Touche pas à mon (Sky)blog

L’édito de la lettre de la Fing par Cyril Fiévet et Hubert Guillaud

Les compte rendus de problèmes ou de difficultés entre jeunes blogueurs et établissements scolaires se multiplient dans la presse depuis quelques temps (voir ces deux articles de Libération par exemple). Dans la foulée de cette médiatisation, les exclusions (temporaires ou définitives) s’accumulent comme une litanie, associant sans relâche les (Sky)blogs au scandale, non sans dispenser - de façon quasi subliminale - l’idée, absurde au demeurant, "qu’il faudrait un jour fermer les skyblogs, les interdire ou les réguler".

Reprise d’un article publié par Internet actu
Dans : Opinions/ Usages/ Communautés/ Education et formation - Par Hubert Guillaud le 25/03/2005

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

Pourtant, ces réactions épidermiques sont très surprenantes, pour plusieurs raisons.

D’abord car elles ne concernent que quelques cas isolés. La communauté Skyblog regroupe plus d’un million et demi de blogs. Un adolescent sur deux possède un Skyblog et même si tous ne bloguent pas activement, ce volume amène à relativiser l’importance de quelques dizaines de dérapages.

Ensuite, et c’est un corollaire du point précédent, ni le phénomène des blogs ni le succès des Skyblogs ne sont nouveaux. Ce service a été créé par Skyrock en janvier 2003 et totalisait déjà, à peine un an plus tard, près d’un million de blogs. Comment expliquer que les médias - mais aussi les responsables éducatifs et les parents - ne s’interrogent qu’aujourd’hui de ce qu’on trouve sur ces blogs et de la manière dont les adolescents les utilisent ?

Enfin, on ne peut que regretter qu’en s’y intéressant, les personnes concernés ne voient dans ces millions de billets, de photos, de témoignages, de commentaires et de liens que quelques dérapages à valeur de scandale médiatique ou de fausse exemplarité.

Les blogs d’adolescents vont bien au-delà de ces quelques faits divers. Ne pas chercher à en comprendre les usages, en profondeur et en abandonnant résolument toute velléité de sensationnalisme, c’est prendre un risque majeur : celui de voir se creuser encore davantage le fossé générationnel. Il faudrait même s’interroger sur ce que signifie cette façon de stigmatiser les pratiques générationnelles, comme l’exprimait récemment Dominique Barella, président de l’Union syndicale des magistrats, à propos du P2P : "Quand une pratique infractionnelle devient généralisée pour toute une génération, c’est la preuve que l’application d’un texte à un domaine particulier est inepte."

Les adolescents d’aujourd’hui sont nés avec une souris dans la main et un caméraphone dans l’autre. Ils parlent couramment, qu’on le veuille ou non, le "langage SMS", s’échangent de la musique et chattent à longueur de journée ou de soirée, délaissant très largement au passage, comme de nombreuses études en attestent, la télévision, dont les générations précédentes étaient d’avides consommatrices.

Le fossé avec les générations d’hier, qui savent parfois à peine écrire un mail, est colossal. Forcément, l’incompréhension face à l’utilisation de ces outils est totale. Si ces blogs cristallisent les tensions aujourd’hui, c’est d’abord parce qu’on y voit et lit des jeunes qu’on ne comprend pas. Pris en photos dans des poses qui ont l’air agressives, pris sur le fait de propos injurieux ou idiomatiques... Ils ne font pourtant, la plupart du temps, que prolonger les rapports qu’ils ont avec eux-mêmes et avec les autres : ils façonnent leur image, ils s’interpellent de la même façon qu’ils le font dans la "vraie" vie. Ces images et ces textes sont surtout des marques identitaires, que les ados pratiquent au quotidien et qui deviennent, regardés par l’oeil adulte, autre chose, comme si le regard des adultes et l’exposition publique sortait tout cela de son contexte. Ces espaces personnels, généralement composés de photographies et de très courts textes bariolés d’abréviations ! hiéroglyphiques, sont formellement des publications, d’où la tension. Pourtant, pour ceux qui les produisent, il s’agit sans doute d’autre chose.

Si on compare les carnets personnels produits par des générations différentes, incontestablement, la relation à l’intimité n’est pas la même. L’intimité n’a pas le même sens, ni la même valeur. Aujourd’hui, le propos est plus direct, plus personnel, plus privé. Il est réservé à ses proches et en même temps, il s’expose au monde entier. Mais l’objectif est moins de s’afficher que d’animer sa communauté électronique - ou sa "tribu" - autour de soi. Et ce faisant, de partager avec elle ses joies, ses peurs, ses angoisses, ses doutes - ou simplement les photos de son quotidien et les images de ses rêves. La conscience de ce qu’est le web est également différente. Espace de publication et média pour les uns, il est ici avant tout un espace privé dans un village global, un moyen pour partager des photos qu’on s’échange déjà de téléphone à téléphone, un lieu de mémoire personnel et tribal, une façon de prolonger la fraternité quotidienne, le soir, chacun derrière son écran.

Comme l’explique le chercheur Olivier Trédan :

"La convergence entre les blogs d’ados et les outils multimédia, au premier rang de ceux-ci les téléphones portables-appareils photos numériques, qui ont donné naissance aux moblogs, pose la question de l’intrusion de l’espace privé dans l’espace public. En effet, la banalité du vécu dans un établissement scolaire est traitée dans un cadre privé, pour se retrouver exposé dans un nouvel espace public."

Il serait absurde de ne pas mettre de limites à certains abus et dérapages quand il y a lieu. Les blogs n’échappent pas à la loi républicaine et il appartient à qui de droit de faire respecter les textes en vigueur. Mais il n’y a pas pour autant de raison de stigmatiser des excès là plus qu’ailleurs.

Bien sûr, plus il y aura de blogs, plus il y aura d’abus et de dérapages. On peut vouloir refermer le couvercle, interdire, imposer des obligations aux hébergeurs, exiger des autorisations parentales... Mais on pourrait aussi se saisir de cette forme d’expression, et des dérapages eux-mêmes, comme de formidables travaux pratiques d’éducation civique et technologique : engager des débats sur la responsabilité, sur la législation (droit à l’image, diffamation, etc.), sur les frontières entre vie privée et domaine public, mieux comprendre la technologie et son usage à des fins d’expression personnelle et publique, expliquer le rôle d’une publication électronique, comprendre l’intérêt des hyperliens, des réseaux... tant pour les élèves que pour leurs professeurs.

On peut d’ailleurs voir l’extrême popularité de ces blogs non comme un danger mais comme une opportunité : celle de faire enfin entrer vraiment l’internet dans les collèges !

Cyril Fiévet et Hubert Guillaud

Signalons à votre intention, la très intéressante interview d’Olivier Trédan sur le phénomène des blogs d’adolescents disponible sur le site du journal Le Monde.

Posté le 26 mars 2005

©© a-brest, article sous licence creative common info

Nouveau commentaire
  • Mars 2006
    13:41

    Touche pas à mon (Sky)blog

    par otmane

    ana ismi otmane tita sahe fe 3omri 17 sana
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