Communication et société
Raison technique, raison éthique et gouvernance démocratique
Les systèmes socio-techniques complexes ouvrent aujourd’hui des
possibilités inédites dans les divers champs de la technologie : génie
atomique, génie génétique, génie informatique.
La diffusion des
applications techniques de la science, généralement soustraites à la
discussion démocratique au profit de critères relevant souvent de
l’économie, est cependant susceptible de provoquer une crise dans
les rapports « science/société ».
Cette crise se traduit par l’émergence d’une situation problématique
qui révèle une incertitude et une ignorance à la fois dans les modes
de production des connaissances et des procédés, et dans les modes
de gouvernement des sociétés. Il importe donc de s’interroger sur la
capacité des systèmes de pouvoir et de décision à résoudre, selon les
exigences de la démocratie et de l’éthique, les problèmes posés par
le développement de véritables conflits de rationalités.
L’enjeu de l’essor d’une rationalité fondée sur le calcul est bien la
capacité des sociétés à s’auto-réguler. L’auto-régulation sociale
suppose un rapport réflexif à l’émergence de l’action collective à
partir de comportements individuels déployés au sein d’institutions.
Pour la réflexion, il s’agit donc de déterminer plus précisément la
place de l’éthique dans un cadre de régulation, ainsi que le rapport
entre l’éthique et la rationalité.
Il convient de s’interroger sur un éventuel échec de la raison. La
rationalisation économique et administrative de l’existence se traduit
de plus en plus par la diffusion insidieuse de contraintes structurelles
et normatives puissantes. Ces contraintes résultent d’une véritable
organisation scientifique et technique. Elles créent une obligation
de conformité dans la pensée et la conduite qui n’est pas sans
conséquence sur la dynamique de la communication sociale.
L’alternative est la suivante : (1) une régulation normative des processus
socio-techniques selon les procédures de la démocratie, avec toutefois
dans ce cadre, un problème posé par l’exigence de justification
normative (2) une régulation positive selon les procédures du marché,
avec toutefois, dans ce cadre, un problème posé par le risque de
domination systémique. Les techniques de l’informatique se situent
au coeur de ce dilemme contemporain.
Il se pourrait bien que les techniques de l’information et de la
communication (NTIC) soient investies de finalités et d’espoirs
démesurés au regard de leurs possibilités réelles. Il semble important
de pouvoir évaluer le rôle politique, social et la légitimité d’une
technique - l’informatique - dont la rationalité à la fois calculatrice,
instrumentale et réductrice se révèlerait incapable d’intégrer la
demande de sens si caractéristique de l’éthique. Cette question
appelle sans doute une redéfinition des rapports entre experts et
citoyens et conduit à poser la question de la possibilité d’une régulation
démocratique du développement des technocommunications.
ll existe sans nul doute une asymétrie entre les capacités d’entente
intersubjective dans des systèmes sociaux dépourvus de gouvernement,
et d’autre part, les capacités de la société globale à prendre en
charge son organisation et sa régulation.
Ces difficultés invitent à penser un autre rapport entre les espaces
publics organisés par eux-mêmes et des domaines d’actions régulés
par l’argent et le pouvoir. Enfin, il est probablement inévitable de
repenser le rapport entre la théorie et la pratique (theoria/praxis),
ainsi que les voies de la gouvernance susceptibles de fournir une
résistance aux formes de domination technique de la communication.
PROGRAMME DES SEMINAIRES 2005
Introduction au séminaire
- 24 février : La gouvernance - archéologie, enjeux et modalités :
éthique, rationalité socio-technique et rélfexivité sociale, T.
Dedeurwaerdere, Centre de Philosophie du Droit, Université de
Louvain
I. L’individu et la gouvernance
- 10 mars : Volonté individuelle et générale en démocratie, C.
Leleux, Haute Ecole de Bruxelles, Belgique
- 28 avril : Des conditions d’un débat public démocratique. Effets
d’inclusion et d’exclusion, M. Revel, CETS, ICAM, Lille, France
Gouvernance et technologie : une question de paradigme, C.
Lobet-Maris, CITA, Institut d’informatique, FUNDP, Namur
II. La technique et l’éthique
- 12 mai : La philosophie de la technique : Déconstruction des
problématiques classiques de la philosophie de la technique, et
reconstruction des rapports entre technique, société et
démocratie dans la pensée anglo-saxonne contemporaine, F.
Doridot, CETS, ICAM, Lille
- 16 juin : Désillusions de la gouvernance démocratique : autorégulation
et arbitrage éthique, M. Maesschalck, UCL/FUSL,
Belgique
- 15 septembre : Regard sociologique sur une dynamique
technologique controversée : le cas des micro et
nanotechnologies, D. Vinck, CRISTO, Université de Grenoble
- 20 octobre : L’intégration des valeurs dans la logique de la
décision : l’exemple de la coordination des acteurs sociaux
autour de normes ambiguës, E. Picavet, Université Panthéon-
Sorbonne, Paris 1, CNRS et ENS Paris - UMR 8590
- 17 novembre : Science - Society Interfaces for Implementing
Science and Technology Foresight and the Precautionary
Principle, R. von Schomberg, European Commission, DG
Research Science and Technology Foresight Unit, Brussels
III. Gouvernance et éthique des systèmes d’information et
- 15 décembre : Internet et éthique : Les fondements éthiques
des techniques de l’information, J. van den Hoven, Department
of Philosophy, Faculty of Technology, Policy and