Un rapport de Michel Bauwens : Synthetic Overview of the Collaborative Economy

Riche et approfondi, le rapport « Synthetic Overview of the Collaborative Economy » décrit pourquoi et comment une économie construite autour des communs a toute les chances de s’épanouir au fur et à mesure que les réseaux numériques prolifèrent. Lecture hautement recommandée.

Un articlerepris du magazine Ouisahre

Pour tous ceux qui s’arrachent les cheveux à décrypter les dynamiques économiques et sociales à l’œuvre dans les réseaux en ligne, Michel Bauwens a publié un rapport de haute qualité intitulé « Synthetic Overview of the Collaborative Economy ». Michel, qui dirige la P2P Foundation, est à la fois un penseur et un promoteur des développements de l’économie en pair à pair. Je travaille avec lui au sein du groupe Commons Strategies Group.

Rédigé à la demande d’Orange Labs, une division de l’opérateur de télécommunications français, ce rapport fournit à la fois une vue d’ensemble et une analyse des nouvelles formes de production collaborative sur Internet. Impressionnant par sa taille (346 pages et 543 notes de bas de pages), il est néanmoins parfaitement clair et accessible à des non spécialistes.

Contrairement à nombre de livres à la mode sur le sujet, qui sont truffés d’hyperboles colorées, d’anecdotes ou encore de de détails techniques ésotériques, le travail de Michel Bauwens s’attaque au vif du sujet, fournissant des analyses circonstanciées sur les principes clés de la coopération en ligne. En bref, ce document est substantiel, informatif, complet et bien documenté.

Deux extraits de l’introduction en fournissent un bon aperçu :

Deux grands facteurs de transformation guident ce travail. Le premier est lié au fait que les dynamiques portées par des communautés deviennent un élément essentiel des logiques d’affaires. À la place des entreprises autonomes et agissant de façon isolée, cherchant à capturer des individus atomisés par le biais de techniques marketing, émergent des acteurs économiques interagissant étroitement les uns avec les autres au sein de communautés productives dont la voix porte loin. Le second tient au fait que les effets conjugués de la reproduction numérique et d’une production de valeur de plus en plus « socialisée » rendent la privatisation de la propriété intellectuelle par des individus ou des entreprises de plus en plus difficile si ce n’est intenable, et selon toute vraisemblance, contre-productive. Ce qui explique l’essor de modèles d’affaires « ouverts » et tournés vers les consommateurs, appuyés sur des formes plus « sociales » de propriété intellectuelle.

À travers ce travail, nous observons tour à tour des dynamiques de communautés portées par des acteurs traditionnels (innovation ouverte, crowdsourcing) et des modèles qui sont dès l’origine construits autour de la création de valeur par des communautés (logiciel libre et open source, design partagé, open hardware). Nous nous intéressons ensuite aux modes de monétisation de ces productions, en l’absence de propriété intellectuelle privée. Ces évolutions entraînent l’émergence d’infrastructures distribuées, dans lesquelles la mise en réseau des ordinateurs se réalise parallèlement à la mise en réseau des structures de production e de financement. En effet la mutualisation du savoir va de paire avec le partage des infrastructures physiques telles que les formes collaboratives de consommation, les places de marché en pair à pair, mobilisées pour optimiser l’usage des ressources sous employés ».

Le premier chapitre explique en quoi une nouvelle horizontalité dans la production est concomitante du déploiement des réseaux en ligne et comment elle conduit à une transformation des formes verticales de la production industrielle traditionnelle, contrôlées par des entreprises et des bureaucraties centralisées. Ceci, en retour, n’est pas sans soulever nombre de nouvelles questions : comment organiser la production de façon efficace dans des contextes en réseau ? Comment le management doit-il changer dans de tels environnements ? Comment les stratégies d’affaires doivent-elles évoluer en empruntant des chemins souvent contre-intuitifs, notamment en s’éloignant des modèles reposant sur la propriété intellectuelle ?

Du point de vue de ceux qui s’intéressent au développement des biens communs, les analyses les plus intéressantes figurent au chapitre deux intitulé « Considérer l’utilisateur comme un créateur de valeurs et l’émergence d’un écosystème centré sur l’utilisateur » ; ainsi que le chapitre trois : « Les infrastructures pour crowdsourcer et mutualiser des ressources sous-utilisées ».
Michel Bauwens, P2P Foundation

Michel Bauwens, P2P Foundation

Bien entendu, ces thèmes ont déjà été abordés par d’autres auteurs, mais la force du rapport Bauwens repose dans sa capacité à ramasser de façon succinte une analyse en profondeur de ces évolutions. Le rapport rassemble un échantillons des meilleurs écrits d’analystes comme Clay Shirky, Yochai Benkler, Chris Anderson, Eric von Hippel, Henry Chesbrough, John Wilbanks et de bien d’autres penseurs du monde numérique.

Il fournit des analyses détaillées sur des sujets comme la nature du crowdsourcing, la production en pair à pair, la fabrication personnelle, les espaces de coworking, les hackerspaces, les monnaies distribuées, les fablabs, et sur toute une série de modes de productions coopératifs et de partage de la valeur.

Le dernier chapitre, consacré aux modèles d’affaires ouverts, présente ceux dont se sont dotés le monde du logiciel, du hardware, en les illustrant à chaque fois d’exemples précis, qui selon toute vraisemblance, devraient se multiplier dans un futur proche.

Vous pouvez télécharger le PDF sous licence Creative Communs by-nc-sa en cliquant ici. Bonne lecture !

Posté le 20 août 2013 par Michel Briand

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