Appel à l’arrêt des poursuites pour copie privée sur internet

Le Nouvel Observateur a lancé une pétition "Nous sommes tous des pirates"
qui demande l’arrêt des poursuites
contre les internautes qui téléchargent illégalement de la musique.

Mis en ligne mercredi midi, l’appel "Libérez la musique" a dépassé dimanche à 16h00 le cap des 20.000 signatures d’internautes, qui s’ajoutent à celles de personnalités telles que Manu Chao, Matthieu Chedid, Mickey 3D, Jean-Louis Aubert, Bénabar, Dominique A, Yann Tiersen, Ariel Wizman, José Bové, Ségolène Royal, Noël Mamère...

"Comme 8 millions de Français au moins, nous avons nous aussi
téléchargé un jour de la musique en ligne et sommes donc des délinquants
en puissance. Nous demandons l’arrêt de ces poursuites absurdes", dit le
texte de l’appel, signé par des artistes, des universitaires, des
associations professionnelles ou des politiciens.

Les signataires proposent "l’ouverture d’un large débat public
impliquant le gouvernement, tous les acteurs de l’industrie musicale,
tous les artistes, afin de parvenir à une meilleure défense du droit
d’auteur, mais aussi les consommateurs, afin de trouver ensemble des
réponses équitables et surtout adaptées à notre époque".

communiqué de Christian Paul mercredi suite à la condamnation
d’Alexis

La condamnation à de lourdes sanctions financières d’un internaute

  • "Alexis"- pour "contrefaçon" parce qu’il avait téléchargé de la musique
    sans but lucratif illustre de façon éclatante le fossé qui sépare
    désormais les pratiques de millions de français et notre droit conçu
    bien avant la révolution numérique.

Au moment où avec quelques-uns des grands artistes français de ce temps,
Manu Chao, Jean-Louis Aubert, Bénabar...nous lançons un appel à suspendre
la répression voulue par les industries du disque, cette décision doit
provoquer un sursaut collectif et un débat public loyal et transparent.

Il est plus qu’urgent de permettre l’avènement de solutions équitables,
favorisant l’accès à la culture et préservant la rémunération de tous
ceux qui participent à la création et à sa diffusion. C’est dans ce
cadre que la reconnaissance et la légalisation du « peer to peer » sont
désormais possibles.

Je demande au ministre de la culture d’accepter, lors du prochain débat
parlementaire sur les droits d’auteur, qu’un équilibre soit recherché et
construit entre les intérêts en présence.

J’en appelle, une nouvelle fois, aux organismes professionnels à
l’origine de ces poursuites pour qu’un moratoire immédiat interrompe les
procédures en cours, qui ternissent durablement leur image auprès des
Français de toutes les générations.

Réaction de l’association des audionautes

Formée pour mettre un terme aux poursuites engagées par l’industrie du disque contre les internautes, l’Association des Audionautes (ADA) regrette la première décision judiciaire qui condamne un jeune professeur de 28 ans à environ 15 400 euros ..

Le Tribunal de Grande Instance de Pontoise a jugé Alexis coupable d’avoir partagé de la musique sur Internet, une pratique déjà adoptée par 5 millions de français. L’ADA rappelle que l’industrie du disque française a enregistré en fin d’année une hausse successive de +6% et +9% par rapport à l’année 2003, alors même qu’un rapport de l’OCDE confirme que les pratiques de partage de musique ne cessent de croître sur le territoire national.

"La décision du juge de Pontoise est regrettable sur le fond et contestable dans ses fondements juridiques", a commenté Aziz Ridouan, le président de l’Association des Audionautes. En effet, le juge ignore totalement le droit à la copie privée reconnu depuis 1985 et va même jusqu’à affirmer que tout téléchargement est assimilable à de la contrefaçon. Le tribunal a de plus motivé sa position en prétendant que "nombre d’internautes ont considéré ou cru qu’il s’agissait d’un univers lieu de liberté où les règles juridiques élémentaires ne s’appliquaient pas". L’ADA rappelle que la copie privée est un droit et non une liberté, et qu’il s’agit d’une règle juridique élémentaire qui s’applique aussi bien aux cassettes audio échangées dans les écoles qu’avec les fichiers MP3 partagés sur Internet.

La décision est d’autant plus injuste que le juge remarque les 180 CD gravés (qui constituent autant de copies privées pour lesquelles Alexis a payé la rémunération prévue par la loi) alors qu’il oublie les 500 CD originaux achetés par Alexis.

Dans une affaire proche rendue à Châteauroux en décembre 2004, un internaute accusé de partager de la musique et de vendre des CD a été condamné 500 euros avec sursis pour des actes extérieurs à la copie privée.

Comme elle l’était auprès de l’internaute de Châteauroux, l’ADA sera présente aux côtés de tous ceux qui sont poursuivis par l’industrie phonographique française, et nous avons bon espoir de remporter ces procès", a t-il précisé.

Pour mémoire les éléments esentiels de la décision de justice

L’ensemble des éléments constitutifs de contrefaçon est réuni ;

L’élément matériel ressort du téléchargement d’environ 10.000 oeuvres musicales provenant d’autres ordinateurs connectés pour la plupart à ce HUB et la mise à disposition des internautes ;

L’élément légal consiste en le transfert de programmes ou de données d’un ordinateur vers un autre. La jurisprudence a précisé les contours de cette notion ;

Il s’agit d’un acte de reproduction, chaque fichier d’une oeuvre numérisée étant copié pour être stocké sur le disque dur de l’internaute qui le réceptionne et d’un acte de représentation consistant dans la communication de l’oeuvre au public des internautes par télédiffusion

Ainsi dans le réseau de "peer-to-peer" utilisé par Monsieur 0, celui-ci accompli les deux opérations. Il convient de préciser que le logiciel DC++, contrairement à ce que la défense a soutenu à l’audience, impose aux utilisateurs d’ouvrir leurs disques durs aux autres internautes raccordés au HUB ;

Enfin, l’élément intentionnel résulte de la simple matérialité de cet agissement telle que la jurisprudence l’a défini et confirmé à plusieurs reprises ;

Il conviendra toutefois de faire une application très modérée de la loi pénale. En effet ce remarquable outil de communication et d’échanges qu’est internet s’est développé sur une incompréhension lourde de conséquences ;

Nombre d’internautes ont considéré ou cru qu’il s’agissait d’un univers, lieu de liberté où les règles juridiques élémentaires ne s’appliquaient pas. Or, les utilisateurs de ce système doivent prendre conscience notamment de la nécessaire protection des droits des auteurs, compositeurs ou producteurs des oeuvres de l’esprit ; (...) »

Vous trouverez le texte intégral de la décision sur Juriscom.net

Posté le 6 février 2005 par Michel Briand

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