net en liens recommandés sur d’autres site internet (favoris de la mairie, d’autres espaces multimédia, de cybercafés...).
    Les affiches peuvent être un fléchage dans la ville, le quartier, mais aussi à l’intérieur du lieu pour faciliter l’accès et la compréhension des activités de l’espace.
  • des supports de circulation de l’information :
    Bulletins d’informations municipal, intercommunal, encarts dans le journal de quartier... sont autant de supports à investir avant, pendant et après la mise en oeuvre d’un projet.
    Il permet de conserver un niveau constant d’information (quantitatif mais aussi qualitatif) sur le long terme et de permettre aux publics d’entrevoir l’envergure des activités mises en oeuvre et de leur faire comprendre le dénominateur commun de ces actions : l’accès aux TIC et l’appropriation de ses enjeux pour le plus grand nombre.
  • La rencontre pour un repérage sur le territoire local :
    Comme nous l’avons vu dans la partie 3.1 - Usages et dispositifs de médiation dans les espaces multimédias, les modalités d’action de l’espace multimédia pour remplir leurs missions ne sont pas figées. (Voir aussi 5.1.1 - Usages : provoquer la curiosité, considérer les projets dans leur ensemble et générer la créativité ).
    Il est donc nécessaire de rencontrer les acteurs de son territoire afin de se faire connaître et de connaître les domaines d’activité des structures locales.

Ceci permet :

  • de visualiser les demandes et les besoins non formulés mais réels du territoire,
  • de visualiser les possibles partenariats à développer,
  • d’évoluer dans sa pratique et notamment dans ses modes de fonctionnement (évolution des ateliers : type de supports à prévoir, temps des séances à adapter, nombre de personnes à réduire ou augmenter, horaires et tarifs à changer...),
  • de connaître les personnes référentes d’un domaine sur son secteur géographique : établissements scolaires, structures culturelles, sociales, services de la ville...
  • de favoriser les échanges d’expériences et de compétences.

La rencontre physique avec ces interlocuteurs favorise et simplifie grandement la communication. Tous les courriers, les appels téléphoniques ou les mails du monde ne remplaceront pas une rencontre en réel avec les personnes.

  • La communication avec ses pairs et les centres de ressources TIC :
    Parce que l’une des fonctions d’un centre de ressources et le relais de l’information vers les espaces multimédias mais aussi vers les collectivités et les acteurs impliqués dans le développement des TIC, il est important de communiquer avec eux.
    Ils font d’ailleurs souvent partie des réseaux d’animateurs multimédias avec qui l’échange d’expériences ne peut être qu’enrichissante. Dans ce secteur, l’entre aide et le partage d’expériences est indispensable pour avancer dans une tâche grandement simplifiée par la mutualisation. En communiquant sur des projets, l’animateur propose son expérience au réseau qui pourra un jour l’aider à son tour (voir 3.5 - Les synergies, le travail en réseau et l’ancrage territorial).

5.1.3 - Les clés d’un projet

  • Revendiquer le caractère expérimental du projet.

Plutôt que de privilégier des études onéreuses et plaquées sur un lieu et un territoire ; le projet peut permettre de mener des expériences inscrites au sein du territoire de rayonnement du lieu. Les premiers dispositifs itinérants ainsi que les lieux éclatés sur différentes communes ont étaient testés puis reconduits après avoir fait la preuve de leur efficacité.

  • Permettre l’évolution du projet.

Faire attention à des démarches de projets trop figées et bouclées dont les finalités et les moyens doivent être définis avant même d’avoir avancé, laissant peu de place à la découverte de nouvelles voies.
Privilégier l’envie de faire et la construction progressive d’objectifs. Le caractère expérimental favorise cette construction en avançant. Les fondamentaux du projet restent les mêmes (objectifs, publics) mais les modes opératoires et les partenariats peuvent évoluer.

  • Inscrire le projet au cœur d’un territoire.
    Veiller à la cohérence des projets développés sur le territoire pour éviter les "concurrences" et favoriser les complémentarités. Prendre en compte les nouvelles initiatives qui enrichissent l’offre sur le territoire.
  • Prendre en compte tous les publics.
    Pour atteindre les publics les plus éloignés et les plus concernés par la « fracture numérique », il ne suffit pas de faire une offre de service en ouvrant un lieu d’usages des TIC.

Le public qui viendra dans le lieu de façon spontanée n’est pas concerné par la fracture numérique. En venant, il fait la démarche de sortir de chez lui et s’intéresser à ce qui se passe dans une structure équipée d’ordinateurs. Il vient demander de l’aide, un avis, un conseil. Il sait donc ce qu’il est possible de faire avec cet outil et veut approfondir ses connaissances.

Le public dans la fracture ne voit pas d’intérêt à utiliser ces outils TIC ; il n’en connaît pas ou peu d’usages. Il rejette cet équipement onéreux et qui ne lui apporte rien. Il n’entrera pas dans le lieu ouvert par crainte d’être ridicule, de ne pas être compris, de ne pas comprendre ce qu’on va lui dire (le vocabulaire technique est souvent excluant pour beaucoup de néophytes), et de perdre son temps.

Pour ne pas oublier ces publics, il existe des dispositifs de médiation (voir 5.1.1 - Usages : provoquer la curiosité, considérer les projets dans leur ensemble et générer la créativité ) à mettre en place ainsi que des thématiques variées à aborder (culturelles, sociales, artistiques...) permettant de toucher un public large et de les mélanger.

  • Intégrer l’évolution rapide des usages et les possibilités nouvelles des technologies.

La veille technologique et la veille sur les usages sont indispensables si l’on veut un projet durable dans le temps. Les évolution de certaines technologies permettent d’aborder de plus en plus de pratiques.

Les clés de compréhension d’un projet :

  • Des objectifs clairs et partagés
  • Des compétences identifiées et disponibles
  • Une équipe motivée et des personnes concernées
  • Des ressources identifiées et mobilisées
  • Un plan d’action avec l’engagement des personnes

Les risques de la non-compréhension d’un projet :

  • Confusion quand les objectifs sont mal compris ou flous
  • Un faux départ quand la personne n’est pas là
  • Frustration quand les moyens sont insuffisants ou non mis en œuvre
  • Déroulement très lent quand le projet n’est pas rythmé par des étapes

Parler de ce qui ne va pas et de ce qui va, permet une coopération, une participation de tous et d’évoluer dans une bonne atmosphère.

Chaque personne doit s’enrichir des autres de leurs réflexions, de leurs questions.

Conduire un projet nécessite de :

  • Toujours savoir ce que font les personnes
  • Communiquer et stimuler les personnes
  • Créer une atmosphère libérée
  • D’inciter à venir consulter la direction en cas de problèmes autres ...
  • Faire entendre que la structure est un lieu d’apprentissage pour tous.

Un des objectif est de faire un retour sur l’expérience pour en garder la mémoire ( celle-ci est fugace et s’estompe rapidement).

Posté le 22 mai 2005

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